Au cours de la guerre froide les industriels aéronautiques américains cherchèrent par tous les moyens de s’affranchir des pistes d’aviation en maîtrisant le mieux possible les techniques de décollages et d’atterrissages verticaux (A.D.A.V). L’une des technologies envisagée fut celle des tiltjets, c’est à dire les avions disposant de réacteurs orientables. L’un des premiers aéronefs de ce type fut un petit monoplace expérimental aujourd’hui retombé dans un relatif oubli : le Bell Model 65 ATV.
Les années 1950 virent l’apparition du plus grand nombre de projets destinés à fournir des avions ADAV. Après l’échec du principe de tailsitting, représenté par le Convair XFY Pogo et le Lockheed XFV Salmon, l’avionneur Bell s’intéressa de près au principe nouvellement théorisé des tiltjets. En fait le constructeur comptait bien s’appuyer sur son expérience dans la conception et la construction en série d’hélicoptères civils et militaires.
Pour cela l’avionneur devait dans un premier temps sélectionner les propulseurs. Il jeta son dévolu sur deux petits réacteurs Fairchild J44-R20 d’une poussée unitaire de 450kg, développés à l’origine pour les drones cibles Ryan KDA-1 Firebee. Les ingénieurs de Bell eurent l’idée d’y adjoindre une turbine de facture française Turboméca Palouste de 240 chevaux qui jouait le rôle de turbocompresseur.
Dès lors son futur banc d’essais volant devint une réalité. Il fut désigné Model 65 dans la nomenclature du constructeur, et baptisé ATV pour Air Test Vehicle. Afin de réduire les coût de production de ce prototype, réalisé sur fond propre, il fut décidé de récupérer certains éléments sur des avions existants déjà. Ainsi la voilure fut prélevée sur un avion de tourisme Cessna 170, une bonne partie du fuselage venait d’un planeur Schweizer SGS 1-23, tandis que les patins d’atterrissage et une partie du cockpit était pris sur un hélicoptère Bell 47. Le reste des éléments était neuf.
Les travaux d’ingénierie et d’assemblage du Bell Model 65 ATV durèrent près d’un an. Encore quelques mois afin d’assurer les premiers essais statiques, notamment ceux permettant de s’assurer que la rotation des réacteurs pour passer du mode décollage vertical vers vol puis vol vers atterrissage ne serait pas impossible. Les rotations à 90° étaient devenues une réalité, au sol tout du moins. Enfin le premier vol intervint le 12 janvier 1954, le Bell Model 65 devenant ainsi le premier tiltjet de l’Histoire à décoller.
C’est le pilote d’essais maison Dave Howe qui réalisa la majorité des essais en vol et notamment celui qui vit une destruction partielle de l’aéronef quatre semaines après le vol inaugural. Alors qu’il tentait de réaliser une translation des réacteurs en vol, un incendie se déclara au niveau du moteur droit, obligeant le pilote à poser en urgence le Model 65. Malgré une grosse frayeur et une brûlure au premier degré à la main le pilote reprit les essais en juin 1954.
Afin de réaliser des vols horizontaux les ingénieurs de Bell et Howe eurent recours à une grue spécialement aménagée. Les deux réacteurs J44-R20 était allumés alors que le Model 65 ATV était encore entravé. Par la suite il était lâché et pouvait voler comme n’importe quel avion à réaction. Ne pouvant réaliser de translation il revenait se poser sur un terrain en herbe au préalable humidifié afin de ne pas trop endommager les patins d’atterrissage.
Cette technique était réputée particulièrement acrobatique et dangereuse.
Mais désormais les ingénieurs de Bell envisageait le Model 65 comme le précurseur d’un futur programme bien plus ambitieux : la poussée vectorielle. En effet n’ayant jamais réussi à réaliser sa translation en vol le banc d’essais semblait avoir définitivement condamner l’avenir des tiltjets aux États-Unis. Dans le même temps l’avionneur avait obtenu un contrat de développement avec le Pentagone pour ce nouveau mode de propulsion révolutionnaire, sous la désignation de programme X-14. Les essais en vol de l’ATV se déroulèrent cependant jusqu’en mars 1955.
Le fait que le Model 65 n’a jamais réussi à réaliser de translation au cours de 285 minutes de vols d’essais pourrait démontrer que cet appareil fut un échec retentissant. Pourtant il permit de démontrer que les aéronefs à réacteurs pivotants, ou tiltjets, n’était pas une véritable solution d’avenir pour quiconque envisageait de faire décoller à la verticale un aéronef à voilure fixe. Nonobstant cela n’empêcha pas l’Allemagne de l’ouest de se lancer quelques années plus tard dans un programme encore plus ambitieux que celui de l’ATV : le VJ-101C qui préfigurait un chasseur de défense aérienne destiné aux forces de l’OTAN.
À l’instar de l’aéronef de Bell l’avion ouest-allemand demeura à l’état expérimental.
Un œil avisé aura remarqué que le Bell Model 65 n’est pas désigné par la lettre X comme la majorité des prototypes américains. Pour la simple et bonne raison que cet ambitieuse machine volante était civile et ne fut nullement financée par le Pentagone. De nos jours le seul et unique exemplaire de l’ATV est préservé et présenté au public à la Smithsonian Institut dans la banlieue de Washington.
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