Au cours de la guerre froide la Royal Air Force utilisa un nombre important d’avions de transport, aussi bien pour desservir ses bases domestiques que celles réparties en Allemagne de l’ouest ou ailleurs dans le monde. De ce fait son arsenal aérien dans ce domaine allait du monomoteur léger au quadrimoteur de transport stratégique. L’un des plus impressionnants de ces derniers fut un avion conçu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et utilisé durant près de trois décennie : le Handley Page HP.67 Hastings.
Lorsqu’en 1945 la paix revint (timidement) sur le monde le Royaume Uni disposait de la troisième armée du monde, et ce dans tous les domaines : air, terre, et mer. La Royal Air Force était, et de loin, la plus puissante aviation d’Europe occidentale largement devant l’Armée de l’Air, l’Ejército del Aire, ou encore la Força Aérea Portuguesa. Et une de ses principales forces était le transport aérien. Or en ces périodes de réductions des budgets militaires conserver cette avance allait s’avérer être une gageure. Nombre de programmes furent rapidement abandonnés, souvent au grand dam des militaires eux-même. Cependant quelques-uns eurent la chance de survivre aux économies parmi lesquels celui relatif à la Specification 3/44 relative à un avion de transport lourd quadrimoteur.
Deux constructeurs étaient alors en lice : Avro et Handley Page. Quand le premier proposait une adaptation de son bombardier lourd Lincoln le second avançait un design totalement nouveau. Et en octobre 1945 il fut décidé de privilégier le programme Handley Page désigné HP.67. L’avant-projet semblait bien plus évolué que celui proposé par Avro et tournait d’un fuselage et d’un cockpit pressurisés, de quatre moteurs en étoile Bristol Hercules, et d’une aile cantilever à dièdre positif. Un prototype fut officiellement commandé.
Extérieurement le Handley Page HP.67 se présentait donc sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever construit intégralement en métal. Il possédait un train d’atterrissage classique escamotable à large voie. Sa propulsion était assuré par quatre moteur en étoile Bristol Hercules Mk-101 d’une puissance nominale de 1622 chevaux, entraînant chacun une hélice quadripale en métal. Le cockpit prévu pour accueillir quatre membres d’équipage (pilote, copilote, mécanicien navigant, et opérateur radio) était pressurisé tout comme la cabine passager. Celle-ci possédait également une large double porte permettant, via une rampe amovible, le chargement de fret voire de véhicules légers. C’est dans cette configuration que le prototype réalisa son premier vol le 7 mai 1946.
Rapidement l’avion reçut le patronyme de Hastings, en hommage à la célèbre bataille éponyme qui se déroula en octobre 1066 entre les troupes anglo-saxonnes et normandes. La campagne d’essais fut finalement assez rapide puisque le premier exemplaire, de la série Hastings C Mk-1 entra en service en septembre 1948. Il s’agissait à l’époque du plus gros avion construit par Handley Page et du plus imposant avion de transport militaire construit en Europe occidentale. Ce premier avion de série fut suivi par quatre-vingt-treize autres exemplaires.
Dès la fin des années 1940 les Handley Page Hastings C MK-1 de la Royal Air Force commencèrent à sillonner les cieux du monde entier. Le rayon d’action de ces avions permettait de traverser l’Atlantique sans escale ou de rallier n’importe quel point en Europe de l’ouest et dans l’arc méditerranéen. Initialement la commande portait sur cent avions de transport avant qu’elle ne soit ramenée à quatre-vingt-quatorze, plus six autres pour une version de reconnaissance météorologique maritime initialement désignée Hastings Met Mk-1 puis Hastings W Mk-1 dès 1951.
Ces six avions furent utilisés pour des missions de surveillance météorologique dans le cadre des patrouilles maritimes et océaniques du Coastal Command. Avec l’émergence de la guerre froide il n’était pas rare de voir de tels avions aux abords des côtes des pays du Pacte de Varsovie. En effet les Handley Page Hastings W Mk-1 réalisèrent assez fréquemment des missions d’espionnage aéroporté aux profits des services de renseignements de Sa Majesté ! Ils assurèrent de telles missions jusqu’en 1966 et leur remplacement définitif par des English Electric Canberra PR Mk-3 et des Vickers Varsity T Mk-1.
