Pour le grand public, les ATR sont des avions de ligne régionaux, bien plus habitués aux tarmacs et aux taxiways des aéroports qu’aux pistes et aux abris durcis des bases aériennes. Pourtant si l’ensemble des avions du consortium franco-italien sont utilisés par les plus grandes compagnies aériennes dans le monde, et notamment aux États-Unis, il existe une version militaire du plus petit des deux modèles, l’ATR-42, dont les missions principales sont la patrouille maritime et la surveillance des espaces océaniques. Cet appareil, l’ATR-42MP est actuellement assemblé et commercialisé par deux des plus grands avionneurs au monde, Airbus et Finnemeccanica, qui ont respectivement repris les activités des avionneurs d’origine qu’étaient Aérospatiale et Aeritalia. Malgré des qualités stupéfiantes, l’ATR-42MP peine à devenir à proprement parler un succès commercial.
Les origines de l’ATR-42MP remontent à l’aube du programme franco-italien ATR (Avion de Transport Régional) au début des années 80. A cette époque, les deux avionneurs d’origine comprirent qu’un avion de ligne biturbopropulsé comme celui qu’il étaient en train de mettre au point se devait d’avoir des débouchés militaires, à l’instar notamment des Fokker F27 néerlandais et Antonov An-26 soviétique.
Le premier modèle ATR, l’ATR-42 était un appareil finalement assez classique, si on excepte sa construction dans des matériaux très modernes, faisant notamment massivement appel aux composites, et l’utilisation de commandes de vols électriques, une première pour ce type d’appareils, asservies à un cockpit des plus modernes. En somme, l’ATR-42 était alors le nec plus ultra des avions de ligne à turbopropulseurs. Les commandes des compagnies aériennes affluèrent dès août 1984, date du premier vol de l’avion, et les premiers avions entrèrent en service rapidement. Toutefois les militaires semblaient bouder l’avion.
Le consortium franco-italien tablait sur la vente d’appareil pour des missions de transport de fret, de parachutages, de transport de personnels et de liaison. Toutefois une machine arriva à la même époque sur le marché et sembla aspirer toutes les commandes au détriment de l’ATR, le Casa CN-235 espagnol qui fut notamment acquis par l’Armée de l’Air. De l’autre côté des Alpes, l’Aeronautica Militare Italiana, utilisait déjà le G.222 spécifiquement militaire, et n’avait donc aucun besoin d’un avion civil comme l’ATR-42.
Malgré les échecs de l’avion sur les marchés militaires, le consortium décidèrent en 1994 de lancer une version de patrouille maritime basée sur l’ATR-42-500 et désigné ATR-42MP (MP pour Maritime Patrol, patrouille maritime) sur le principe du CN-235MP et de l’Enforcer issu du Fokker 50. Aérospatiale essaya de placer l’avion auprès de l’Aéronautique Navale qui finalement lui préféra le Dassault Falcon 50M triréacteur plus rapide.
L’ATR-42MP se présente sous la forme d’un biturbopropulseur monoplan à aile haute disposant d’un empennage en « T ». Son avionique fait appel à un radar de recherche AN/APS-134 d’origine américaine, à un FLIR Chlio d’origine française, et peut le cas échéant recevoir un détecteur d’anomalies magnétiques (les fameux MAD) lui conférant des possibilités de détection anti-sous-marine. Le fuselage de l’avion n’est pas prévu pour recevoir une soute à armements pour l’emport de torpilles ou de missiles air-mer. Toutefois des charges offensives, principalement des pod-canons et pod-mitrailleuses, des paniers à roquettes de 19mm, des charges de profondeurs, ou des missiles AS-15TT à guidage laser peuvent être gréés sur des pylônes d’intrados, sous les ailes. L’ATR-42MP est prévu pour un équipage total de huit personnes.
Afin de remplir des missions Polmar et Surmar, l’ATR-42MP est prévu pour l’emploi de JVN (Jumelles de Visions Nocturnes) et dispose de skydômes permettant l’observation et la prise de photographie aérienne. Cette technique est notamment employée dans la poursuite des navires effectuant des dégazages, pollutions maritimes qui consistent à évacuer de manière purement illégale les trop pleins de fuel, le plus souvent en haute mer et de nuit. Les ATR-42MP, de part leur vitesse et leur taille relativement imposante, représentent des machines idéales dans les missions de surveillance et de poursuites anti-narcotiques.
