Outils devenus indispensables aux forces aériennes contemporaines les ravitailleurs en vol ont su au fil des années prendre leur place dans l’arsenal aérien moderne. Au départ cantonnés à donner de l’allonge aux bombardiers nucléaires ils se sont peu à peu mués en soutien permanent des aéronefs de combat et des avions-cargos. Si pour la plus part ils sont issus d’avions de ligne, à l’image de l’Airbus A330MRTT ou du Boeing KC-767 il en est tout autre, qui détonne à bien des égards, notamment par sa capacité à ravitailler certains hélicoptères de transport et d’assaut. Ce ravitailleur si particulier est le Lockheed KC-130 Hercules.
Lorsqu’en 1954 il fit son apparition dans l’arsenal de l’US Air Force l’avion-cargo quadriturbopropulseur Lockheed C-130A Hercules étonna par les capacités qu’il semblait pouvoir montrer. A l’état-major américain certains commencèrent à envisager que l’avionneur en dérive une version de ravitaillement en vol afin de soulager la flotte de Boeing KC-97G Stratofreighter en attendant l’arrivée pleine et entière de la flotte des tout nouveaux quadriréacteurs Boeing KC-135A Stratotanker. Cependant il fallait attendre une version améliorée du C-130A, le C-130B pour pouvoir disposer d’une plateforme convenable.
En 1956 l’US Air Force commanda donc à Lockheed la conception d’un prototype et d’un avion de présérie désignés respectivement XKC-130 et YKC-130B dans la nomenclature américaine. Le souci c’est que l’avionneur n’avait aucune expérience dans la mise au point de ravitailleurs en vol. Ses équipes prélevèrent un C-130B sur les chaînes d’assemblage et commencèrent à installer dessus quatre énormes réservoirs de carburant qui occupaient toute la soute. il fallut aussi penser à des systèmes de ravitaillement en vol, lesquels passaient alors par deux enrouleurs de flexibles placés un sous chaque aile et permettant de délivrer le carburant.
Les premiers essais statiques commencèrent à l’été 1958, mais il fallut attendre le mois de novembre 1959 pour que le XKC-130 ne réalise son premier vol, réservoirs de ravitaillement vides. Les essais en vol avec réservoirs pleins démontrèrent que l’avion était lourd, cependant la campagne continua , et en mars 1960 le premier ravitaillement fut opéré au profit d’un North American F-100C appartenant à une unité de soutien aux essais en vol.
Malgré la relative réussite de ceux-ci l’US Air Force en resta là et ne commanda jamais de KC-130B. Ces deux avions furent conservés par l’avionneur pour servir à différents tests. On aurait pu croire que cela allait sceller le sort de l’avion, il n’en fut rien.
L’US Navy qui avait suivi de près cette campagne avait décidé de commander dès janvier 1958 une version remotorisée de l’YKC-130B et désignée Lockheed GV-1. L’avion de présérie vola en janvier 1960 et les premiers exemplaires de série furent livrés en unité en mai 1962. Au total le GV-1 avait été commandé à quarante-six exemplaires. La carrière de ce ravitailleur pouvait commencer. Lors du réalignement des désignations survenu en septembre 1962 les GV-1 prirent la désignation de KC-130F. Deux ans et demi plus tard tous ces avions furent transférés de l’US Navy à l’US Marines Corps .
Les Lockheed KC-130F Hercules furent rapidement déployés sur l’ensemble des bases aéronavales américaine, un peu partout dans le monde. Mais surtout dès 1966 ils firent leur apparition dans le ciel vietnamien, assurant le soutien carburant des chasseurs et chasseurs-bombardiers de la marine américaine engagés dans les opérations de guerre.
En 1967 l’US Air Force revint sur sa décision et passa commande pour trente-cinq ravitailleurs en vol Lockheed KC-130H, dérivés bien entendu du C-130H, alors la version la plus moderne de l’avion-cargo. Ces avions furent livrés dès fin 1967 sur le front vietnamien. L’une des missions des KC-130H était le ravitaillement en vol des hélicoptères lourds Sikorsky CH-3E utilisés pour les opérations spéciales. Deux de ces lourds biturbines pouvaient se ravitailler simultanément sur un seul Hercules.
