Née en 1905 à Vancouver au Canada, Elizabeth Muriel MacGill, surnommée «Elsie», fut la première femme au monde à obtenir un diplôme de génie aéronautique et à diriger une usine de production d’avions. Elle est aussi considérée comme une figure dominante du mouvement féministe au Canada. Elle a aussi fait tomber bien des préjugés à l’égard des personnes handicapées. Malgré le fait qu’elle ait grandi dans une famille bourgeoise, elle â dû faire preuve d’une grande détermination et de courage pour surmonter nombre d’obstacles rencontrés durant sa vie. Son parcours n’en est que plus remarquable.
En 1927, Elsie complète des études à l’Université de Toronto et devient la première femme au Canada à obtenir un diplôme en génie électrique. En 1929 elle sera la première femme au monde à obtenir une maîtrise en génie aéronautique décerné par l’Université du Michigan. Mais tout juste avant la cérémonie de remise des diplômes, elle tombe gravement malade. Le diagnostic est impitoyable, Elizabeth a la poliomyélite et les médecins lui disent qu’elle ne pourra plus jamais marcher. Elle retourne chez elle à Vancouver et consacre trois ans à sa convalescence. La passion de l’aéronautique brûle encore en elle, car durant ces années difficiles elle écrit divers articles sur l’aviation. Contre toute attente, elle réapprend à marcher avec des béquilles et entreprend des études avancées en aéronautique au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT).
En 1934, Fairchild (Canada) Aircraft Ltd. lui offre un emploi d’ingénieur à Longueuil au Québec, ce qui est une occasion inespérée en pleine Grande Dépression. Cette entreprise réussit tout de même à tirer son épingle du jeu en produisant des avions de brousse particulièrement bien adaptés aux besoins du nord canadien, comme le FC-71. Elle participa notamment au développement des avions FC-Super 71 et FC-82. Contrainte d’abandonner son rêve d’obtenir ses ailes de pilote dû à son handicap, elle insiste pour être à bord lors des vols d’essais de nouveaux appareils. On lui doit d’ailleurs le développement de rigoureux protocoles d’essais en vol qui inspirèrent éventuellement le programme de certification des nouveaux aéronefs au Canada.
Remarquée pour son talent, l’entreprise montréalaise Canadian Car & Foundry (CCF) lui offre en 1938 le poste d’ingénieur en chef à son usine de Fort William en Ontario. On lui demande de compléter un projet de développement d’un biplan d’entraînement qui connaît des ratés. Elle redessine totalement l’appareil, et le CCF Maple Leaf II devient le premier avion au monde conçu par une femme. Malgré ses qualités indéniables, l’Aviation royale canadienne juge toutefois l’appareil trop facile à piloter pour en faire un avion de formation. Seule une dizaine d’exemplaires du CCF Maple Leaf II furent finalement assemblés au Mexique. Afin de répondre aux besoins pressants du Programme d’entraînement aérien du Commonwealth, le gouvernement canadien confie plutôt à de Havilland Canada la production d’appareils DHC.82 Tiger Moth et à Fleet Aircraft of Canada celle d’avions Fleet 16 Finch. Aussi, avec la guerre qui gronde en Europe, la Grande-Bretagne et le Canada ont un dessein plus ambitieux pour la modeste usine de Fort William.
La Grande-Bretagne a un urgent besoin d’avions de chasse pour réarmer la Royal Air Force (RAF) face à la menace de la puissante Luftwaffe. On confie à Elizabeth la tâche de mettre rapidement en place une chaîne d’assemblage d’appareils Hurricane. Au plus fort de la guerre, les installations de CCF à Fort William deviennent le plus grand centre de production d’avions du Commonwealth, et le seul au monde avec une femme à sa tête. Elle ne se contente pas de produire des chasseurs Hurricane, mais va y apporter diverses améliorations qui permettront à cet avion de mieux opérer sous les rudes conditions des hivers canadiens. Nombre de ces appareils hivérisés seront d’ailleurs exportées vers l’URSS. Elsie attire bientôt l’attention publique et, en 1942, la publication American True Comics lui consacre une bande dessinée qui la couronne «Queen of Hurricanes», un titre largement repris par les médias canadiens et américains. Après avoir produit plus de 1 450 appareils CCF Hurricane, Elsie doit relever le défi de reconvertir l’usine de Fort William pour la production du tout nouveau bombardier en piqué SB2C Helldiver.
En 1943, alors que les premiers appareils CCF Helldiver sortent de la chaîne d’assemblage, Elizabeth et le gérant de l’usine E.J. Soulsby sont mystérieusement congédiés sans justifications apparentes. On apprend plus tard qu’Elsie a une idylle amoureuse avec ce veuf, père de deux enfants. Les mœurs de l’époque condamnant fortement toute relation extra maritale, le congédiement visait en fait à éviter le scandale. Le couple déménage à Toronto et célèbre ses noces quelques semaines plus tard. Cela n’eût toutefois pas d’impact sérieux sur leur carrière respective, car E.J. Soulsby devint peu après gestionnaire de l’usine Victory Aircraft Ltd. où débutait la production de bombardiers lourds Lancaster. De son côté, Elsie fonde une firme de génie conseil en aéronautique qui connaît un grand succès. Son expertise est notamment mise à profit lors de l’établissement l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) à Montréal en 1946.
Parallèlement à sa carrière d’ingénieure, Elizabeth milite pour l’égalité des sexes et le droit des femmes à l’avortement. En 1967, elle est nommée par le gouvernement fédéral pour siéger sur la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada. Les recommandations de cette commission, déposées en 1970, vont initier une ère de réformes légales et constitutionnelles visant à éliminer toute forme de discrimination à l’égard des femmes et favoriser leur rayonnement dans la société canadienne. Pour son rôle déterminant, elle reçut la plus haute distinction en devenant membre de l’Ordre du Canada en 1971. En 1980, elle fut également intronisée au Panthéon de l’aviation du Canada.
Professionnellement très active jusqu’à sa mort à l’âge de 75 ans, Elizabeth «Elsie» MacGill a marqué non seulement l’histoire de l’aviation canadienne, mais aussi celle du mouvement féministe. Le titre de Reine des Hurricanes dépasse en fait ses réalisations dans le domaine aéronautique. Les vents du changement social sur lesquels elle a soufflé de toutes ses forces se transformèrent en ouragan duquel le Canada sortit grandi.
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