S’il est aujourd’hui un peu retombé dans l’oubli le nom de Polikarpov fut durant les années 1930 synonyme d’excellents avions de chasse pour l’aviation soviétique. Ses appareils étaient réputés robustes, bien pensés, et finalement assez rustiques pour permettre de subir les rigoureux hivers russes. Polikarpov a accompagné la naissance de l’industrie aéronautique en URSS et sa première conception fut déjà une réussite. Il s’agissait du I-3.
Le 31 mars 1926 le prototype du chasseur biplan biplace en tandem Polikarpov DI-1 s’écrasa à l’occasion de son neuvième vol d’essais. Jusque là cet avion était considéré comme extrêmement fiable et même bien plus efficace qu’attendu par les autorités de Moscou. Le bureau d’étude proposa de construire un second prototype afin de relancer le programme mais l’état-major soviétique refusa. En lieu et place il confia à Polikarpov la tâche de développer un nouvel : un biplan monoplace. Bien sûr celui-ci devait toujours être un chasseur. Le seul hic dans l’histoire c’est que jusque là ce constructeur n’en avait jamais conçu. Ses équipes se mirent au travail.
En ce milieu des années 1920 l’aviation militaire soviétique se cherchait. Elle hésitait entre une doctrine d’emploi de la chasse axée sur des monoplaces comme le Grigorovich I-2 alors en dotation et comme ce Polikarpov DI-1 désormais caduque. Le futur chasseur monoplace reçut logiquement la désignation de Polikarpov I-3. Comme pour tout nouvel avion il fallait lui trouver une motorisation. Plusieurs options furent envisagées et essayées. L’Hispano Suiza 12Mb français à douze cylindres en V de 575 chevaux fut longtemps celui qui tenait la corde en dépit d’un prix jugé assez élevé par l’avionneur soviétique. Le Napier Lion VII de 700 chevaux à architecture en W fut rapidement abandonné car il rappelait trop celui du DI-1. Finalement c’est un moteur allemand à douze cylindres en V qui fut acquis : le BMW VI. Celui-ci affichait une puissance de 750 chevaux.
La construction aéronautique soviétique n’étant à l’époque pas du tout au niveau de ses concurrentes américaines, britanniques, françaises, ou italiennes la conception de moteurs lui était quasi étrangère. C’est pourquoi ce choix ne suscita aucune discussion à Moscou. Une licence de production fut cependant acquise, avec l’accord des autorités internationale afin de ne pas mettre BMW en porte-à-faux avec le Traité de Versailles. En tous cas pas sur ce dossier là. En URSS le BMW VI devint le Mikulin M-17.
Extérieurement le Polikarpov I-3 était pleinement dans l’air du temps. C’était un chasseur monoplace biplan d’envergure inégale à fuselage monocoque construit en bois et contreplaqué. Il possédait un train d’atterrissage classique fixe se terminant par un patin de queue installé sous l’empennage, lui aussi classique. Le pilote disposait d’un cockpit à l’air libre. L’armement se composait de deux mitrailleuses synchronisées PV-1 de calibre 7.62 millimètres. À bien des égards l’I-3 ressemblait au Curtiss PW-8 Hawk américain.
Le prototype du Polikarpov I-3 réalisa son premier vol le 4 mai 1928. La campagne de tests fut jugée concluante par les VVS, les forces aériennes soviétiques. Une commande fut passée pour 240 exemplaires dont les premiers sortirent d’usine à l’automne 1929. En priorité les I-3 assuraient la défense aérienne de la partie occidentale de l’Union Soviétique. Bien que relativement plus maniable que le Grigorovich I-2 il ne le remplaça pas, les deux modèles étant employés conjointement. La pleine dotation intervint en 1931. Au plus fort de sa carrière ce sont quinze escadrilles des VVS qui volaient sur ce chasseur biplan. Bien que jugé agréable à piloter et sans défaut majeur il ne connut pas une longue carrière. Dans sa frénésie de développement de nouveaux chasseurs l’URSS avait trouvé celui qui allait mettre tout le monde d’accord : le Tupolev I-4. Il remplaça les I-2 et I-3 en première ligne dès 1933. Quelques chasseurs Polikarpov cependant demeurèrent en service dans la région de Vladivostok jusqu’en 1935 et leur remplacement par des I-5 du même avionneur.
En six ans de service l’I-3 ne fut jamais engagé au feu.
À l’été 1929, à la demande expresse des VVS, le bureau d’étude Polikarpov fit voler une version biplace désignée DI-2. L’envergure avait été légèrement agrandie mais la place des deux cockpits était des plus réduites. Surtout la structure n’ayant pas été pensée pour cela elle se fissura durant le troisième vol d’essais, arrachant littéralement l’empennage. Le prototype s’écrasa tuant sur le coup ses deux membres d’équipage. Le programme de transformation en biplace de l’I-3 s’arrêta net. Le DI-2 ne connut aucune suite.
S’il n’a pas l’aura de ses successeurs de légende que sont les Polikarpov I-15 et I-153 l’I-3 n’en demeure pas moins un chasseur plutôt efficace. Il est surtout le premier monoplace construit en série par son avionneur. Il ne fut par contre jamais exporté. Le musée central des forces aériennes de la fédération de Russie de Monino près de Moscou conserve un exemplaire qui en réalité a été reconstruit dans les années 1970 à partir d’éléments provenant de plusieurs I-3 différents. C’est le seul connu pour avoir atteint le 21e siècle.
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