Dans la frénésie conceptuelle que l’aéronautique française connut au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les prototypes d’avions à réaction tiennent une place à part. En effet si certains de ces avions ont débouché sur des appareils assemblés en série d’autres n’ont pas dépassé le stade des essais en vol, et ce malgré des concepts parfois très intéressants. Parmi ces avions n’ayant pas dépasse le stade de prototype on retrouve le très étonnant, et néanmoins disgracieux Sud-Est SE-2410 Grognard.
En 1948, l’Armée de l’Air fit savoir qu’elle cherchait un nouvel avion d’attaque au sol destiné au remplacement de ses Republic P-47 Thunderbolt et des derniers Grumman F6F Hellcat encore utilisés pour ce type de missions. Le cahier des charges prévoyait que le nouvel avion devait être un biréacteur mono ou biplace. Le programme fut prioritairement confié aux constructeurs nationalisés, et notamment à la SNCASE (Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Est) plus connue sous le nom de Sud-Est qui proposa directement un concept très novateur sous la désignation de SE-2410.
Celui-ci concernait un avion monoplace disposant d’une aile médiane en flèche accentuée et d’un train d’atterrissage classique escamotable tricycle. La particularité notable de l’avion résidait dans ses deux turboréacteurs Rolls & Royce Nene, construits sous licence par Hispano Suiza, logés l’un au-dessus de l’autre sur l’extrados de fuselage. Cette formule de réacteurs superposés était alors totalement inédite. La bosse des réacteurs ne laissait qu’une place limitée à l’empennage. Le pilote prenait place dans un habitacle largement vitré à l’avant de l’appareil sur un siège non éjectable. Bien que non monté initialement l’armement prévoyait deux canons Hispano d’un calibre unitaire de 30mm ainsi que des bombes et des roquettes.Le SE-2410 réalisa son premier vol à partir de la base d’essais de Villacoublay le 30 avril 1950.
La SNCASE baptisa son avion d’attaque du nom de Grognard, en hommage aux soldats napoléoniens de la Grande Armée. Mais à l’époque les personnels du Centre d’Essais en Vol avaient déjà affublé l’avion du sobriquet de « bossu » eut égard au positionnement de ses propulseurs. Les essais furent menés activement et notamment en matière d’armement, si bien que l’Armée de l’Air passa commande d’un second prototype, d’une version cette fois biplace, et désigné SE-2415 Grognard II.
Outre un cockpit modifié et une aile agrandie, le Grognard II voyait son armement alourdi. Toutefois le programme fut annulé au début de l’année 1952, soit un an après le premier vol de ce second avion, survenu en février 1951. C’est finalement le Vautour de la SNCASO qui fut commandé en série par l’Armée de l’Air, puis par la suite par Israël. Cela ne signifia pas pour autant la fin de carrière du SE-2410 Grognard et de son biplace.
En effet, le premier prototype de cette machine fut massivement utilisé pour des essais d’armement, et notamment dans la mise au point de missiles air-sol et air-air français par des industriels comme Nord ou encore Matra. Le Grognard II fut lui aussi utilisé mais comme machine d’entraînement pour les futurs pilotes d’essais, cependant rarement car l’avion était particulièrement gourmand en carburant et assez fragile. Finalement le Grognard monoplace fut arrêté de vol au tout début de l’année 1954, après avoir été le premier avion français à tirer un missile air-air de conception nationale.
Par la suite seule la Royal Air Force et la Royal Saudi Air Force utilisèrent un avion mû par deux réacteurs superposés, à savoir le chasseur et intercepteur English Electric Lightning.
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