En 1949, avec la première arme atomique russe, les doctrines d’emploi des chasseurs américains allaient en être profondément revues. Pour l’US Air Force, il n’était désormais plus du tout question d’acquérir des chasseurs d’escorte destinés à accompagner ses unités de Convair B-36, mais bel et bien d’investir dans des intercepteurs capables de donner la chasse de jour comme de nuit aux bombardiers stratégiques soviétiques, comme le Tupolev Tu-4 Bull, qui s’aventureraient un peu trop près des côtes américaines.
Annulé le programme des XF-88, XF-90, et XF-93 désormais obsolètes, l’industrie aéronautique, et principalement Lockheed et North American se lançaient désormais dans ce chantier prioritaire, un intercepteur tous temps à même de protéger le pays face aux hordes de quadrimoteurs « rouges« . Dans l’urgence, des délais de réalisation très courts étaient demandés. Pour la société Lockheed créer un nouvel intercepteur rimait donc avec conjuguer son savoir faire acquis et ses idées novatrices. Il fallait donc mélanger l’architecture et la structure éprouvée du F-80 Shooting Star avec la technologie innovante du XF-90. Le nouvel avion reçut la désignation de YF-97.
Extérieurement, il se présentait sous la forme d’un F-80 profondément revu et corrigé pour intégrer un radar de navigation tous temps AN/APG-33 dans le nez, pour embarquer un équipage de deux personnes, pilote à l’avant et navigateur radariste à l’arrière, et enfin pour disposer de nouveaux réservoirs de carburants de bouts d’ailes plus aérodynamiques. Tous ces équipements toutefois jouèrent sur l’armement de l’avion qui se limitait donc à quatre mitrailleuses Browning de calibre 12.7mm dans le nez. Un réacteur Allison J33-A-33 d’une poussée à sec de 2720 kg avait été installé. Bien que théoriquement doté d’une postcombustion, ce type de réacteur ne l’utilisait que très peu, son efficacité restant sujette à caution à l’époque. Le Lockheed YF-97 réalisa son vol inaugural le 16 avril 1949, après seulement quatre semaines de travail des ingénieurs et designers.
Immédiatement, l’avion fut commandé en série à 110 exemplaires par l’US Air Force, mais sa désignation changea en F-94, les premiers avions de série devenant donc des F-94A. Baptisé Starfire, cet avion changeait radicalement du F-80 qui prenait de ce fait un sacré coup de vieux. Quelques semaines plus tard apparue une version légèrement améliorée, mais disposant toujours des mêmes équipements et armements, et désignée F-94B. Ces avions furent commandés à hauteur de 356 exemplaires par l’US Air Force.
Principalement basés en Alaska, en Californie et sur les frontières nord du pays, les Starfire ne mirent pas longtemps à être envoyés en Corée. Toutefois le secret qui entourait alors le radar APG-33 obligea l’état major à limiter pendant quelques mois l’usage de ces avions le long des frontières avec le territoire tenu par les forces communistes. Washington et Lockheed auraient vu d’un mauvais œil qu’un Starfire ne tombe entre les mains de Staline et de ses ingénieurs. Pourtant les craintes se dissipèrent et rapidement le Starfire fut déclaré opérationnel sur l’ensemble du théâtre d’opération coréen.
Et rapidement les premiers résultats apparurent. Un F-94B, piloté par le capitaine Ben Fithian et servi par le radariste Sam Lyons s’octroya la première victoire aérienne de l’Histoire sur un avion hors de vue. En effet, leur intercepteur descendit, au radar, un chasseur à moteur à piston Lavotchkine La-9 appartenant aux forces soviétiques.
Mais si les mitrailleuses faisaient des merveilles contre les vieux chasseurs soviétiques comme le La-9 ou le Yak-9, il en était tout autrement contre les bombardiers soviétiques et notamment les Illyushin Il-28 Beagle ou Tupolev Tu-85 Barge alors en cours de dotation ou de développement selon les services de renseignement occidentaux. Lockheed devait profondément revoir sa copie du Starfire. C’est ainsi que naquit le F-94C sur lequel les mitrailleuses avaient laissé la place à des roquettes air-air Mighty Mouse de calibre 69.85mm montés dans le nez, autour du radar, à hauteur de 24 unités. La propulsion avait elle aussi changé, au profit d’un réacteur Pratt & Whitney J48-P-5 dont la poussée unitaire à sec était de 2880 kg et de 3970 kg avec la PC allumée. Le cockpit fut également repensé, donnant un meilleur champ visuel au radariste, et l’empennage redessiné.
Ainsi gréé, le F-94C fut acquis à hauteur de 387 exemplaires, dont la plus grande partie était basée en Alaska, au plus près des routes supposées des bombardiers soviétiques. L’US Air Force disposait désormais d’une arme pouvant réellement déjouer les incursions ennemies. Les Soviétiques le comprirent vite et adaptèrent donc leurs avions à la menace Starfire. C’est ainsi que les tourelles de canons de 23mm firent leur apparition sur la majorité des avions qui avaient à l’époque une mission de pénétration de l’espace américain.
Rapidement la puissance de feu du F-94C fut doublée, avec l’emport de 24 roquettes supplémentaires installées dans deux paniers, à ogive auto-brisante, montés en voilure. Toutefois, cet armement n’était pas particulièrement précis. En effet une fois tirée la salve des 24 roquettes de nez s’éparpillait sur ses cibles sur une surface d’environ un hectare. Pour être efficace, il fallait espérer que les Soviétiques fassent voler leurs bombardiers dans des boxes très serrés. Et cette surface était plus que doublée si on y ajoutait les roquettes d’ailes. D’ailleurs souvent les F-94C ne décollaient qu’avec seulement ces dernières, celles de nez ayant fâcheusement tendance à aveugler le pilote avec leur panache de fumée, mais aussi à brouiller, voire à endommager le radar.
Le Lockheed F-94 Starfire demeura en première ligne dans l’US Air Force jusque fin 1956. Les gardes nationaux volèrent sur ces avions jusqu’en 1958. Par la suite une vingtaine de F-94C fut transformée en cibles volantes télé-pilotées QF-94C et utilisée jusqu’en 1965 pour divers essais d’armement. Deux versions F-94D et E furent envisagées mais sans jamais dépassées le stade de la planche à dessins. Les Starfire laissèrent la place à des avions plus modernes comme le Convair F-102A Delta Dagger ou encore le Lockheed F-104A Starfighter.
Construit au total à 854 exemplaires, prototype YF-97 compris, le Starfire ne fut jamais exporté.
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