Les touristes et passionnés qui visitent le très beau musée toulousain d’Aéroscopia sont parfois surpris devant un hélicoptère hors du commun : l’Alouette II numéro 05, présentée sous sa magnifique livrée de la Marine Nationale. Il faut dire que ce monoturbine n’est pas dans une configuration très classique avec ses quatre roues en lieu et place des habituels patins d’atterrissage.
C’est l’histoire de ces machines très particulières qui vous est ici racontée. Celles que certains de leurs pilotes surnommèrent affectueusement les «caddies volants».
C’est peu de temps après son premier vol réalisé par Jean Boulet que la Marine Nationale s’intéresse à l’Alouette II. En fait depuis 1954 et le retrait prématuré du service de ses Sikorsky H-5 de facture américaine l’aéronavale française peine à trouver un hélicoptère capable de réaliser des missions embarquées de recherches et sauvetage en mer.
De surcroit elle cherche à se débarrasser de ses quinze Bell 47 particulièrement inadaptés.
Début 1956 les trois premières Alouette II livrées à la Marine Nationale sont affectées à l’Escadrille 23S basée à Saint Mandrier non loin de Toulon. Ces monoturbines rejoignent les sept Piasecki HUP-2 utilisés alors sur les porte-avions pour la mission Pedro. Les Alouette II sont censées apporter un surcroit de puissance et donc de sécurité par rapport aux monomoteurs américains. Pourtant rapidement l’état-major de la rue Royale déchante. Les rapports d’utilisation de ces trois Alouette II ne sont pas bons. Et le fait qu’un des appareils ait été suspendu de vol durant trois mois après qu’une des pales du rotor principale se soit détachée lors d’un exercice d’auto-rotation n’est pas le pire.
L’Alouette II semble incapable d’apponter dans les meilleures conditions, ses patins d’atterrissage n’étant pas adaptés aux opérations sur porte-avions.
Pour autant début 1957 deux autres hélicoptères sont livrés à l’Escadrille 20S basée à Fréjus et affectés elle aussi aux opérations à bord des porte-avions français. D’ailleurs c’est l’équipage d’une Alouette II de la 23S qui le 13 février 1957 sauvera la vie de copilote d’une Alouette II de la 20S après un appontage raté sur l’Arromanches. L’homme, non sanglé, tomba de son hélicoptère dans l’Atlantique.
À cette époque les Alouette II ne brillaient pas vraiment par leurs réussites.
En septembre 1957 il est décidé que les Alouette II au standard SE-313B (légèrement plus puissant) seraient livrées non pas avec deux patins d’atterrissage mais avec un train d’atterrissage fixe quadricycle. Une grande première alors pour un hélicoptère français construit en série et qui n’était pas sans rappeler le Sikorsky HO5S alors en dotation dans les rangs de l’US Marines Corps. Et le miracle se produisit.
Non seulement désormais les procédures d’appontage et de décollage ne semblaient plus poser de problème aux pilotes mais en plus l’hélicoptère enchaînait les réussites. Pour autant son allure inhabituelle en intriguait plus d’un ! Début 1959 il fut même décidé que cinq des premières Alouette II seraient transformées de manière à recevoir le fameux train d’atterrissage en question.
Il est à noter que lors de la catastrophe du barrage varois de Malpasset le 2 décembre 1959 un de ces hélicoptères reconstruit fut détruit par la vague meurtrière quand elle atteignit la base aéronavale de Fréjus. Deux autres Alouette II, classiques celles-ci, furent elles aussi envoyées à la casse par la suite, du fait des eaux.
En 1958 toujours des Alouette II de l’Escadrille 23S furent déployées en Algérie afin de soutenir l’action des troupes engagées dans la guerre de décolonisation. À la différences des machines similaires de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre les Alouette II de l’aéronavale n’emportèrent jamais d’armement, ne servant qu’à des missions de commandement aéroporté aux profits des hélicoptères d’assaut Piasecki H-21 et Sikorsky H-34. Les monoturbines ne restèrent en Afrique du nord que quelques mois, quittant la région en décembre 1959.
