C’est véritablement durant la Seconde Guerre mondiale qu’émergea le concept de patrouille maritime. Jusque là très peu d’unités cumulaient les missions de reconnaissance maritime, de lutte anti-sous-marine, et de torpillage aérien. Jusque là chaque mission avait sa propre unité aérienne, appartenant soit à une aéronavale soit à une force aérienne. La naissance du concept de patrouille maritime allait de ce fait évoluer vers une mission régalienne des seules forces aéronavales. Retour sur une construction qui se déroula durant les presque quatre années où les États-Unis furent en guerre.
Si au soir du 7 décembre 1941 l’Amérique était comme groggy après l’attaque dont avait été victime quelques heures auparavant la base aéronavale de Pearl Harbor à Hawaï, les militaires eux en tiraient déjà les premiers enseignements. Comment le renseignement naval américain avait-il pu manquer la flotte japonaise alors même que son départ des ports-bases nippons remontait à plusieurs jours et était connu de tous les services d’espionnages ? Pour beaucoup d’amiraux et de généraux de Washington-DC la faute en incombait principalement à cette faille. Il fallait y remédier au plus vite.
En cette fin d’année 1941, la reconnaissance maritime américaine reposait sur une quinzaine d’escadrilles principalement équipées d’hydravions bimoteurs Consolidated PBY Catalina et quadrimoteurs PB2Y Coronado, récents mais en nombres largement insuffisant pour couvrir les côtes est et ouest, l’archipel d’Hawaï, et le golfe du Mexique. Mais surtout hormis ses quelques gros quadrimoteurs l’US Navy était incapable de projeter ses missions de reconnaissance dans le lointain.
Pour y remédier il fut décidé de mettre sur pied un commandement chargé de patrouiller les côtes mais aussi le large (et le grand large) à la recherche des navires et sous-marins ennemis, et de les couler. En fait la grande nouveauté de cette mission était dans la capacité via une liaison radio de décider, une fois la cible repérée de la détruire ou bien de rester sur zone jusqu’à l’arrivée d’avions ou de bâtiments de surface capables eux d’assurer son engagement au combat.
Les amiraux américains s’étaient en partie inspirés de la traque et de la destruction du cuirassé allemand Bismarck en mai 1941 au large des côtes de la France occupée. Si les Britanniques n’avaient pas à proprement parler utilisé de concepts novateurs ils avaient su tirer parti de toutes leurs composantes aériennes. Dans le même temps à Washington-DC on observait de près le principe de surveillance aérienne de l’espace maritime en vigueur au Royaume-Uni, le célèbre Costal Command de la Royal Air Force. Cependant il était hors de question de laisser la patrouille maritime à l’US Army Air Force. Ce principe devait demeurer naval.
Une fois les querelles de clochers réglées, il fallait encore pouvoir définir les types d’aéronefs engagés. Si certains amiraux privilégiaient le « tout hydravion », d’autres au contraire pensaient qu’un mélange entre hydravions et avions terrestres était nécessaires, notamment pour garantir une meilleure couverture de l’espace maritime. D’autant que désormais cette mission allait être planétaire : l’aéronavale américaine devait pouvoir projeter sa patrouille maritime partout où cela était nécessaire à l’effort de guerre contre les forces de l’Axe.
Début 1942 l’aviation terrestre navale de reconnaissance maritime se limitait à une petite trentaine d’avions, principalement des Lockheed PBO-1 Hudson et quelques Douglas BD-1 Havoc.
Il était donc essentiel pour les amiraux américains d’étoffer cette flotte d’avions. La décision fut prise de commander au plus vite une version très améliorée du Hudson, le Lockheed PV-1 Ventura et sa version légèrement agrandie PV-2 Harpoon. Désormais l’US Navy pourrait disposer de véritables avions de patrouille maritime. Dans le même temps, il devenait évident qu’un quadrimoteur à long rayon d’action était nécessaire. La compétition fut rapidement lancée entre deux des plus puissants avionneurs américains de cette époque : Boeing et Consolidated.
Afin de ne pas perdre trop de temps, en février 1942, l’état major de la marine américaine décida de passer une commande pour plusieurs centaines de nouveaux PBY Catalina. Les marins connaissaient la qualité de cet hydravion bimoteur. Cependant, ils demandèrent aussi que certains fussent livrés comme amphibies. Dans le même temps il fut décidé de transférer une quarantaine de North American B-25C destinés à l’USAAF et de les transformer en bombardiers de patrouille maritime sous la désignation PBJ-1C Mitchell. Ces bimoteurs furent rapidement déployés dans le Pacifique à la recherche des submersibles japonais. Ils se révélèrent pourtant très rapidement assez peu adaptés à ce type de mission si particulière.
Concernant le match entre Boeing et Consolidated, il tourna a l’avantage de ce second, et en août 1942 un lot de bombardiers quadrimoteurs B-24D Liberator fut cédé à la marine américaine sous la désignation de PB4Y-1 Privateer. Par la suite des avions conçus ab-initio firent leur apparition dans l’arsenal aéronavale des États-Unis.
Ce n’est en fait véritablement qu’à partir de mars ou avril 1943 que les principes de patrouille maritime ont été totalement opérationnels dans l’US Navy. Il fallait laisser non seulement le temps aux avionneurs de produire les aéronefs en question, mais aussi aux amiraux et officiers de haut rang pour se mettre à l’heure du jour.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale prit fin en août 1945, la marine américaine possédait la flotte aérienne de patrouille maritime la plus puissante du monde, dotée aussi bien d’hydravions et d’amphibies que d’avions terrestres. Ces aéronefs avaient permis sur toutes les mers du globe de couler navires et sous-marins allemands et japonais avant qu’ils puissent frapper les forces alliées.
La doctrine d’emploi de la patrouille maritime élaborée à cette époque a trouvé son apogée durant la guerre froide quand les marines occidentales devaient veiller à tenir éloignés des côtes les puissants sous-marins nucléaires soviétiques. De nos jours la patmar (comme on l’appelle désormais) demeure plus que jamais d’actualité, dans la majorité des pays du monde, avec de nouvelles missions notamment liées à la protection et la préservation de l’environnement océanique ou encore au contrôle des zones de pèches.
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