Depuis son apparition au cours de la Seconde Guerre mondiale l’hélicoptère militaire a souvent été l’occasion pour les généraux du monde entier de se heurter à une réalité palpable : la formation initiale et intermédiaire des futurs pilotes causent problème. Il faut dire qu’un avion et un hélicoptère ne se manient pas de la même manière. De ce fait très rapidement il a fallu que les états-majors investissent dans des voilures tournantes permettant d’initier les élèves à l’art du vol sous voilure tournante. En ce début de vingt-et-unième siècle au sein des forces américaines c’est en fait plus ou moins le même hélicoptère qui assure cette mission, que l’on soit dans l’US Navy ou dans l’US Army. Les deux machines en question s’appellent respectivement Bell TH-57 Sea Ranger et TH-67 Creek.
C’est au milieu des années 1960 que l’US Navy ressentit le besoin de disposer d’un hélicoptère d’entraînement moderne permettant de remplacer au mieux ses Bell TH-13L Sea Sioux en service alors depuis près de vingt ans. S’ils étaient alors encore parfaitement adaptés à la formation primaire il en était tout autrement des missions d’entraînement intermédiaire. Un appel d’offre fut lancé en vue de la dotation d’un nouvel hélicoptère d’entraînement. Rapidement Bell proposa son Model 206 civil tandis que Hughes avançait une version à doubles commandes de son OH-6A Cayuse alors en dotation dans l’US Army. Une candidature arriva d’outre-Manche sous la forme du Sud Aviation SA-340 Gazelle français. Cependant ce dernier avait la faiblesse de n’avoir jamais volé.
Dans une volonté de rééquilibrer les marchés entre Bell et Hughes c’est le Model 206 qui fut sélectionné même si le TH-6B Cayuse présentait de belles capacités, notamment pour les missions de formation à l’appontage. Finalement c’est donc le futur Bell TH-57 Sea Ranger qui fut commandé en série à quarante exemplaires. Son prototype vola à l’été 1967.
Extérieurement le TH-57 Sea Ranger se présentait sous la forme d’un Model 206 civil très classique si on excepte les équipements propres à ses missions de formation initiale et intermédiaire des futurs pilotes d’hélicoptères embarqués. Bien entendu il était intégralement doté d’une double commande, comme sur n’importe quel avion d’entraînement, mais aussi de trois crochets d’arrimage permettant de stabiliser l’appareil sur les plateformes d’appontage des navires. Pour le reste, en dehors de sa livrée bicolore rouge et blanche et de ses marquages de nationalité, peu de chance de le différencier d’un appareil commercial. C’est dans cette configuration que les premiers Bell TH-57A entrèrent en service au milieu de l’année 1968.
En fait la production de ces premiers Sea Ranger de série fut particulièrement rapide puisque le Training Air Wing 5 de l’US Navy reçut son ultime TH-57A en décembre 1970. Dans un premier temps ceux-ci volaient de concert avec les ultimes TH-13M assurant la formation intermédiaire, notamment celle liée à l’apprentissage des manœuvres d’appontage et de décollage depuis un navire de guerre. En terme de sécurité le nouvel hélicoptère fit chuter le taux d’accident de près de 80% en deux ans.
En 1982 l’état-major de l’US Navy décida de renforcer la flotte de ces hélicoptères mise à rude épreuve depuis plusieurs années après le retrait définitif des derniers Sea Sioux. Deux lots furent commandés pour respectivement quarante-sept TH-57B d’entraînement au vol à vue et pour soixante dix-sept TH-57C de vol aux entraînements. Les premiers d’entre-eux entrèrent en service au milieu de l’année 1984. Entre 1990 et 2010 les TH-57A furent versés à une école de formation initiale des mécanos de l’aéronavale américaine afin de servir comme plastron au sol. Cette année là une partie des derniers de ces TH-57A encore en service furent retirés du service et stockés à Davis Monthan AFB en vue d’une hypothétique revente. Seuls une dizaine de ces machines demeurent en service aux côtés d’autres hélicoptères… statiques.