Bien évidemment ce ravitailleur ne mit pas longtemps à éveiller les convoitises de pays étrangers. Et le premier à sauter le pas fut Israël qui passa commande en 1970 pour quatre KC-130H. Ceux ci furent localement désignés Karnaff. Il s’agissait alors des premiers vrais ravitailleurs en vol en dotation dans les rangs de Heyl Ha’Avir.
A la fin de la guerre du Vietnam l’US Air Force rétrocéda à l’US Navy quatorze de ses ravitailleurs qui y reçurent la désignation de KC-130R. Plus puissants que les KC-130F, ils emportaient également 15% de charge de carburant en plus.
En 1975 les KC-130R furent eux aussi cédés aux Marines et le Pentagone leur commanda également trente KC-130T identiques, mais neuf. La commande fut ramenée rapidement à vingt-huit avions. En effet le vint-neuvième fut livré en tant que C-130T, il s’agit du célèbre Fat Albert, l’avion de servitude de la patrouille acrobatique des Blue Angels, et le trentième fut intégré dans une commande de C-130H pour le compte de l’US Air Force. Hormis les KC-130B et F, toutes les autres versions alors en service étaient dérivés des C-130E et H avec qui elles partageaient la motorisation.
En 1979 la marine américaine fit l’acquisition de deux Lockheed C-130H-30 rallongés initialement prévus pour l’Iran et stockés depuis la révolution islamique. Redésignés C-130T-30 ils furent transformés en 1980 en KC-130T-30. Ils étaient alors les plus gros Hercules ravitailleurs en service dans le monde.
Au cours des années 1980 et 1990 Lockheed livra plusieurs KC-130H neufs à des pays étrangers : l’Arabie-Saoudite, l’Argentine, le Japon, le Maroc, et Singapour. Pour chacun de ces pays ces avions furent les premiers ravitailleurs opérationnels.
A la même époque plusieurs pays commencèrent à transformer des C-130 en KC-130, tel fut le cas du Brésil, du Canada, de l’Indonésie, et de la Malaisie. Le cas des avions canadiens est intéressant. Désignés CC-130T les Hercules ravitailleurs furent transformés à partir de cinq avions stockés depuis plusieurs mois. En fait le pays utilisait déjà des ravitailleurs Boeing CC-137T Husky. Les CC-130T furent principalement utilisés pour des missions au-dessus du grand nord. Avec l’entrée en service des Airbus CC-150T Polaris le rôle des CC-130T ne s’est pas amoindris, ils sont toujours les ravitailleurs « intérieurs » de l’Aviation Royale Canadienne.
En 2004 plus de quarante ans après l’entrée en service des Lockheed GV-1 une nouvelle version de l’Hercules de ravitaillement en vol fit son apparition : le Lockheed-Martin KC-130J. Il était bien entendu dérivé du C-130J Super Hercules. Immédiatement l’US Marines Corps en fit l’acquisition dans le cadre du programme de remplacement de ses KC-130F usés jusqu’à la corde. Ils prirent leur place dès la fin de cette année là.
Non seulement les KC-130J pouvaient aller plus loin et plus vite que les vénérables KC-130F mais en plus ils emportaient 25% de carburant en plus. Certains furent rapidement déployés au-dessus de l’Afghanistan et de l’Irak. En 2009 une nouvelle version spéciale du KC-130J fit son apparition, le surprenant Harvest Hawk. Il s’agissait d’un ravitailleur en vol capable de servir aussi d’avion d’appui aérien rapproché. Pour cela il pouvait tirer aussi bien des missiles antichars que des bombes à guidage laser. Dix de ces avions furent acquis par l’USMC.
Outre les États-Unis des Lockheed-Martin KC-130J ont été acquis par l’Arabie-Saoudite, l’Italie, et le Koweït. Après les déboires de l’Airbus A400M avec la mission de ravitaillement en vol des hélicoptères EC725 Caracal il sembla que la France était prête à acquérir de tels avions pour soutenir ses opérations spéciales.
Véritable ravitailleur en vol « léger » le KC-130 Hercules représente encore plus de cinquante-cinq ans après son premier vol une excellente alternative aux lourds biréacteurs et quadriréacteurs proposés par Airbus, Boeing, et Ilyushin.
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