Curtiss-Reid Rambler

Quittant son Angleterre natale en 1924, Wilfrid Thomas Reid est embauché comme ingénieur en chef par l’entreprise Canadian Vickers où il développa notamment l’hydravion Vedette. En février 1928, il fonde à Montréal sa propre entreprise: la Reid Aircraft Company. Son objectif est de concevoir et de produire un avion école destiné à répondre au programme du gouvernement canadien visant à soutenir le développement des aéroclubs.

Le prototype du Reid Rambler effectue son premier vol dès le 23 septembre 1928. Bien que d’apparence conventionnelle, ce sesquiplan incorpore plusieurs innovations, dont une structure entièrement métallique. Le fuselage est en tubes d’acier recouvert de tissu. Également recouvertes de tissu, les ailes sont constituées de longerons et de nervures en alliage d’aluminium. L’aile supérieure est soutenue au-dessus du fuselage par des entretoises en tubes d’acier, sans aucun haubans. L’hélice bipale est également métallique. Autre particularité, les ailes de l’avion conçu par Reid sont facilement repliables en quelques minutes. L’espace qu’occupe alors l’appareil dans un hangar est donc très restreint, ce qui constitue un avantage non négligeable pour un aéroclub. La première version, le Rambler Mk.1 est propulsé par le populaire moteur Gipsy I de 90ch, alors que le Rambler Mk.2 est offert avec un moteur Cirrus Hermes II plus puissant.

Souhaitant prendre pied au Canada, l’entreprise américaine Curtiss Aeroplane and Motor est attirée par la conception avancée du Rambler et acquiert la Reid Aircraft en décembre 1928. Les commandes pour le Rambler affluent et les installations de l’entreprise, désormais renommée Curtiss-Reid Aircraft, sont agrandies. On y envisage la production de 300 appareils par année.

Le krach boursier de 1929, et la Grande dépression économique qui s’ensuit, coupe les ailes de la Curtiss-Reid avant même que la jeune entreprise puisse véritablement prendre son envol. Nombre de clients privés annulent leurs commandes et les programmes gouvernementaux fondent comme neige au soleil. Aussi, les projets de vente d’aéronefs à l’étranger (États-Unis et Amérique du Sud) ne se concrétisent pas. Bien que le Rambler ait été conçu principalement pour un usage civil, l’Aviation royale canadienne (ARC) évalue l’avion et commande une dizaine d’exemplaires.

En 1931, le Rambler Mk.3 est proposée avec un moteur Gipsy III de 120ch. pour tenter de mousser les ventes. En parallèle, Curtis-Reid développe le Courier, un avion postal spécialisé adapté aux rudes conditions hivernales du Canada. Le prototype du Courier effectue son vol initial en janvier 1932. Mais la situation économique au Canada, et dans le reste du monde, s’aggrave. Après avoir livré seulement une quarantaine d’appareils Rambler, la Curtiss-Reid Aircraft déclare faillite au printemps 1932.

Bien qu’en nombre limité, les avions Rambler acquis par les aéroclubs et les écoles de pilotage vont permettre à nombre de canadiens d’obtenir leurs ailes. Poursuivant ses activités jusqu’en 1959, l’entité indépendante Curtiss-Reid Flying School va notamment compter parmi ses élèves celui qui deviendra le plus célèbre pilote de chasse canadien de la Deuxième Guerre mondiale. C’est à bord d’un Rambler que le montréalais Buzz Beurling prit ses premières leçons de pilotage. Quant à Wilfrid Thomas Reid, il dirigera l’entreprise Crude Oil Engine & Engineering, avant de retourner en Angleterre vers la fin des années 1950 où il décède en 1968.

Promis à un bel avenir, mais fauché par la Grande dépression, le Rambler a pratiquement sombré dans l’oubli car aucun ne fut préservé. Heureusement, une réplique fidèle du Rambler, incorporant des pièces récupérées dont un moteur original, fut fabriquée par une équipe de bénévoles passionnés du petit Musée de l’aviation de Montréal. Achevé en 2017, pour souligner le 350ème anniversaire de la fondation de Montréal, elle y est exposé depuis.