À la fin des années 1940 les ingénieurs italiens de Piaggio s’intéressèrent aux avions mus avec l’aide d’hélices propulsives et non tractives comme elles le sont sur la majorité des appareils volant dans le monde. Cette technologie était censée apporter un regain de puissance aux avions dont la motorisation pouvait sembler trop légère. Les moteurs dits propulsifs permettaient surtout d’éviter le recours aux turbopropulseurs alors beaucoup trop couteux. Cette forme d’avions allait même devenir la marque de fabrique de l’avionneur. Le premier avion construit en série à partir de cette méthode fut d’ailleurs un succès sur les marchés militaires et même paramilitaires, il s’agit du P.166.
Les études lancées par les ingénieurs et designers transalpins concernant l’hélice propulsive conduisirent l’avionneur à envisager une application pratique sous la forme d’un avion de transport léger, utilisable à la fois par les militaires mais également par les compagnies aériennes pour des dessertes régionales et des liaisons rapides. Clairement les équipes de Piaggio s’inspirèrent de l’hydravion P.136 antérieur de quelques années.
Les premières ébauches débouchèrent sur un avion très classique dans son architecture générale, disposant d’une voilure haute, de deux moteurs à hélices propulsives, d’un empennage classique aux formes anguleuses et à l’arête dorsale accentuée, et de réservoirs de carburants auto-obturants. Ces derniers furent installés afin de séduire les potentiels clients militaires. En outre l’avion fut doté de volets agrandis afin de lui octroyer quelques capacités ADAC (pour Avion à Décollage et Atterrissage Courts) fort utiles à cette époque pour ce type d’aéronefs. Il reçut la désignation de P.166 et effectua son vol inaugural le 26 novembre 1957.
Le P.166 se présentait comme un appareil assez rudimentaire, si on excepte sa propulsion, et il était en outre mû par des moteurs bon marchés, issu de l’aviation générale et facile d’entretien, des Avco-Lycoming GSO-480A de 340 chevaux chacun. Les premières commandes arrivèrent de clients civils, notamment en Australie et aux États-Unis, mais également des Carabiniers italiens qui cherchaient alors une machine susceptible d’assurer le remplacement entre autre de leurs vieux Avro Anson issus de la Seconde Guerre mondiale. La première série de P.166 fut construite à hauteur de 32 exemplaires. Par la suite vinrent des séries aux moteurs sans cesses changés, dont le P.166M (M pour Militare) construit à 51 exemplaires pour le compte de l’Aeronautica Militare Italiana.
Les P.166M servirent aussi bien d’avions de liaisons au sein des Stormi de chasse que d’avions de transport léger et d’entraînement pour les parachutistes. Une vingtaine de P.166M furent par la suite affectés à la Scuola Plurimotori de la base de Latina, l’unité d’instruction sur multimoteur de l’AMI. À la même époque la South African Air Force qui recherchait un avion de reconnaissance maritime et de sauvetage en mer, demanda d’adapter le P.166 à ses exigences. C’est ainsi que naquit en 1965 l’Albatross, aussi connu sous le nom de P.166S, et commandé à 20 exemplaires. Les Albatross n’étaient pas armés, mais pouvaient en outre emporter un puissant phare de recherche sur un pylône de voilure, ainsi que des marqueurs fumigènes. Les Albatross volèrent en Afrique du Sud jusqu’en 1999, date à laquelle ils furent remplacés par des Beechcraft Super King Air 200 plus rapides.
En 1976 Piaggio commença à réfléchir à une remotorisation du P.166 avec des turbopropulseurs, toujours mus par des hélices propulsives. Afin de permettre à l’appareil d’accueillir ce nouveau gain de puissance, la voilure et l’empennage furent renforcés, et le train d’atterrissage fut modifié. Ainsi modifié l’avion, nommé P.166DL3, effectua son premier vol le 3 juillet 1976. L’appareil attira rapidement les clients civils, et notamment la compagnie nationale italienne Alitalia qui recherchait un nouvel avion d’entrainement multimoteur. Toutefois il fallu attendre 1978 pour voir l’avion commandé par des militaires, en l’espèce la force aérienne de Somalie qui acquit deux P.166DL3-MR de patrouille côtière et de recherche anti-sous-marine. Les P.166 somaliens servirent jusqu’au début 1990, leur sort actuel n’étant pas connu, ces avions ont très certainement été détruit lors des affrontements civils qui endeuillèrent ce pays durant plus de quinze ans.
En 1979 le P.166DL3 intéressa également l’Aeronautica Militare Italiana qui recherchait un avion de transport léger rapide et maniable afin de servir dans ses opérations extérieures. Six de ces machines furent acquises pour servir au sein du 303° Gruppo Autonomo aux côtés de Lockheed C-130H Hercules, de monomoteurs SIAI S-208M, de Fiat G-222, et d’hélicoptères Sikorsky HH-3F. Le 303° Gruppo Autonomo est l’équivalent italien du Groupe Aérien Mixte Vaucluse au sein de l’Armée de l’Air, c’est à dire qu’il sert de soutien aux forces spéciales et aux services de renseignement italiens. L’année suivante ce sont la Guardia di Finanza et la Capitanerie di Porto, les deux services en charges des missions de garde côtière, qui commandèrent en commun une trentaine de P.166DL3 pour des missions de recherche et de sauvetage, de transport, ou encore de liaisons. Ces avions sont toujours en service actif en 2013.
Le P.166 a en outre servit de base à la conception du biturbopropulseur d’affaire et de transport prioritaire P.180 Avanti, l’actuel avion léger du président du Conseil italien, un des avions à hélices les plus rapides au monde. Le P.166 a été construit à près de 400 exemplaires et sa production a cessé en 1991. Un exemplaire, saisi par les douanes américaines, sert actuellement au sein de la police de Miami en Floride.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.