Entre 1986 et 2011 les instructeurs évoluant sur ces machines ont pu jouir d’un formidable outil de formation à l’appontage : l’USS Bay Lander permettant aux élèves volants sur Bell TH-57C Sea Ranger d’apprendre ces délicates manœuvres en toute sécurité.
Si l’US Navy est officiellement l’unique utilisatrice du Bell TH-57 Sea Ranger il faut savoir que plusieurs exemplaires, aussi bien des TH-57B que des TH-57C ont reçu des marquages d’appartenance à l’US Marines Corps. En fait ils participent à la formation des membres de cette arme américaine mais continuent d’appartenir à l’aéronavale. D’ailleurs ils sont confondus au sein des squadrons HT-8, HT-18, et HT-28. Il est à noter que les Sea Ranger assurent aussi la formation des futurs pilotes de l’US Coast Guard, quand ceux-ci ne proviennent pas déjà de l’US Navy.
S’inspirant clairement de ces deux types de machines les généraux de l’US Army eurent une démarche similaire à leurs collègues de l’US Navy mais au début des années 1990. En effet en 1992 un marché publique fut lancé en vue du remplacement des Hughes TH-55 Osage encore en service. Plusieurs machines furent envisagées, comme le Bell 206B-3 Jet Ranger III, l’Eurocopter AS.350B Écureuil, le MD Helicopters MD-520, ou encore le Robinson R44 Raven. Ce fut finalement assez logiquement le premier d’entre-eux qui fut sélectionné étant donné que le démonstrateur technologique envoyé par le constructeur était en réalité un TH-57C issu des rangs de l’aéronavale.
Une commande fut passée pour cent trente sept exemplaires d’une version d’entraînement permettant aussi bien le vol à vue que le vol aux instruments. En fait les dirigeants de l’US Army ne voulaient pas refaire l’erreur de leurs collègues de l’US Navy de disposer de deux modèles d’hélicoptères différents. L’appareil reçut la désignation de TH-67 et le nom de baptême de Creek, du patronyme d’une tribu amérindienne originaire de l’actuelle Floride. Les premiers exemplaires de série entrèrent en service dès la fin de l’année 1993.
À l’instar des hélicoptères de l’aéronavale ceux de l’armée américaine portent une livrée spécifique bicolore. Sur fond blanc s’alignent des bandes en diagonales de couleur orange, ainsi qu’une immatriculation civile, un code alphanumérique composé de deux chiffres et d’une lettre peint en gros caractère noir sur le fuselage et des marquages de nationalité.
Ainsi il est impossible de confondre les TH-67A Creek avec n’importe quel autre Bell 206.
En 2002 quand il devint évident pour les généraux américains que l’avenir était à l’interopérabilité une partie des Bell TH-67A fut dotée de crochets d’appontage similaires à ceux des Sea Ranger. Ainsi les futurs pilotes de l’US Army mais aussi de l’US Air Force (puisque ces derniers sont instruits par l’armée américaine) peuvent apprendre à opérer depuis des navires de guerre.
Si l’avenir des Bell TH-67A Creek va certainement passer par une modernisation de la flotte à l’horizon 2020-2023 celui du TH-57 Sea Ranger est déjà scellé : son remplaçant devra avoir été choisi au plus tard au début de l’année 2019. Les concurrents en lice sont au nombre de trois : l’Agusta-Westland AW.119 Koala, l’Airbus Helicopters H145M, ou encore le Bell 407GX.
Bien que des Bell 206 soient (ou aient été) en service dans diverses forces aériennes, navales, et terrestres étrangères pour des missions d’entraînement, à l’image des CH-139 Jet Ranger en dotation au Canada ces machines ne peuvent pas être considérés comme des TH-57 ou des TH-67 car n’ayant pas été conçu ab-initio pour l’entraînement militaire. C’est la raison pour laquelle on estime que seuls les trente Creek acquis en 2011 par la Colombie méritent d’être considérés comme tels.
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