En 1958 les Alouette II quadricycles font leur apparition dans les rangs de l’Escadrille 58S en charge de la formation intermédiaire et avancée des futurs pilotes d’hélicoptères de la Marine Nationale. À ce titre elle reçoit une dizaine d’Alouette II à roues qui permettent petit à petit de pousser vers la retraite les Bell 47 utilisés depuis 1951 et usés jusqu’à la corde par les embruns de la Méditerranée.
Au début des années 1960 les Alouette II quadricycles de l’aéronavale française surprennent encore quand elles apparaissent sur les ponts des porte-avions français mais aussi à bord de navires de plus petits tonnages. L’année 1960 marque aussi la dissolution de l’Escadrille 58S qui doit alors verser ses Alouette II aux Escadrilles 23S et… 10S. Cette dernière n’étant pas une unité comme les autres puisqu’elle dépend directement du CEPA (le Centre d’Expérimentations Pratiques et de réception de l’Aéronautique navale) sis sur la base aéronavale de Hyères. Ses Alouette II vont donc participer activement aux missions d’essais d’armement et de matériels. Dans le même temps la 10S reçoit une autre version étranger de l’Alouette II, dotée de deux gros boudins gonflables lui permettant d’amerrir et de déjauger comme un hydravion à flotteurs. Ces machines servent notamment en soutien aux tests de torpilles et des futurs missiles anti-navires. L’Escadrille 10S fut la seule unité française à mettre en œuvre à la fois les deux sous-versions de l’Alouette II.
Au cours de la décennie puis des années 1970 les Alouette II quadricycle s’imposèrent comme les hélicoptères d’entraînement (notamment aux manœuvres d’appontage) et de liaisons standards de l’aéronavale. La mission Pedro fut peu à peu reprise par l’Aérospatiale SA-316B Alouette III jugée plus sûre par les amiraux français. C’est dans le courant de ces années 70 que le surnom de «Caddie Volant» commença a faire son apparition parmi les pilotes qui volaient dessus. Il s’agissait bien entendu d’un clin d’œil aux fameux chariots utilisés dans la grande distribution et ainsi nommés par antonomasie.
La fin des années 1970 permit une remise à jour de ces Alouette II quadricycles en vue de l’arrivée progressive des nouveaux Westland Lynx de lutte anti-sous-marine. Les années 1980 commenceront à signifier le chant du cygne pour ces étrangers hélicoptères. La Flottille 23S se laisse elle aussi conquérir par l’Alouette III bien plus polyvalente que sa grande sœur. Pourtant les Alouette II persistent à former les futurs pilotes, et nombres d’entre eux apprécient son pilotage aisé bien que nettement plus nerveux que sur Alouette III. C’est aussi l’arrivée progressive d’un nouvel hélicoptère ultramoderne qui va terminer de rendre obsolète les « caddies volants » : l’Aérospatiale SA-365F Dauphin 2.
Pourtant la Marine Nationale n’arrive pas à se séparer de ce vaillant petit serviteur. À l’aube des années 1990 une douzaine d’entre eux sert encore dans la 23S bien entendu mais aussi à la 10S et… dans la Flottille 35F depuis juillet 1991. En fait il semble bien que cette unité sise à Lanvéoc en Bretagne serve d’antichambre avant la retraite pour les vénérables monoturbines d’entraînement et de liaisons. Mais même dans les conditions météos moins idylliques de l’ouest du pays plutôt que du Var les Alouette II quadricycles s’en tirent honorablement. Allant même jusqu’à réaliser des vols de formation au-dessus du dangereux rail de Ouessant, terrain de jeu favori des pilotes de Super Frelon de rechercher et sauvetage en mer.
Finalement c’est en catimini, sur la pointe des pieds que les Alouette II navales quittent le service actif en décembre 1997, quarante et un ans après leur arrivée en unité. Leur mission d’entraînement intermédiaire et avancé fut reprise par les Alouette III qui les remplissent toujours vingt ans plus tard. Pour la petite histoire les «caddies volants» n’ont jamais servi à titre militaire que dans la Marine Nationale, les autres utilisateurs se contentant de la version à patins d’atterrissages.
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