Après l’article sur les avions dédiés aux missions Air Force One, en voici un autre traitant des hélicoptères présidentiels américains. Qui n’a pas déjà vu les images d’un hélicoptère vert et blanc se posant sur la pelouse de la Maison Blanche pour transporter le Président ? Le président sortant Joe Biden montera une dernière fois à bord d’un tel hélicoptère en janvier prochain, pour laisser place au nouveau locataire de la Maison Blanche. L’occasion est donc belle pour vous proposer un album de famille des hélicoptères ayant assumé cette mission particulière au fil des ans. Non pas pour honorer l’un ou l’autre président, mais plutôt les hommes et les femmes qui, dans l’ombre, en assurent le bon fonctionnement.
Bien que l’armée américaine ait adopté l’hélicoptère durant la Deuxième Guerre mondiale, les problèmes de sécurité ont conduit les services secrets à interdire au Président de voler à bord de ces frêles aéronefs. Cette politique a toutefois changée au cours de la décennie suivante, car l’escalade de la Guerre froide a augmenté les probabilités de devoir évacuer d’urgence le Président, en cas d’attaque nucléaire. Les responsables ont finalement opté pour des appareils Bell H-13J Ranger affectés à l’US Air Force. Le 12 juillet 1957, Dwight D. Eisenhower fut le premier Président américain à voler dans un hélicoptère, lorsqu’il a été transporté de la Maison Blanche à Camp David. Ce n’était toutefois pas la première fois que Eisenhower s’envolait dans un hélicoptère. En tant que commandant en chef de l’OTAN (1951-1952), il avait accumulé de nombreuses heures de vol en hélicoptère pour inspecter les troupes et les installations en Europe occidentale. Aujourd’hui, deux H-13J présidentiels sont préservés, l’un au National Air and Space Museum à Washington D.C., et l’autre au National Museum of the United States Air Force en Ohio.
En septembre 1957, le président Dwight D. Eisenhower était en vacances à sa résidence d’été de Newport, au Rhode Island, lorsque sa présence immédiate fut requise à la Maison Blanche. Un hélicoptère Sikorsky HUS-1 Seahorse de l’US Corps of Marines fut dépêché d’urgence à cette fin. Impressionné par les performances de l’appareil, et trouvant le Bell H-13J trop petit et lent, Eisenhower exigea un hélicoptère de plus grand gabarit. L’USAF ne disposant que d’hélicoptères légers, le Pentagone fut contraint de regarder ailleurs. Seuls l’US Army et l’US Marine Corps alignaient des hélicoptères répondant davantage aux attentes du Président. Une solution à deux volets fut mise en place au début de 1958. Déjà doté de nouveaux Sikorsky HUS-1, l’escadron expérimental d’hélicoptères des Marines, basé à Quantico en Virginie, se vit confier la tâche de transporter le Président. Utilisatrice du Sikorsky H-34 Choctaw (en fait le même type d’hélicoptère que celui des Marines), l’armée mit sur pied l’Executive Flight Detachment, basé à Fort Belvoir en Virginie. Pour éviter l’apparence de favoritisme, Eisenhower a décidé d’alterner les vols entre chacun de ces services. Ces hélicoptères présidentiels furent dotés d’un intérieur considérablement amélioré, avec insonorisation et équipements de communication sécurisés. Les améliorations ultérieures comprenaient aussi l’ajout de flotteurs escamotables sur les roues en cas d’amerrissage d’urgence, un système de climatisation rudimentaire et des toits peints en blanc pour éviter la surchauffe des appareils au soleil. Conséquemment, ces hélicoptères furent rapidement surnommés White Top, une tradition qui perdure encore aujourd’hui. Désignés VH-34C, ces hélicoptères prenaient l’indicatif d’appel Army One ou Marine One, lorsque le Président montait à bord de l’un ou l’autre.
C’est sous l’administration du président John F. Kennedy que le Sikorsky VH-3A commença à prendre la relève comme hélicoptère présidentiel. Malheureusement, le jeune président n’eut pas le temps de profiter longtemps de ce nouvel hélicoptère. C’est un VH-3A qui rapatria sa dépouille vers la Maison Blanche, suite sa descente du Boeing VC-137C qui revenait de Dallas où il fut assassiné. Un exemplaire du VH-3A est exposé au National Naval Aviation Museum à Pensacola en Floride.
En 1976, sous la présidence de Gerald R. Ford, l’US Corps of Marines obtint l’exclusivité du transport héliporté présidentiel. Il faut dire que Ford avait servi dans la marine sur un porte-avions durant la Deuxième Guerre mondiale. C’est aussi en 1976 que la modernisation de la flotte présidentielle s’initia avec la venue des nouveaux Sikorsky VH-3D qui deviendront pleinement opérationnels durant le mandat du président Jimmy Carter.
