Dans l’histoire de l’aéronautique l’ingénieur britannique Geoffrey De Havilland tient une place à part. Non seulement il participa à jeter les bases de cette industrie dans son pays mais en outre ses travaux marquèrent aussi bien l’aviation civile que militaire. Si pour beaucoup ses avions marquants furent le biplan d’entraînement D.H.82 Tiger Moth, le bombardier rapide D.H.98 Mosquito, ou encore l’avion de ligne à réaction D.H.106 Comet c’est oublier un peu vite qu’il fabriqua des avions dès la Première Guerre mondiale avec la compagnie Airco. C’est au sein de cette société qu’il conçut et réalisa un de ses avions parmi les plus réussis : le bombardier léger D.H.9 construit à plusieurs milliers d’exemplaires.
Au début de l’année 1917, l’état major britannique commanda à Geoffrey De Havilland une version améliorée de son bombardier de reconnaissance D.H.4 alors massivement en service dans les rangs du Royal Flying Corps. Le cahier des charges prévoyait que le futur avion soit principalement destiné à des missions de bombardement de jour comme de nuit. Dans ce dernier cas l’avion devait emporter sous le fuselage quatre puissants phares d’un modèle tout nouveau conçu par l’ingénieur français Léon Cibié. De tels équipements étaient alors déjà en dotation sur les nouveaux bombardiers nocturnes Breguet XIV.
Le nouvel avion reçut la désignation d’Airco D.H.9 et l’assemblage de son prototype commença en mai 1917. Extérieurement il se présentait comme une version agrandie et mieux motorisée du D.H.4, mais surtout dotée d’un armement revu et corrigé. Celui-ci se présentait sous la forme d’une mitrailleuse Vickers de calibre 7.7mm tirant en position de chasse et de deux mitrailleuses Lewis de calibre 7.62mm tirant en position arrière sur un affût circulaire. En mission de nuit une seule mitrailleuse était emportée permettant ainsi de supporter la masse des quatre phares. La charge de bombes du D.H.9 était de 210kg répartie entre le fuselage et les ailes.
Les premiers Airco D.H.9 de série entrèrent en service actif au sein du Royal Flying Corps en octobre 1917. Rapidement l’avion se tailla une réputation de redoutable bombardier aussi bien nocturne que diurne. Outre le Royaume-Uni des D.H.9 furent livrés aux forces aériennes belges, canadiennes, grecques, irlandaises, néo-zélandaises, péruviennes, roumaines, sud-africaines, et suisses. Même le corps expéditionnaire américain reçut quelques exemplaires du nouveau bombardier britannique, en même temps que des D.H.4. Malgré ces succès, le moteur Armstrong-Siddeley Puma de 230 chevaux du D.H.9 montra rapidement ses limites, notamment par mauvais temps.
C’est pourquoi Geoffrey De Havilland décida de développer, sur fonds propres, une version améliorée désignée D.H.9A dotée du moteur américain Liberty L-12 de 400 chevaux. Ce gain de puissance permit d’augmenter l’emport de bombes qui passa à 335kg. Cependant cette nouvelle version n’était destinée qu’à des missions de bombardement de jour. Entrés en service en juin 1918 les Airco D.H.9A furent versés aussi bien à la toute jeune Royal Air Force qu’à ses alliés américains, australiens, canadiens, et iraniens. Même l’Aéronautique Militaire Française testa l’avion mais sans donner suite.
Les Airco D.H.9 et D.H.9A furent engagés partout où les Britanniques et leurs alliés en avaient besoin. Au-dessus des champs de bataille français autant que dans les Balkans. Certains furent même employés pour chasser les submersibles allemands qui s’aventuraient trop près des ports anglais et gallois. Mais surtout cet avion se tailla une réputation de bombardier si manœuvrable et bien armé qu’il pouvait même se permettre d’abattre des avions ennemis. Une qualité que la propagande alliée s’empara très vite, au risque même de l’enfler considérablement. Dans la réalité pourtant le monomoteur pouvait parfaitement descendre la majorité des chasseurs allemands et austro-hongrois à l’image de ces deux Fokker D.VII abattus lors d’une même mission le 23 août 1918.
Débarrassé d’une partie de ses bombes, remplacées par des fusées Le Prieur et par des fléchettes d’acier, une centaine d’Airco D.H.9 fut même employée à partir de juin 1918 pour la chasse aux dirigeables et ballons d’observation ennemis.
Lorsque la Première Guerre mondiale prit fin les avions conçus et usinés par Airco avaient fini d’asseoir la réputation de Geoffrey De Havilland. Mais pour beaucoup à l’époque c’était le D.H.9 et le D.H.9A qui avaient réellement permis cela. La fin des hostilités ne signifia pas pour autant la fin de l’assemblage de cet avion. Des exemplaires furent livrés après guerre à divers pays : Afghanistan, Australie, Bolivie, Chili, Espagne, Estonie, Hedjaz, Lettonie, Mongolie, Pays-Bas, Pologne, Turquie, Union Soviétique et Uruguay.
Des avions de ce type furent construits sous licence dans plusieurs pays. En Union Soviétique ils posèrent les bases d’une aviation de reconnaissance armée sous la désignation Polikarpov R-1, une centaine étant même assemblée comme hydravions à flotteurs Polikarpov MR-1. Aux États-Unis ils furent construits par Engineering Division sous la désignation d’USD-9 et employés aussi bien comme bombardiers que comme avions de reconnaissance armée. Le dernier vol d’un Airco D.H.9 militaire fut le fait d’un avion de série « A », et eut lieu en 1931. Quant aux Polikarpov R-1 ils quittèrent le service actif en 1936 au profit du Polikarpov R-5 bien plus évolué.
Mais pour autant le D.H.9 fut aussi à l’origine du développement de l’aviation civile britannique. Près de cent cinquante avions de toutes séries furent modifiés en avions de ligne permettant d’accueillir entre deux et trois passagers. Ils permirent dès la fin de l’année 1918 de défricher le domaine des vols commerciaux. Ce succès fut tel qu’Airco décida de développer le D.H.9C uniquement civil et conçut pour transporter trois passagers dans une cabine fermée. Un total de dix-neuf avions de ce type fut produit. Les livraisons allèrent aussi bien au Royaume-Uni qu’à l’export en Belgique, au Pays-Bas, ou encore en Roumanie. En Australie un D.H.9C de la compagnie QANTAS permit d’ouvrir la première ligne à travers le bush. Le D.H.9C donna naissance également au D.H.16 légèrement agrandi et construit à neuf exemplaires seulement. Il accueillait quatre passagers.
En 1919 Airco développa deux avions civils dérivés du D.H.9A et destinés à soutenir plusieurs essais en vol, notamment de motorisation. Ils volèrent jusqu’en 1926 sous la désignation D.H.15 Gazelle.
Au final l’Airco D.H.9 est bel et bien un des avions majeurs de la Première Guerre mondiale, et peut-être le premier bombardier véritablement moderne mis en service au Royaume-Uni.
Le D.H.9A donna naissance à l’un des premiers avions d’observation et de coopération : le Westland Walrus. De nos jours des exemplaires de ce bombardier sont visibles dans plusieurs musées dans le monde et notamment au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget en banlieue parisienne.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.