Boeing MH-139 Grey Wolf

Quand on aborde le cas de l’Air Force Global Strike Command on pense systématiquement aux bombardiers stratégiques Boeing B-52H Stratofortress, Rockwell B-1B Lancer, et Northrop B-2A Spirit ou encore aux missiles balistiques LGM-30 Minuteman. Pourtant ce grand commandement de l’US Air Force recèle d’autres aéronefs comme les très impressionnants postes de commandement aéroporté Boeing E-4B Nightwatch. Nettement moins médiatisés et donc connus sont ses hélicoptères qui assurent généralement des missions de sécurité des bases. Le dernier né d’entre eux est un appareil aux origines européennes bien que depuis américanisé : le Boeing MH-139 Grey Wolf.

Francis E. Warren AFB dans le Wyoming, Malmstrom AFB dans le Montana, et enfin Minot AFB dans le Dakota du Nord sont des emprises militaires très particulières pour le Pentagone et en particulier pour l’US Air Force. Ce sont là que sont enterrés les silos de tirs des missiles balistiques LGM-30 Minuteman de la dissuasion nucléaire des États-Unis. Ces bases abritent respectivement les 90th, 341st, et 91th Missile Wings ; elles accueillent également des hélicoptères dédiés à leurs forces de sécurité. Et après plus de quarante ans de présence des Bell UH-1H Iroquois puis des UH-1N Twin Huey il a fallut trouver un successeur à ces hélicoptères biturbines mythiques.

En 2015 l’US Air Force annonce donc rechercher un hélicoptère capable de remplacer ses Bell UH-1N Twin Huey. Tous les constructeurs américains, mais aussi européens se mettent en ligne. Chacun y croit. Pourtant en secret les militaires américains ont déjà fait leur : ce sera l’AgustaWestland AW.139 italien. Ce n’est pas la première fois qu’un hélicoptère d’un pays européen est choisi par une force américaine. Aérospatiale l’a fait dans les années 1980 avec son HH-65A Dolphin pour le compte de l’US Coast Guard et Eurocopter la décennie suivante avec l’UH-72A Lakota aux profits de l’US Army. Mais là la situation est différente. L’administration américaine demande que les modifications soient réalisées de zéro sur des hélicoptères totalement construits aux États-Unis. Leonardo, la maison-mère d’AgustaWestland, accepte pensant les réaliser dans ses usines. C’est Boeing qui s’en chargera et qui assurera l’assemblage complet des AW.139 désormais appelés MH-139 et baptisés Grey Wolf. Se payer un client aussi prestigieux que l’US Air Force mérite bien quelques petits sacrifices.

Le contrat de près de deux milliards et demi de dollars est signé en septembre 2018 entre l’US Department of Defense, Boeing, et Leonardo. Un total de quatre-vingt-quatre machines doit être assemblé. Le MH-139 Grey Wolf doit non seulement remplacer les UH-1N Twin Huey en dotation sur les trois bases de missiles balistiques mais aussi ceux du 1st Helicopter Squadron en charge des missions aux profits des hautes autorités civiles et militaires de Washington DC. Totalement polyvalents ces machines de nouvelle génération doivent prioritairement pouvoir remplir aussi bien des missions de transport d’assaut que de surveillance armée, au moyen d’une mitrailleuse installée en gundoor. Leurs missions secondaires sont la recherche et le sauvetage, l’évacuation sanitaire, ou encore le contrôle aéroporté des taux de radiations. Et donc aussi le transport de VIP.

Malheureusement pour ce Boeing MH-139 Grey Wolf les coupes budgétaires des administrations Trump puis Biden vont s’abattre en priorité sur lui. Rapidement l’objectif de quatre-vingt-quatre machines est abandonné, passant à quatre-vingt, puis soixante-quatorze, soixante-dix, et la dégringolade se poursuite jusqu’à se stabiliser à un objectif de quarante-deux machines seulement. Avec si peu d’hélicoptères le 1st Helicopter Squadron se passera de lui et seuls les bases de missiles en seront dotées ainsi que le 908th Flying Training Wing qui doit assurer la formation avancée des pilotes sur cette machine depuis Maxwell AFB en Alabama. Cette unité d’entraînement doit à terme aligner six hélicoptères.

Extérieurement donc le Boeing MH-139 Grey Wolf reprend les grandes lignes de l’AgustaWestland AW.139 italien. Il en conserve même les deux turbines Pratt & Whitney Canada PT6C-67C de 1530 chevaux chacune d’origine. En fait il est globalement très similaire, hormis des systèmes de communications propres à l’US Air Force et des équipements d’autoprotections que ne propose pas Leonardo. Ayant réalisé son premier vol à l’automne 2019 il a débuté ses essais avec l’US Air Force au début de l’année 2020.
Les premiers exemplaires opérationnels sont entrés en service actif en mars 2024.

À la fin de cette même année les objectifs de remplacement des Bell UH-1N Twin Huey par les Boeing MH-139A Grey Wolf était toujours pour fin 2027. L’US Air Force avait d’ailleurs bon espoir de pouvoir revenir en arrière et avoir la possibilité de commander des exemplaires supplémentaires. Il faut dire que le MH-139A est perçu comme un possible remplaçant des antédiluviens hélicoptères d’entraînement Bell TH-1H Huey II.

Impossible à exporter, afin de ne pas faire de concurrence déloyale à l’AW.139 le Boeing MH-139 Grey Wolf est donc condamné à ne servir que dans les rangs des forces américaines. En 2024 l’US Naval Test Pilot School s’est penché sur lui comme potentiel successeur de ses deux Sikorsky UH-60L Blackhawk utilisés pour la formation des pilotes d’essais de voilure tournante. Le Grey Wolf pourrait ainsi rejoindre l’US Navy en plus de l’US Air Force.