Durant le mandat du président Ronald Reagan, la flotte des imposants VH-3D fut complétée par l’ajout de discrets hélicoptères légers Bell VH1-N, dérivés du Bell 212. Ces petits hélicoptères auraient auparavant servi à transporter les présidents Richard Nixon et Gerald Ford, mais sous l’administration Carter ceux-ci furent entreposés dans le désert de l’Arizona. C’est sous l’administration Reagan qu’il sortirent de leur retraite imposée pour reprendre du service. Qualifiés de limousine des Huey, avec leur aménagement intérieur de luxe, les VH-1N servirent à l’occasion lors des déplacements du Président à l’étranger, car faciles à transporter par avion cargo. Un appareil VH-1N restauré est conservé au Battleship Memorial Park à Mobile en Alabama, où se côtoient l’imposant cuirassé USS Alabama et un musée aéronautique.
En 1988, durant la période de transition entre les présidents Ronald Reagan et Georges H.W. Bush, la flotte présidentielle fut bonifiée avec l’ajout d’appareils Sikorsky VH-60N White Hawk servant aux côtés des VH-3D. Bien qu’il soit un peu moins spacieux que le VH-3D, l’avantage majeur du VH-60N est justement sa plus petite taille qui facilite grandement son transport dans un avion cargo Boeing C-17 Globemaster III. Lorsque le Président voyage hors de la région de Washington, que ce soit au niveau national ou international, ses hélicoptères et limousines blindées le précèdent. Mentionnons que les hélicoptères présidentiels volent toujours en groupe de trois à cinq appareils, l’un transportant le Président et les autres servant de leurres en cas d’attaque. Encore de nos jours, il n’est pas rare de voir voler en conserve des VH-3D et VH-60N. Inutile de dire que les petits VH-1N furent déclassés par les VH-60N.
Les VH-3D et VH-60N ont fait l’objet d’améliorations périodiques au fil des ans, mais les attentats terroristes du 11 septembre 2001 sur le sol américain, ont incité le Pentagone à accélérer les efforts pour mettre en service des hélicoptères de remplacement. Lancé en 2002, sous le mandat du président George W. Bush, le programme VXX visait à acquérir 28 nouveaux hélicoptères devant notamment être dotés d’un blindage balistique, de systèmes de brouillage radar et de déception pour esquiver les missiles antiaériens, d’une électronique renforcée contre les impulsions électromagnétiques nucléaires et de systèmes de télécommunication et de vidéoconférence cryptés. En 2005, la proposition du Lockheed Martin VH-71 Kestrel fut retenue face à ses compétiteurs. La cellule de base du Kestrel était en fait celle du Agusta-Westland AW101. Face à l’explosion des coûts, ce programme fut toutefois annulé en 2009 sous l’administration de Barack Obama après la livraison des neuf premiers VH-71 utilisés pour les essais en vol. Ces appareils furent rapidement mis au rancart jusqu’en 2013, lorsque le Canada se porta acquéreur de ce lot à rabais, pour soutenir sa flotte de CH-149 Cormorant. En 2022, le Canada annonçait que trois des ex VH-71 seraient transformés en hélicoptères de recherche et sauvetage, les autres servant déjà de gisement de pièces détachées. Un changement de rôle drastique pour ce qui aurait pu devenir le premier hélicoptère d’origine européenne à transporter des présidents américains !
Peu de temps après l’annulation du programme Kestrel, le processus de remplacement des VH-3D et des VH-60N fut relancé. En août 2013, toutes les entreprises intéressées, s’étaient retirées de l’appel d’offres, à l’exception de Sikorsky Aircraft. Sikorsky s’était associé à Lockheed Martin et proposait d’utiliser son S-92 Superhawk comme cellule de base. En mai 2014, Sikorsky se vit confier un contrat pour la fabrication d’un premier lot de six hélicoptères présidentiels, désignés Sikorsky VH-92A Patriot. Décidé lors du deuxième mandat présidentiel de Barack Obama, la flotte de VH-92A devait être en service en 2023.
Le vol inaugural du premier VH-92A sous l’indicatif d’appel Marine One n’eut toutefois lieu que le 19 août 2024, lorsque le président Joe Biden s’est rendu de l’Aéroport international O’Hare de Chicago vers la Convention nationale démocrate de 2024, durant laquelle fut couronnée Kamala Harris comme candidate présidentielle. Vous connaissez le reste de l’histoire. À la même date, l’US Marine Corps acceptait la livraison du dernier des 23 appareils VH-92A commandés. Un tel nombre d’hélicoptères peut sembler exagéré pour le transport du Président, mais il faut savoir qu’ils servent aussi pour le déplacement du Vice-Président sous l’indicatif d’appel Marine Two. Aussi, d’autres haut membres de l’exécutif ont également le privilège de voler à bord des hélicoptères présidentiels.
Ce sera donc durant la deuxième administration Trump que la flotte d’appareils VH-92A remplacera les vénérables VH-3D et VH-60N. Depuis juin 2024, un VH-3D est déjà exposé au George H. W. Bush Presidential Library and Museum, au Texas. D’autres exemplaires du légendaire VH-3D vont certainement être exposés dans d’autres musées. Plus récents, la plupart des VH-60N poursuivront sans doute une seconde carrière moins prestigieuse.
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Une réponse
Toujours très intéressant comme article Marcel, bravo. Par contre je me dis que quand tu vas t’attaquer à Army One et à Navy One tu risques de galérer. Et encore je ne parle pas de Coast Guard One… qui n’est à ma connaissance que théorique.