Au cours de l’entre-deux-guerres l’avionneur français Breguet fut un des principaux constructeurs aéronautiques européens. Ses productions civiles et militaires se retrouvaient à sillonner les cieux de la planète entière. Pourtant il lui arriva, comme d’autre avant lui, de devoir produire sous licence des aéronefs étrangers afin de satisfaire au marché local. Ce fut notamment le cas avec l’hydravion commercial britannique Short S.8 Calcutta qui devint en France le Breguet Br.530 Saigon construits à seulement deux exemplaires. Ils donnèrent cependant naissance à une version militaire destinée à l’Aéronautique Navale, le Breguet Br.521 Bizerte.
Bien qu’ayant obtenu la licence de production du S.8 en 1931, ce n’est que fin 1934 que Breguet commença la construction des deux Br.530 Saigon pour les besoins d’Air France qui comptait les mettre en ligne sur une liaison régulière entre Marseille et Tunis, via la Corse. Respectivement immatriculés F-AMSV et F-AMSX ces deux appareils n’étaient en effet pas désirés par la compagnie nationale, mais un accord qui la liait avec Breguet exigeait leur production. En effet, l’avionneur n’avait jamais réussi à placer sa version du Calcutta auprès des compagnies françaises qui finalement lui préférèrent souvent l’original.
Mais surtout la licence de production prévoyait que si le Br.530 n’était pas construit et commercialisé à au moins deux exemplaires, la production en série de sa version militaire ne pourrait pas avoir lieu. Hors, fin 1934 le prototype Br.521-01 avait déjà volé depuis plus d’un an.
Assez paradoxalement, les deux hydravions co-existaient en même temps sur les planches à dessins de Breguet. En fait le Br.521 Bizerte avait été proposé dès 1932 à la Marine Nationale dans le cadre d’un cahier des charges visant au remplacement des CAMS-55 alors en service. L’hydravion de Breguet faisait face à trois autres appareils : le Latécoère Laté-582, le Lioré-et-Olivier LéO H-42, et le Loire 70.
Extérieurement, le Breguet Br.521 se présentait sous la forme d’un hydravion à coque sesquiplan trimoteur construit intégralement en métal. Sa propulsion était assurée par des moteurs en étoile Gnome & Rhône 14Krs d’une puissance nominale de 910 chevaux entraînant chacun une hélice tripale en métal. Outre sa coque à double redan le Bizerte disposait de deux flotteurs placés sous le plan inférieur de voilure. Il est à noter qu’eux aussi disposaient d’un double redan. L’ensemble des moteurs, plans de voilures et de stabilisation, et flotteurs étaient fixés les uns aux autres par des haubans contreventés. L’armement défensif se composait de cinq mitrailleuses Darne de calibre 7.5mm installées dans des postes de tirs avant, centraux, et arrières, ainsi qu’en sabord latéral. En outre une charge offensive de 300 kg pouvait être emportée sous voilure. Elle se composait généralement de bombes, de mines, ou de charges de profondeur. Cet hydravion était servi par un équipage de huit hommes. C’est dans cette configuration que le premier vol du prototype fut réalisé le 11 septembre 1933.
En décembre 1934, alors même que le programme n’est pas terminé, le Breguet Br.521 Bizerte est déclaré vainqueur de la compétition. A ce moment là l’assemblage du prototype de Lioré-et-Olivier n’est pas terminée. Malgré cette victoire, le Loire 70 est également commandé en petite série, non plus comme hydravion de reconnaissance maritime mais pour la surveillance côtière et le soutien colonial.
Les premiers Br.521 entrèrent en service dans l’Aéronautique Navale en février 1935, quelques jours seulement après le premier Br.530 d’Air France. Le contrat est sauvé. Outre le prototype Br.521-01 trente machines de série furent commandés et produites jusqu’en mars 1938. Cependant en juillet de la même année une commande est passée pour trois Bizerte supplémentaires. Ceux-ci présentent des modifications particulières. Les postes de tirs sont désormais fermés tandis que les sabords sont transformés en tourelles latérales. L’aérodynamisme générale du cockpit et de sa partie vitrée est revue et corrigée et les moteurs sont changés au profit de Gnome & Rhône 14N-11 toujours en étoile mais d’une puissance nominale de 925 chevaux. Les deux premiers appareils sont directement livrés dans cette configuration tandis que le troisième est doté de moteurs Hispano-Suiza 14AA en double étoile développant une puissance nominale de 1000 chevaux. Désigné Br.522 il demeura unique en son genre. Début 1940 sa nouvelle motorisation fut déposée et il redevint un Br.521 de seconde série.
Les Breguet Br.521 Bizerte de série volèrent au sein des Escadrilles E1, E2, E3, E5, et E9 de la Marine Nationale. Ils avaient pour rôle de patrouiller le long des côtes métropolitaines mais aussi de l’Afrique Occidentale Française. Ils opéraient donc depuis Cherbourg-Octeville, Saint-Raphaël, et Dakar.
Lors de l’entrée en guerre de la France face à l’Allemagne nazie en septembre 1939, le Breguet Br.521 Bizerte était le principal hydravion de reconnaissance à long rayon d’action. Il fut engagé immédiatement dans la poursuite des bâtiments de surface et des U-Boots de la Kriegsmarine. S’ils ne détruisirent aucun navire ennemi, ils participèrent activement à la défense du littoral français.
Lors de l’Armistice de juin 1940, l’Allemagne nazie autorisa l’état de Vichy à conserver ses Escadrilles E1 et E9 dotés de Br.521 Bizerte pour des missions de reconnaissance. Elles devinrent cependant les 1E et 9E. Elles possédaient respectivement cinq et quatre Bizerte. Leur armement était alors limité aux seules mitrailleuses, la charge offensive leur avait été interdite.
Un peu plus de dans ans plus tard ces neuf Br.521 Bizerte, ainsi que huit autres stockés en attentes furent prélevés et livrés à la Luftwaffe. Repeints aux couleurs allemandes, ils furent versés au Seenotdienst, une unité dédiée aux missions de recherches et de sauvetage en mer, notamment aux profits des équipages d’aéronefs abattus. Les 17 Bizerte remplacèrent alors les Dornier Do 18 basés à Hourtin et Biscarrosse. Sur cette hydrobase, ils cohabitèrent quelques temps avec des Dornier Do 26 bien plus modernes.
La Luftwaffe utilisa ses Breguet Br.521 Bizerte jusqu’à la fin des hostilités. Il faut souligner qu’entre mars et novembre 1945 l’Armée de l’Air utilisa deux de ces anciens appareils « allemands » pour des missions de transport léger et de soutien opérationnel. Les derniers Breguet Br.521 furent envoyé à la ferraille en 1946.
Le Breguet Br.521 Bizerte est un des rares aéronefs militaires français à avoir participé à la Seconde Guerre mondiale du début à la fin. Sur les 34 hydravions construits aucun ne survécut, pas même les deux Br.530 Saïgon. Cet hydravion trimoteur français était réputé très agréable à piloter et très stable en mer. Il faut remarquer qu’il fut un des premiers hydravions militaires à disposer de flotteurs à double redan et de réservoirs auto-obturants.
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