Etablissement d’enseignement supérieur très mal connu des Français l’EPNER (Ecole du Personnel Navigant d’Essais et de Réception) est installée aujourd’hui sur l’emprise de la base aérienne d’Istres-le-Tubé, au nord de Marseille. Destinée à enseigner l’art et la manière de bien tester en vol, et aussi au sol, les futurs aéronefs tout comme les évolutions d’appareils existant déjà. L’EPNER s’appuie aujourd’hui sur une solide expérience acquise depuis sa création en 1946. Initialement basée à Brétigny-sur-Orge, en région parisienne, son déménagement pour les cieux plus cléments et plus ensoleillés du Midi eut lieu en 1962, année de grand changement pour nos aviateurs avec la « perte » des bases aériennes en Afrique du Nord. Désormais, les pilotes et ingénieurs d’essais allaient être formés dans le sud du pays, et ensuite ils rejoindraient les abords de la capitale pour servir au CEV, le fameux Centre d’Essais en Vol.
De tous temps, le recrutement de ces pilotes et ingénieurs d’élite était draconien, et il en est de même aujourd’hui. Pour les premiers d’entre eux, qu’ils proviennent de la filière avion ou de celle des voilures tournantes, un minimum de 1 500 heures de vol est requis, avec au moins 400 h comme commandant de mission ou de bord. L’aptitude médicale au vol sur appareil de combat étant obligatoire quelque soit le cursus envisagé. Pour les futurs ingénieurs d’essais il n’en est pas tout à fait de même mais là aussi le chemin est semé de (grosses) embuches. Ainsi une expérience du vol est requise, et si le brevet de pilote n’est nullement obligatoire il est très fortement recommandé. Là aussi la visite médicale est sans appel, soit on peut embarquer en place arrière d’un jet de combat soit on fait son baluchon et retour à la maison. L’EPNER ne cherche définitivement que les meilleurs : des corps bien faits et des têtes bien remplies.
Si la majorité des candidats proviennent des trois principales armées aériennes françaises, Armée de l’Air, Aviation Navale, et Aviation Légère de l’Armée de Terre, certains autres sont issus des grandes entreprises aéronautiques du pays (EADS, Dassault Aviation, Thales, Reims Aviation, etc etc etc) voire du transporteur national Air France. Enfin de par son rayonnement international, l’école forme des pilotes et ingénieurs étrangers.
Alors certes l’EPNER n’est pas la seule « école de pilotes d’essais » dans le monde, les Américains en possèdent deux (les célèbres US Test Pilots School et US Naval Test Pilots School), les Britanniques ont leur Empire Test Pilots School, et il en est de même des Russes et des Brésiliens. Mais il semble bien que l’EPNER soit la seule avec celle située de l’autre côté de la Manche à proposer un cursus aussi complet permettant de préparer les personnels à travailler aussi bien sur des avions civils que militaires, et même sur des warbirds.
Si le CEV a disparu de nos jours, remplacé en cela par la DGA Essais en Vol, les moyens de l’EPNER demeurent à la pointe de la technologie comme en témoigne son parc aérien. Au niveau des avions elle possède ses propres Mirage 2000B, Alpha Jet, Mystère XX, et Pilatus PC-7. Il est remarqué que ces derniers sont les seuls appareils de ce type à voler sous la cocarde française, tandis que les Mystère XX de l’EPNER sont eux les derniers en service étatique dans l’Hexagone, l’école les mettant parfois à disposition de programmes de la DGA. En ce qui concerne les hélicoptères l’école dispose là aussi de très bonnes machines : Aérospatiale SA-330 Puma et SA-341 Gazelle, et Eurocopter AS-365N Dauphin II et AS-550 Fennec. La DGA Essais en Vol met aussi parfois à disposition de l’école certain de ses SOCATA Rallye 235 et Wassmer CE-43 de liaisons et de communication, des avions légers type tourismes bienvenus dans le cursus français.
Depuis une grosse vingtaine d’années le cursus de formation des élèves de l’EPNER se déroule aussi sur des aéronefs prêtés à l’école ou bien loués par celle ci. En effet, certaines promotions ont ainsi eu la chance de voler sur des machines aussi différentes que l’Agusta-Bell 205A, l’Airbus A320, le Bell 47G, le Canadair CL-415, le Casa C-212, le Dassault Mirage III, l’Eurocopter AS-332L Super Puma, le General Dynamics F-16B, le Grumman F-14A Tomcat, le Jodel D-140, le Mikoyan-Gurevitch MiG-21 Fishbed, le Mil Mi-24 Hind, le Mudry Cap-10, le Nord N-262, le North American T-6G Texan, le Piper PA-28, le Sud-Aviation Caravelle, le Sud-Est SE-313 Alouette III, et j’en passe et des meilleurs. Les élèves « apprennent » aussi sur les appareils en dotation courante dans le parc aérien de l’état. Sans compter que l’Armée de l’Air met souvent à disposition de l’école certains de ses moyens de soutien logistique comme les ravitailleurs en vol Boeing C-135FR ou encore ses avions de transport Casa CN-235 et Transall C-160R.
Malgré sa formidable histoire et sa mission des plus extraordinaires l’EPNER n’a, à ma connaissance, jamais eu les honneurs républicains d’un survol des Champs Elysées un matin du 14 juillet. Alors certes bon nombre de ses futurs et de ses anciens élèves l’ont fait, mais jamais à bord de machines portant son emblème. Celui ci, plein d’humour, représente justement deux pilotes d’essais, dont l’un plus grand tient la main de son cadet. Tous deux sont vus debout au milieu d’un avion… en papier. Les visiteurs du Musée de l’Air et de l’Espace peuvent néanmoins admirer une ancienne machine de l’école. En effet, un Sikorsky H-34 porteur de ce logo est visible dans le Hall des Hélicoptères.
Alors certes, cette école ne fait jamais les gros titres des journaux, ses pilotes ne tirent jamais de missiles ou de bombes contre tels ou tels dictateurs, et ses hélicoptères ne sauvent jamais de vie. Mais cet acteur ô combien discret de la vie aéronautique française, et européenne, permet aux constructeurs et aux forces aériennes de développer sans cesse de nouvelles machines. Car jamais les ordinateurs, même les plus puissants d’entre eux, ne sauront remplacer les yeux et le doigté du pilote et de l’ingénieur d’essais. Il est à noter que les spationautes Jean-François Clervoy, Jean Loup Chrétien et Léopold Eyharts sont d’anciens élèves de l’école. Patrick Baudry fut, quant à lui, ancien de Boscombe Down, équivalent britannique de l’EPNER.
Photo (c) EPNER
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