Les deux premiers ATR-42MP sont entrés en service début 1996 au sein de la Guardia di Finanza (GdF), le service douanier italien. A l’inverse de la France où les douaniers sont totalement civils, les membres de la GdF sont considérés comme des militaires et leurs appareils appartiennent au parc des aéronefs du ministère de la défense italien. Depuis trois autres ATR-42MP ont rejoint les rangs des douaniers italiens.
Le rôle principale de ces avions est la surveillance des centaines de kilomêtres de côtes qui forment la péninsule italienne, la fameuse « botte ». Les biturbopropulseurs italiens participent notamment au contrôle des embargos militaires contre l’ex-Yougoslavie et la lutte contre l’immigration clandestine en Méditerrannée occidentale. Un rôle secondaire, fort méconnu, de ces avions est également la surveillance des zones boisées dans le sud de l’Italie, en Sardaigne, et en Sicile en prévention des feux de forêt. L’un de ces avions a d’ailleurs prêté main forte aux pompiers français lors d’un incendie dans le sud de la Corse à l’été 2003, guidant notamment les CL-415 de la Sécurité Civile. Les ATR-42MP transalpins ne sont pas armés dans la majorité de leurs missions.
Trois appareils sont également utilisés par la Guardia Costeria, les garde-côtes italiens, comme avions de recherche et de sauvetage à longue distance, et de patrouille côtière. L’un d’entre eux est notamment détaché depuis 2013 sur l’aéroport international de l’île de Lampedusa, où il sert à contrôler les flux migratoires en provenance d’Afrique du Nord. Ces avions portent une livrée rouge et blanche fort peu répressive, montrant bien le caractère de service public de leur mission. Bien que non armés ils sont dotés d’une avionique top niveau et d’une capacité de communication type Liaison 16, leur permettant de communiquer avec les avions de chasse italiens, et notamment les Eurofighter EF2000.
Il a fallu attendre 2007 pour commencer à voir arriver les premières commandes à l’export, la première en provenance de la Federal Nigerian Air Force qui commanda au début de l’année deux exemplaires, nommés Surveyor, et spécialement gréés pour le tir de torpilles, pour des missions de lutte anti-sous-marine et de patrouille maritime. Ces avions sont en service en 2010.
Fin 2007, une seconde commande, plus polémique, est venue de Libye, suite à une visite du dictateur Khadafi en France pour quatre ATR-42MP améliorés pour le tir de missiles Exocet. Dans ce pays ces armes étaient alors employés par les Mirage F1 et par les MiG-27. Les ATR libyens auraient du remplacer dès 2009 les Antonov An-24 utilisés pour ce type de missions depuis les années 70. Finalement un seul avion a été payé et livré après le renversement du dictateur. Il est employé comme avion de recherche et de sauvetage.
Hormis ces avions, un ATR-42F de transport de fret civil est utilisé depuis 1989 par la Force Aérienne du Gabon, au profit de la Garde Présidentielle. Si la France n’a toujours pas consenti à acquérir des ATR-42MP, cela ne signifie pas qu’aucun de ces avions ne vole sous la cocarde « bleu-blanc-rouge« . En effet, un très discret ATR-42-300 a été utilisé dans une livrée blanche et bleue rehaussée de la cocarde par le CNET, le Centre Nationale des Études en Télécommunications. Cet avion a servi officiellement pour des missions de calibration des radars et des systèmes de communications parapubliques de 1995 à 2001, il a depuis été revendu à un utilisateur privé en Suisse.
Un autre ATR-42 sert pour la République Française, au sein de la DGAC, la Direction Générale de l’Aviation Civile, là aussi pour des calibrations radars. Le consortium franco-italien n’espère désormais plus vendre l’ATR-42MP à la Marine Nationale, notamment depuis qu’en 2013 l’Armée de l’Air a livré à l’Aéronautique Navale quatre Falcon 50 pour transformation en avions de reconnaissance maritime.
Alors que l’ATR-42 se présente comme l’un des avions les plus vendus dans le monde dans sa catégorie, il en est tout autrement de l’ATR-42MP, et pourtant l’avenir ne semble pas complètement fermé pour lui. Une version propulsée par des réacteurs à double flux fut envisagée, mais finalement abandonnée. L’ATR-72, version agrandie, n’a pour l’instant pas encore attiré les militaires.
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