Dans les arsenaux aériens modernes existent des avions particulièrement rares car coûteux à l’emploi autant qu’à la conception, ce sont les relais de communications entre les submersibles et la terre ferme. Seuls trois pays s’y sont essayés : les États-Unis, la France, et l’Union Soviétique. Or depuis 2001 et le retrait des C.160H la France n’en possède plus et seuls Américains et Russes entretiennent encore un telle flotte. Dans le cas de ces seconds celle-ci se résume en fait à deux uniques avions volant sous la livrée civile de la compagnie aérienne étatique Aeroflot et baptisé Ilyushin Il-82.
C’est en 1978 que le KGB, le puissant service des renseignements soviétiques, apprit l’existence dans l’US Navy d’avions spécialement étudiés pour relayer en temps réel les ordres de tirs des missiles nucléaires entre la Maison Blanche et les sous-marins en plongée. Désignés Lockheed EC-130Q TACAMO ces avions étaient alors parmi les plus secrets de l’arsenal des États-Unis. Et pourtant l’URSS ne possédait pas le moindre avion de ce type dans son arsenal. Grâce à l’infiltration d’agents soviétiques Moscou put avoir des informations importantes concernant ces avions et ainsi décider de développer sa propre version.
Mais il fallait savoir sur quel base d’avion développer un tel programme. C’est à Zhukovsky, le principal centre de développement aéronautique soviétique, que le programme fut lancé entre 1981 et 1982. Les premières expérimentations furent menées sur un vieux quadrimoteur à turbopropulseurs Antonov An-10, ce qui laissa présager aux services de renseignement occidentaux que le futur avion serait un An-12.
Or dès le départ les équipes du Kremlin avaient envisagé que l’équivalent de l’EC-130Q soit construit sur la cellule du quadriréacteur Ilyushin Il-76.
En fait les travaux furent particulièrement longs, notamment pour le développement de l’antenne de communication à très basse et très très basse fréquence nécessaire pour joindre les submersibles en profondeurs. Si la majorité des essais aérodynamiques furent menés avec l’An-10 ceux destinés à valider l’emploi des équipements furent réalisé à l’aide de l’Il-76 immatriculé CCCP-76450.
À cette époque l’avion avait reçu la désignation d’Il-76VKP. On estime que son premier vol est intervenu au printemps 1989. Un second exemplaire fut commandé, strictement identique au premier, et immatriculé CCCP-76451. Ces deux machines devaient préfigurer une flotte d’une trentaine d’avions.
Cependant la chute du mur de Berlin, la fin des régimes marxistes en Europe et l’effondrement de l’Union Soviétique en décida autrement. Jamais d’autres avions de ce type ne seraient produits. Revêtus de leur livrée pseudo-civils les deux Il-76VKP furent mis en sommeil sur le tarmac de Zhukovsky jusqu’au début de l’année 1993. Ils étaient même devenus une attraction pour les visiteurs occidentaux, à tel point que l’OTAN put l’observer d’assez près et lui affecter la désignation de Mongrel. En février de cette même année 1993 la toute jeune force aérienne russe décida de se saisir de ces avions, alors que la logique aurait voulu qu’ils reviennent à l’aéronavale. Leurs immatriculations furent modifiés, le CCCP étant remplacé par les lettres RA tout en conservant les mêmes chiffres.
Ils reprirent leurs vols, d’abord pour des missions d’entraînement puis plus officiellement afin de voler au profit des sous-marins russes.
C’est à cette époque que leur désignation fut changée en Il-82.
Extérieurement l’Ilyushin Il-82 se présente clairement comme un dérivé de l’Il-76 dont il conserve l’allure générale. Il s’en différencie cependant par plusieurs appendices particulièrement disgracieux à l’image de l’antenne principale de communication en forme de baignoire renversée placé à l’avant de son fuselage, sur le dessus à la manière de l’Il-87. D’autres antennes plus petites hérissent l’intrados du fuselage tandis que l’antenne à très basse et très très basse fréquence est installée dans un système déroulable à l’arrière du fuselage. Il est à noter qu’à l’instar du Beriev A-50 l’Il-82 ne possède pas la fameuse tourelle de défense arrière de l’Il-76.
Les observations d’Ilyushin Il-82 Mongrel ne sont pas particulièrement fréquentes, mais à chaque fois les avions étaient porteurs de leur livrée civile d’origine. Nonobstant ce sont bien des avions militaires. On peut d’ailleurs se demander en quoi deux uniques avions peuvent bien remplir une telle mission quand on voit que l’US Navy de son côté entretient actuellement une flotte de seize Boeing E-6 Mercury dont la mission est la strictement la même.
Avion ô combien discret et mystérieux l’Ilyushin Il-82 demeure pourtant un des plus parfaits exemples de gâchis de l’industrie aéronautique post-soviétique. Quasi abandonné après l’effondrement communiste il aurait cependant dû renaître de ses cendres mais sans volonté politique il n’en fut rien. En 2018 ces deux avions étaient encore en service et aucun remplacement ni relance de la production n’était à l’ordre du jour.
Évidemment il n’a pas été exporté.
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