Le début des années 1950 fut marqué par l’apparition du Hastings C Mk-2 construit à quarante-trois exemplaires et la transformation de soixante-huit Hastings C Mk-1 en C Mk-1A avec la motorisation des C Mk-2. Plus que jamais la Royal Air Force disposait alors de la plus importante flotte de transport militaire aérien en Europe occidentale. Durant cette décennie seul un avion européen, français en l’occurrence, pouvait disputer au Hastings le titre d’avion de transport le plus lourd du continent : le Breguet Deux Ponts. Cependant l’Armée de l’Air possédait bien moins d’avions de ce type que la RAF n’alignait de Hastings.
Et les succès du Hastings sous la cocarde britannique attirèrent les clients potentiels. Le constructeur britannique pensa même un temps fournir l’US Navy qui recherchait un remplaçant pour ses Douglas R5D Skymaster avant que finalement l’aéronavale américaine ne se tourne (logiquement) vers le R6D Liftmaster du même avionneur. Handley Page fut également approché par les Australiens et les Canadiens. Mais finalement le seul client à l’export fut la Royal New Zealand Air Force qui en 1951 acheta quatre exemplaires d’une versions similaire au Hastings C Mk-2 et désignée Hastings C Mk-3. Ces machines furent mise en œuvre par deux squadrons néo-zélandais. Au cours du même contrat trois Bristol Freighter furent achetés. La Nouvelle-Zélande ne conserva cependant ses Hastings qu’une petite dizaine d’années puisqu’ils quittèrent le service actif en 1965.
En 1952 Handley Page reçut la dernière commande britannique pour quatre avions destinés à des missions de transport exclusif de personnels et désignés Hastings C Mk-4. Il fut pensé un temps d’en modifier un en avion de servitude pour la famille royale mais définitivement ce quadrimoteur était trop bruyant pour permettre ce type de missions de prestige. Cette même année huit Hastings C Mk-1 furent transformés en avions d’entraînement avancé Hastings T Mk-5. Ils devaient permettre de former les futurs équipages appelés à voler sur les bombardiers stratégiques Avro Vulcan, Handley Page Victor, et Vickers Valiant. Ces avions d’entraînement avancé volèrent jusqu’en 1968.
Finalement la Royal Air Force maintint en état de vol sa flotte de Handley Page Hastings de transport jusqu’en 1971, les remplaçant par les versions du polyvalent Lockheed Hercules alors en dotation. Néanmoins cela ne sonna pas définitivement le glas de l’avion sous cocarde britannique. Deux exemplaires, codés TG500 et TG502 volèrent comme avions de servitude pour le compte de l’Aeroplane & Armament Experimental Establishment. Ce centre d’essais britannique, basé à Boscombe Down dans le sud de l’Angleterre, utilisait en fait ces Hastings C Mk-2 depuis 1963. Le Royal Aircraft Establishment de son côté utilisait alors un autre avion identique, sous l’immatriculation militaire WD480, pour divers essais en vol. Il fut notamment utilisé dans le cadre des programmes de développement du biréacteur de ligne BAC 1-11 et même de l’avion supersonique franco-anglais Concorde ! L’A&AEE et le RAE se séparèrent de leurs Hastings respectifs en 1977, soit six ans après les unités d’active.
Il est à signaler que le HP.67 Hastings servit de base à un avion de ligne, doté lui d’un train d’atterrissage tricycle : le HP.81 Hermes construit à seulement vingt-neuf exemplaires et utilisé principalement par des compagnies britanniques comme la BOAC. Quelques exemplaires furent cependant exportés aux Bahamas, au Koweït, et au Liban. La Royal Air Force s’intéressa un temps au Hermes afin d’en acquérir un exemplaire après l’échec du programme de transformation d’un Hastings C Mk-4 en avion royal, mais finalement cela ne déboucha pas. L’avion de ligne ne connut donc aucune carrière militaire.
Dernier de son époque, celle des grands avions de transport à train classique le Handley Page HP.67 Hastings était devenu quasiment anachronique à la fin de sa carrière. Malgré cela il réussit à remplir la majorité de ses mission sans encombre et ce malgré ses deux principaux défauts : son bruit excessif et ses vibrations dit-on terribles. On comprend de ce fait mieux que l’avion ait été impliqué dans une petite vingtaine d’incidents majeurs et d’accidents mortels ! Aujourd’hui un exemplaire est préservé à Duxford au sein de l’Imperial War Museum et un autre au RAF Museum de Cosford.
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