À l’instar de la Suisse la Suède a toujours cultivé sa neutralité vis à vis des conflits mondiaux qui endeuillèrent le 20ème siècle. De ce fait ce pays a su conserver des relations diplomatiques aussi bien avec les forces alliées que les nations de l’Axe. Une politique qui se ressentit sur le quotidien des Suédois, mais aussi sur l’équipement des forces aériennes, armées, et navales du pays.
L’un des aspects les plus intéressants de la Flyvapnet fut donc durant la Seconde Guerre mondiale lorsque cette force aérienne disposait aussi bien d’aéronefs construits en Allemagne nazie, en Italie, ou aux États-Unis et au Royaume Uni. Cependant contrairement à une légende souvent colportée des années 1960 au années 1980, jamais l’aviation suédois ne posséda le nec plus ultra des constructions de ces pays, pour la bonne et simple raison qu’un pays neutre n’a pas forcément de moyens ni de besoins dans de telles machines.
Et bien évidemment quand on est une nation neutre le principal demeure de s’assurer de la bonne défense du pays. Mais quand le dit pays est d’une superficie de presque 450 000 km² avec 2200 km de frontières terrestres et un peu plus de 11 500 km de littoral la question de la protection et de la défense devient problématique. C’est la raison pour laquelle l’aviation suédois a à cette époque mis l’accent sur ce genre de mission au travers de deux types d’aéronefs bien particuliers : les avions de chasse et les avions et hydravions à caractère maritime.
Or la chasse suédoise durant la Seconde Guerre mondiale n’avait nullement la capacité de s’opposer aux avions contemporains en service dans les forces européennes, qu’elles soient d’un camp ou de l’autre. Elle mêlait à la fois des biplans passablement dépassés et des machines qui ne furent jamais vraiment modernes. Lorsque l’Allemagne envahit la Pologne en septembre 1939 la chasse suédoise reposait sur un mélange de onze Bristol J7, quinze Fokker J3, et dix-sept Svenka Aero J6. Ces trois modèles de biplans étaient alors déjà totalement dépassés, d’autant que le Fokker J3 était en fait un avion de reconnaissance transformé à la va-vite en chasseur de nuit… sans radar mais doté de deux puissants phares. Pour autant certains pilotes de chasse suédois eurent alors la chance de voler sur des biplans un peu plus modernes, à savoir cinquante-cinq Gloster J8.
Cependant en 1940 l’état-major suédois en profita pour remplacer les plus anciens de ces avions, à savoir les J6 et J7 tandis que les J3 étaient désormais dévolus à des missions de chasse à l’aube. En lieu et place de ces biplans les généraux suédois firent le choix du biplan italien Fiat J11 mais aussi du monoplan américain Seversky J9, commandés à respectivement soixante-douze et soixante exemplaires. Cependant l’opinion publique locale craignant fortement les incursions allemandes et soviétiques les militaires firent le choix d’acquérir l’année suivante un lot de soixante monoplans italiens Reggiane J12 permettant ainsi de muscler la chasse locale. Il est à remarquer que les ambassadeurs suédois à Berlin et Londres tentèrent de négocier, sans succès, la vente respective de Messerschmitt Bf 109E et de Supermarine Spitfire. En fait les deux pays craignaient que leurs chasseurs standards ne se retrouvent finalement, par le jeu des espions et de la diplomatie, dans le camp d’en face.
Pour autant l’aviation militaire suédoise n’était pas totalement dépendante des pays étrangers puisque le pays possédait sa propre industrie aéronautique. L’un des symboles fut alors l’étonnant monoplan FFVS J22 dont cent-quatre-douze exemplaires furent utilisés principalement pour des missions de patrouille de combat et de supériorité aérienne.
L’autre grande mission des avions de la Flygvapnet fut donc à cette époque d’assurer la protection du littoral du pays, dont l’une des particularité résidait dans son découpage très particuliers et dans la multitude d’îles et îlots qui lui sont rattachés. C’est pourquoi très tôt la Suède s’est tournée vers les avions et hydravions de reconnaissance et ceux de torpillage. Deux missions alors confiés à des machines là encore achetées à des pays souvent ennemis les uns par rapport aux autres. Lorsque la Seconde Guerre mondiale démarra les missions de reconnaissance maritime et de surveillance côtière étaient encore à la charge de vieux monoplans allemands totalement dépassés, des Heinkel S5 datant de 1926, sous armés et mal motorisés. En service à hauteur de quarante exemplaires certains d’entre-eux avaient été produits localement sous-licence. Cependant en 1940 un contrat fut passé avec l’avionneur italien Caproni afin de trouver un successeur digne de ce nom, et le choix se porta sur le méconnu bimoteur S16 dont quatre-vingts exemplaires furent acquis, ainsi que quatorze supplémentaire ayant la capacité de lancer des mines anti-sous-marines et des charges légères de profondeur comme Caproni T16.
À cette époque l’aviation de lutte anti-navire et anti-sous-marine suédoise se résumait en fait à douze hydravions à flotteurs allemands Heinkel S12 capables de torpiller mais inapte à l’emport des charges de profondeurs et des mines. Cependant ces monomoteurs avaient très bonne réputation en Suède où leur robustesse et leur capacité à voler par tous les temps firent merveilles.
