Apparue avec le principe même du bombardement aérien au cours de la Première Guerre mondiale, la bombe lisse est une arme en voix de disparition dans les arsenaux des forces aériennes contemporaines. Depuis un peu plus de 25 ans, elle s’est fait supplanter par la munition guidée, nettement plus onéreuse à l’unité mais bien plus précise et nécessitant l’emploi de moins de largages pour un résultat similaire. Alors la bombe lisse est-elle appelée à disparaitre définitivement du monde aéronautique ?
En fait oui et non.
Pendant plusieurs décennies quand on voulait détruire un objectif terrestres depuis le ciel, la réponse passait invariablement par l’emploi de frappes aériennes massives, aussi appelées tapis de bombes (ou bomb carpet en version originale) en raison de l’étendue sur laquelle ces munitions tombaient et détruisait tout, et non uniquement l’objectif. Ce principe a trouvé son apogée avec les bombardements anglo-américains contre l’Allemagne nazie, puis américains contre le Vietnam, et enfin soviétiques en Afghanistan.
Seulement voilà avec l’apparition de la technologie laser puis du positionnement par GPS les munitions guidées ont su s’imposer dans le cœur (et aussi le porte-feuille) des généraux des grandes puissances aériennes d’aujourd’hui. Quand avant il fallait 10 ou 12 douze bombardiers stratégiques avec plusieurs dizaines de tonnes de bombes lisses, aujourd’hui une demi-douzaine de chasseurs-bombardiers multirôles suffisent, du moment qu’ils tirent des armes guidées.
Par exemple l’Armée de l’Air n’a, à l’exception de quelques missiles de croisières, employé que des munitions guidées laser et/ou GPS dans sa guerre Daech en Irak et en Syrie depuis le déclenchement du conflit en septembre 2014. Les bombes GBU-12 et A2SM sont désormais étroitement liées aux Mirage 2000D & N et aux Rafale B & C engagés par la France pour frapper les positions djihadistes.
Mais au fait c’est quoi la différence entre une bombe guidée et une bombe lisse ?
En fait les bombes guidées, notamment les armes de facture américaine de classes GBU ou encore l’A2SM de conception française sont toutes des bombes lisses sur lesquelles on a greffé un système de guidage et laser et/ou GPS.
Une bombe est dite lisse lorsqu’elle ne dispose d’aucun système de guidage ou de freinage. Bien entendu plus une bombe est lisse et moins elle est précise, et ce coefficient diminue au fur et à mesure que l’avion vole haut. En somme un même avion frappant une cible à 30 000 pieds fera plus de dégâts mais sera moins précis que le même avion volant bombardant à 15 000 pieds avec la même charge offensive de bombes lisses. Et encore on ne parle pas des facteurs météorologiques, liés à la présence d’une éventuelle DCA ennemie, ou encore de la chasse adverse.
Dans le cas d’une bombe guidée ces facteurs sont très différents. Un avion d’arme, un F-16D Fighting Falcon par exemple, évoluant à 25 000 ou 15 000 pieds dans des conditions météo identiques aura quasiment le même résultat à condition bien sûr qu’il emploie le même type de munition guidée. Cette dernière fait souvent fi de la DCA, étant particulièrement difficile à détecter (à la différence des missiles de croisière et/ou des missiles air-sol qui disposent d’une signature thermique voire radar) et donc à intercepter avant qu’elle n’atteigne sa cible. C’est pourquoi dans certains cas la bombes guidée remplacement même désormais le missile anti-radar.
Tous ces facteurs plaideraient donc pour une disparition totale de la bombe lisse au profit de la bombe guidée. Dans un monde idéal oui, ou en fait non puisque dans un monde idéal on n’aurait pas besoin de bombes. En fait seule une poignée de forces aériennes de pays très riches et très bien équipés peuvent se payer désormais le luxe de ne plus engager ces armes médiatiquement très contestables. Pour la majorité des autres les bombes guidées sont bien trop dispendieuses pour qu’ils puissent ne compter que sur elles. La bombe lisse a donc encore de beaux jours devant elle dans les arsenaux des pays pauvres et/ou en voie de développement.
Au final il est fort peu probable que dans les années à venir les bombes lisses ne soient utilisées par les grandes forces aériennes autrement que comme « supports » des bombes guidées ou lors d’exercices de tirs au-dessus de terrains spécialement adaptés. Elles continueront cependant d’exister au-dessus des champs de bataille des pays nettement moins riches.
Photos © Wikimédia Commons & Armée de l’Air.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
6 Responses
Excellent article.
Pourtant les bombes lissent reviennent comme l’utilisation des roquettes notamment contre des cibles de basses valeurs comme la toyota du terroriste. Les russes en ont fait forte usage en syrie.
Les bombes planantes avec ou sans guidage sont déjà là également.
Autre information interessante un militaire américain disait que durant la 2 GM il fallait 9000 bombes pour frapper un objectif d’un 1m2 (si ma mémoire est encore bonne) quand il en faut 1 seule aujourd’hui. Mais que cette bombe d’aujourd’hui vaut 9000x le prix de la bombe de 1942.
9000 est un chiffre tout de même exagéré, aussi bien en coût qu’en nb de bombes lisses pour traiter 1m2
Pour une GBU à 1M€ (ce qui est très au dessus de la valeur réelle) cela revient à un prix de 111€ la bombe lisse, même en valeur absolue en $ à l’époque c.-à-d sans compter l’inflation
1m2 (si ma mémoire est bonne)
il s’agit plus de 9000 bombes pour qu’une seule frappe l’objectif, les autres tombaient à coté.
enfin le militaire en question essayait de dire qu’une bombe intelligente avait autant d’efficacité qu’un tapis de bombes de l’époque même si la dite bombe coute très chers quitte à jouer un peu avec les chiffres.
Les bombes lisses coutaient moins chers à l’époque, elles étaient plus simple et surtout il y avait un effet industriel monstre…
Bref tout ca pour illustré l’intérêt des bombes intelligentes.
« Durant la Seconde Guerre mondiale il fallait 9 000 bombes pour toucher une cible de la taille d’un abri pour avion. Au Viêtnam, 300. Aujourd’hui nous pouvons le faire avec une munition guidée par laser tirée depuis un F-117. » Citation de l’USAF qui date un peu (septembre 1991).
Les bombardiers américain de l’époque était certes équipés du fameux viseur Norden mais il ne faisait pas de miracle non plus. Une précision de 300m pour un bombardement a 5500m d’altitude et par beau temps. En moyenne 50% des bombes tombaient dans ce rayon de 300m et 90% d’entres elles rataient l’objectif.
Ça avait quand même de la gueule les formations de B17 en mode combat box larguant des dizaines de tonnes de bombes.
C’est oublier un peu vite que les système de visée embarqué ont aussi grandement évolué, et que même avec des bombes lisse le carpet bombing n’est plus nécessaire pour traiter un objectif.
Mais plus que le nombre de bombes, c’est le nombre d’avions nécessaire pour atteindre l’objectif qui est problématique vu leur coût exponetiel