En aéronautique l’image d’Épinal veut que les aéronefs conçus en URSS durant la guerre froide aient été pensés de manière à être les plus rustiques possibles. C’est généralement vrai, mais pas systématiquement. Il s’agit en fait d’une habitude prise dès l’entre-deux-guerres puis durant la Seconde Guerre mondiale de construire des avions et des hydravions ayant la capacité de voler aussi bien durant le plus rude des hivers par des températures bien inférieures à zéro degré Celsius qu’en période de canicule. Et l’un des premiers appareils de ce genre est un gros biplan biplace de reconnaissance appelé Polikarpov R-5.
Dès le début des années 1920 l’avionneur Polikarpov construisit plus de 2400 exemplaires des bombardiers légers de reconnaissance désignés R-1, R-2, et R-4. Ces biplans étaient en fait des copies non légales de l’Airco D.H.9 britannique qui surent remplir à merveille le rôle qui était le leur. Pour autant plus le temps passa et plus il sembla évident pour les VVS, les forces aériennes soviétiques, qu’il faudrait concevoir de nouveaux avions afin de les remplacer et de succéder également à la petite centaine de Tupolev R-3. Devant l’énormité du programme Moscou chargea les deux avionneurs qui avaient construits de telles machines de réalisés chacun son appareil. De toutes manières les deux seraient construits en série, le plus réussi enlevant l’industrialisation la plus importante.
Ils reçurent les désignations de Polikarpov R-5 et de Tupolev R-6. Les deux avions étaient diamétralement opposés. Quand Polikarpov proposa un gros biplan monomoteur Tupolev avança un monoplan à aile basse bimoteur. Le premier vol en novembre 1928 et le second onze mois plus tard. Les tests furent rapide et les VVS penchèrent directement en faveur du R-5 qui fut immédiatement commandé à 2500 exemplaires, le R-6 de son côté devant se contenter de «seulement» 400 avions produits. Les Soviétiques avaient fait le pari d’un certain conservatisme et d’une rusticité éprouvée sur un modernisme peut-être trop avant-gardiste.
Extérieurement le Polikarpov R-5 se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure inégale monomoteur animé par un moteur à douze cylindres en V Mikulin M-17 de 680 chevaux. Celui-ci était en fait une version construite localement du BMW VI allemand. Il actionnait une hélice bipale en bois. La structure même du fuselage et de la voilure était assemblé en bois entoilé et contreplaqué, rendant le biplan très léger malgré sa taille imposante. Son armement se composait de deux mitrailleuses de calibre 7.62 millimètres, l’une synchronisée dans le nez et tirant en position de chasse et la seconde sur un affût mobile annulaire. Une charge de bombes pouvant atteindre 250 kilogrammes complétait l’arsenal de l’avion. Les premiers exemplaires entrèrent en service à l’été 1930.
Très vite les VVS se rendirent compte que ce R-5 était non seulement bien plus moderne que les modèles précédents mais surtout que cet avion était hautement polyvalent. Ils en firent dériver des versions de reconnaissance de nuit, de torpillage, des versions hydravions à flotteurs, ou même de liaisons. La version la plus prolifique, avec 1500 exemplaires supplémentaires fut le R-5Sh pour Shturmovik. Il s’agissait un avion monoplace armé de quatre mitrailleuses de calibre 7.62 millimètres et capable d’emporter jusqu’à 400 kilogrammes de charges externes dont des roquettes air-sol et des bombes incendiaires. Le R-5Sh fut notamment pensé pour la destruction des chars ennemis.
La version la plus radicalement modifiée du Polikarpov R-5 fut le R-Z. Outre un nouveau moteur Mikulin AM-34 bien plus puissant, toujours à douze cylindres en V, celui ci disposait désormais d’un poste de pilotage partiellement vitré. Sur le R-Z le poste de tir arrière emportait deux mitrailleuses jumelées de calibre 7.62millimètres en plus de celle en position de chasse. La charge de bombe s’élevait à 500 kilogrammes. Sur les 1030 Polikarpov R-Z produits 350 étaient des R-ZSh Shturmovik pensés eux aussi pour l’attaque au sol. Les charges de bombes furent principalement remplacés par des roquettes antichars.
Les R-Z et R-ZSh Shturmovik entrèrent en service en 1935.
Les Polikarpov R-5/R-Z connurent le feu durant la bataille de Khalkhin Gol qui opposa entre mai et septembre 1939 l’URSS à l’empire nippon en Mongolie. Les gros biplans des VVS réalisèrent aussi bien des missions de reconnaissance armée que de harcèlement des troupes japonaises. Les généraux soviétiques y expérimentèrent plusieurs doctrines qui n’allaient pas tardés à être mis en place. La Seconde Guerre mondiale arrivait.
Malgré un aspect parfois un peu désuet et dépassé les Polikarpov R-5/R-Z surent mener de nombreuses actions de guerre entre 1939 et 1945. On les retrouva partout où l’URSS avait besoin de mener des missions de reconnaissance tactique, de harcèlement des troupes ennemies, ou encore de destruction des colonnes de chars. Lents mais très manœuvrants ils excellaient dans ce dernier rôle. C’est à l’été 1944 qu’ils commencèrent à peu à peu laisser la place à des Ilyushin Il-2 bien plus modernes. Le dernier R-Z fut envoyé à la casse en 1946.
Avec plus de 8000 exemplaires construits les Polikarpov R-5/R-Z figurent parmi les biplans militaires les plus prolifiques de l’entre-deux-guerres et parmi les plus efficaces de la Seconde Guerre mondiale. Des exemplaires ont par ailleurs volés sous les couleurs de l’Espagne républicaine, de la Finlande, de l’Iran impériale, et de la Mongolie.
Au moins un exemplaire de R-5 est aujourd’hui préservé en Russie à Monino près de Moscou.
Il est à signaler que le R-5 est fréquemment confondu avec le U-2 du même avionneur.
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