Pour autant la Flygvapnet possédait aussi une très classique aviation de reconnaissance tactique et d’observation, qui par définition ne servait à rien puisque la Suède était un territoire neutre au milieu d’une Europe en guerre dominée par la folie nazie. Pour autant les Suédois entretinrent une flotte assez particulière puisque très hétérogène allant de l’hydravion biplan britannique Hawker S9 au monoplan à décollages et atterrissages courts allemand Fieseler S14. En 1942 le gouvernement suédois négocia l’achat de dix-huit bimoteurs allemands de reconnaissance longue distance Dornier Do 215… qui ne furent jamais livrés et finalement réquisitionnés par la Luftwaffe. Berlin craignait, à juste titre, que ces avions ne servent les Suédois à espionner les territoires placés sous le joug du Troisième Reich. De dépit l’aviation suédoise se tourna alors de nouveau vers Caproni et son S16 pour en acheter quatorze exemplaires de plus : des avions bien moins efficaces que le Do 215.
Comme toutes les forces aériennes depuis la Première Guerre mondiale la Flygvapnet disposait aussi de sa propre flotte de bombardiers, sans cependant posséder d’avions lourds. En septembre 1939 celle-ci se composait d’avions aussi différents que les quarante-cinq monomoteurs biplans britanniques Hawker B4, les quatre-vingt sept bimoteurs monoplans allemands Junkers B3 ou encore les cent deux monomoteurs monoplans américains Northrop B5. Des avions plutôt alors en phase d’obsolescence mais qui servaient parfaitement un utilisateur neutre comme la Flygvapnet.
L’année 1940 vit à la fois le refus de Washington DC de fournir des bimoteurs Douglas A-20 Havoc mais aussi de Berlin de vendre des Junkers Ju 87 aux Suédois, ce qui poussa l’avionneur local SAAB à développer deux modèles capables selon lui de les remplacer efficacement. C’est ainsi que naquirent les B17 et B18, ce second n’entrant en service qu’en 1944.
En fait si les aviations de combat et de reconnaissance étaient alors assez correctement équipées les Suédois ne pouvaient pas en dire autant pour ce qui concernait les missions de soutien opérationnel. Et le transport aérien militaire en était une démonstration flagrante. Aucun modèle ne dépassa les six exemplaires de série. Ainsi les deux types d’avions de transport en service en plus grand nombre étaient les six monomoteurs américains de liaisons et de soutien d’état-major Rearwin Tp12 (construits sous licence locale par Götaverken) et les cinq trimoteurs allemands de transport tactique Junkers Tp5. À ceux-là s’ajoutaient un multitude d’avions acquis à l’unité seulement : Beechcraft Trp4, De Havilland Trp3, Fairchild Tp6, Miles Tp7, ou encore Waco Tp8. Sans compter que le transport militaire aérien suédois utilisait là encore des machines totalement inadaptés et/ou dépassées à l’image de l’avion de ligne Fokker Tp10 datant des années 1920 ou de l’avion léger polonais RWD Tp11. Par ailleurs deux hydravions à flotteurs Junkers Trp2 assuraient des missions d’ambulances volantes ainsi qu’un Dornier Tp24 reçu en 1944 après que son équipage allemand ait fait défection.
En fait les écoles de formation au pilotage et d’entraînement avancé ne furent pas mieux traitées à cette époque. Si on excepte les cent monoplans allemands d’entraînement basique Klemm Sk15 et les cent trente-sept monoplans américains d’entraînement intermédiaire North American Sk14 le gros de la flotte d’avions d’entraînement n’était pas très homogène. Il comptait aussi bien des biplans allemands Focke-Wulf Sk12, Heinkel Sk6, Raab-Katzenstein Sk10 ; autant que britanniques De Havilland Sk9 et Sk11.
Plusieurs de ces avions écoles ne pouvaient voler que pendant les mois de printemps et d’été, n’étant pas conçus pour opérer dans le froid hiver scandinave. Il est cependant à remarquer les Sk12 étaient les seuls à voler avec des skis.
En fait entre 1942 et la fin des hostilités la Suède se vit peu à peu isolée à la fois par l’Axe et les Alliés, même si sa neutralité était très souvent bienveillante à l’égard de ces derniers. Après les hostilités de nouveaux avions arrivèrent en unité dont des Bücker Sk25, des Consolidated Tp47, ou encore des North American J26. Mais ça, c’est une autre histoire…
Enfin il faut remarquer qu’à l’instar de l’Irlande et de la Suisse des pilotes étrangers se retrouvèrent parfois obligés d’atterrir en urgence sur le territoire suédois. Ce qui permis dans certains cas aux aviateurs de la Flygvapnet de tester en condition réelle les avions en question. Ce fut notamment le cas d’un Douglas Dakota Mk-I britannique, d’un Focke-Wulf Fw 58 Weihe allemand, d’un Handley-Page Hampden Mk-I britannique, ou encore d’un Yakovlev Yak-3 soviétique. Bien entendu ces avions ne furent jamais rendus !
Un œil averti aura remarqué que les avions vous sont ici présentés, dans un souci d’exactitude historique, sous leurs désignations respectives au sein des forces suédoises.
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