La guerre froide fut, peut-être plus encore que la Seconde Guerre mondiale qui l’avait précédée, le conflit durant lequel le renseignement mais également la désinformation prirent une importance capitale. Et dans ces deux domaines l’aviation eut son rôle à jouer aussi bien au sein des forces de l’OTAN que de celles du Pacte de Varsovie. En Union Soviétique un aéronef servit de plateforme pour concevoir deux machines particulièrement adaptées, il s’agit de l’avion de ligne Ilyushin Il-18 alias Coot dans la nomenclature atlantiste. De lui découlèrent l’Il-20 de reconnaissance stratégique et d’espionnage aéroporté et l’Il-22 destiné à servir de poste de commandement aéroporté.
C’est au début des années 1960 que le Kremlin ordonna à Ilyushin de développer en même temps deux versions de son Il-18 afin de surveiller les agissements des forces de l’OTAN en Europe occidentale autant que pour assurer la riposte nucléaire en cas d’attaque américaine. Il s’agissait en fait d’un raisonnement qui existait alors également aux États-Unis.
Si la majorité des informations concernant le développement de ces avions n’est pas connu actuellement on sait juste que la première version, désignée temporairement Il-18D-36 fut observée par un avion de reconnaissance Lockheed U-2 de l’US Air Force en 1960. Étant revêtu d’une livrée pseudo-civile aux couleurs de l’Aeroflot l’avion fut identifié comme une version civile et reçut la désignation de Coot-A. Pour la CIA cet avion était alors un avion de calibration radar et de surveillance de la banquise.
En fait les services de renseignement occidentaux avaient tout faux.
Ultérieurement officiellement désigné Il-20 le Coot-A était en réalité un avion de reconnaissance stratégique et de surveillance électronique parmi les plus modernes de son temps. Construit à une vingtaine d’exemplaire au départ il entra en service entre 1962 et 1963. À l’époque de la crise des missiles de Cuba il semble bien qu’un de ces avions ait été déployé par les Soviétiques, sous une livrée et une immatriculation civile, dans l’île des Caraïbes. Il avait pour mission de surveiller les agissements des forces américaines.
Dans le même temps donc Ilyushin travailla sur une version qu’on pourrait considérer comme plus aisé à développer, puisque charger de servir de poste de commandement aéroporté et de relai communication. Pourtant il n’en fut rien, et c’est cette version que l’aviation soviétique fit entrer le plus tardivement, pas avant 1965 ou 1966. Les ingénieurs de l’avionneur cherchait en effet à percer les mystères de la communication encryptée à très basse fréquence, une technologie sur laquelle les Américains travaillaient également.
Cette version reçut finalement la désignation constructeur d’Ilyushin Il-22. Celui-ci était identifié par l’OTAN comme Coot-B car plus encore que l’Il-20 les forces occidentales le confondirent avec un avion de ligne.
À la toute fin des années 1960 Ilyushin travailla sur une version de l’Il-20 destiné à la reconnaissance par télémétrie sous la désignation d’Il-20RT. Cet avion devait permettre de suivre les déplacements de missiles balistiques américains le long du Rideau de Fer. Pourtant ces avions furent en fait assez peu utilisés et finirent finalement par être stockés au début des années 1980. Mais de manière assez surprenante ils en ressortirent au début des années 2000, troquant leur immatriculation soviétique pour une russe plus contemporaine tout en conservant la même livrée de l’Aeroflot. Mais désormais les Ilyushin Il-20RT étaient appelés à calibrer les radars de la défense aérienne et de l’aviation civile dans le pays.
Ils furent remplacés en 2011 par deux Ilyushin Il-76 profondément modifiés.
En fait la fin de la guerre froide ne fut pas fatale à ces avions robustes et assez bien pensés. Certes les Il-20 Coot-A volèrent beaucoup moins dans les années 1990 tandis que les Il-22 Coot-B se retrouvèrent même à assurer des vols d’entraînement au profit des équipages d’Il-38 May avec qui ils partageaient une partie du poste de pilotage. Au début des années 2000 ils cédèrent la place à des postes de commandement aéroporté bien plus évolués à l’image des Ilyushin Il-82 Mongrel et Il-87 Maxdome. Pour autant l’aéronavale russe récupéra quelques exemplaires afin de servir notamment au relai des communications avec les submersibles en plongée.
Les Il-20 Coot-A eux n’ont jamais cessé d’être utilisés par les forces aériennes russes après la chute du communisme. Et au cours des années 2000 et 2010 ils trouvèrent même une seconde jeunesse en espionnant les positions de l’OTAN dans les pays jadis placés sous le joug moscovite. Dans le même temps l’aviation russe déploya plusieurs avions de ce type en dehors de ses frontières, en Tchétchénie puis en Syrie. Dans ce dernier pays un avion fut abattu par la DCA… amie du régime syrien.
En cette fin d’années 2010 l’Ilyushin Il-20 était encore le principal avion-espion russe, près de soixante ans après son entrée en service. Preuve en est de sa robustesse mais certainement également des nombreuses remises à niveau dont il fit l’objet. Quant à l’Il-22 seule une infime quantité d’exemplaires servait encore dans l’aéronavale.
Bien évidemment aucun ne fut exporté, et seule la Russie conserva les machines de ce type après l’effondrement de l’URSS.
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