S’il marqua la Première Guerre mondiale avec des chasseurs comme le F.B.5 Gunbus ou le F.B.19 Bullet l’avionneur britannique Vickers eut plus de mal durant l’entre-deux-guerres. Ses productions militaires étaient souvent innovantes mais aussi à contrecourant d’un certain conservatisme existant alors au sein de l’Air Ministry. Ses productions firent bien souvent progresser la connaissance aéronautique sans pour autant connaître le succès commercial et donc industriel. L’un des exemples les plus frappants fut le prototype de chasseur monoplace Type-151 Jockey.
Au milieu des années 1920 la Royal Air Force était la force aérienne numéro 1 en Europe. Sa doctrine d’emploi de la chasse était alors très claire : protéger l’espace aérien souverain de la Grande Bretagne et de l’Irlande du Nord. Les derniers reliquats de la Première Guerre mondiale avaient été balayés et elle comptait bien n’utiliser que des avions dernier cri. C’est dans cette optique que la Specification 20/27 fut émise à l’automne 1927. Produire le nouveau chasseur standard de la RAF était un défi auquel plusieurs avionneurs comptaient candidater.
Armstrong Whitworth, Bristol, De Havilland, Fairey, Hauwker, Saunders, Vickers, et Westland y répondirent avec chacun des appareils très différents. Les avant-projets allaient du classique biplan à des monoplans plus audacieux, et de l’avion totalement nouveau à une évolution de chasseur existant déjà à l’image du Bulldog Mk-II. Il était évident que la Specification 20/27 allait être disputée.
Vickers avait, comme ses concurrents De Havilland et Westland, fait le choix du monoplan à aile basse. Son avion désigné Type-151 et baptisé Jockey allait voir sa conception placée sous l’égide des ingénieurs chefs Barnes Wallis et Rex Pierson.
Depuis plusieurs mois l’avionneur britannique avait acquis en France les droits d’exploitation industrielle des brevets de construction aéronautique en alliages légers inventés par Michel Wibault. La société Wibault Patents Ltd avait même été montée spécialement pour cela à Londres dans le quartier de Westminster où Vickers possédait ses bureaux d’études. Après avoir construit sous licence le Wibault Wib.7 sous licence sous le nom de Vickers Wibault Scout le constructeur comptait bien exploiter cette ressource pour son propre compte. Le Type-151 Jockey allait lui en donner l’occasion.
Son avion allait donc être un monoplan à aile basse construit en alliages légers. Il posséderait un poste de pilotage à l’air libre et un train d’atterrissage classique fixe à large voie. Quelques mois avant ce Type-151 Jockey Vickers avait construit et fait voler un premier démonstrateur technologique appelé Type-125 Vireo qui avait pleinement démontré que les ingénieurs britanniques avaient assimilé les méthodes de travail de leurs homologues français. Le futur chasseur comptait bien en apporter la preuve de manière opérationnelle. Afin de le motoriser Vickers fit appel à rien moins que le Bristol Mercury Mk-IIA, un des moteurs à neuf cylindres en étoile parmi les plus répandus à cette époque au Royaume-Uni. Il développait 480 chevaux et animait une hélice bipale en bois. Pour tout armement le Jockey allait emporter deux mitrailleuses de calibre 7.7 millimètres développées par… Vickers.
Son prototype réalisa son premier vol le 16 avril 1930. Bien que fondamentalement encore réticente à employer des monoplans la Royal Air Force s’annonça impressionnée par l’ingéniosité de ce Vickers Type-151 Jockey. Les ingénieurs militaires se déclarèrent en particulier très intéressés par le mécanisme d’activation des charnières du berceau moteur qui permettait d’accéder au Bristol Mercury Mk-IIA sans avoir à débrancher ni les alimentations électriques et hydrauliques ni même le système de synchronisation des mitrailleuses. Un tel équipement allait faciliter le travail des mécaniciens. Pour autant l’avion n’était pas dénué de défauts. Et en premier lieu il était trop souple, occasionnant des oscillations de la partie arrière du fuselage. Ensuite il était sous-motorisé. Afin de remédier à ce second point mais aussi aux problèmes de rigidité défaillante le Jockey fut modifié. Un Bristol Jupiter Mk-VIIF de 530 chevaux fut greffé en lieu et place du Mercury Mk-IIA.
Les essais en vol reprirent en février 1932. Déjà la Royal Air Force avait choisi de commander le Bristol Bulldog Mk-II et surtout l’impressionnant Hawker Fury Mk-I sans pour autant refermer la porte à ce petit monoplan plein de promesses. Celles-ci ne furent jamais concrétisées. En effet alors que Rex Pierson venait de préconiser l’emploi d’un moteur turbocompressé le prototype s’écrasa à l’issue d’une sortie de vrille à plat. Son pilote d’essais fut tué sur le coup. Le Vickers Type-151 Jockey était détruit. La RAF lui tourna le dos, comme elle le fit pour les autres compétiteurs, monoplans et biplans confondus.
Avec ce Vickers Type-151 Jockey la Royal Air Force découvrit la méthode industrielle de l’ingénieur français Michel Wibault adaptée à ses besoins. Elle fit preuve d’un pragmatisme certain, sans doute mêlé d’un peu de conservatisme, en adoptant deux biplans et aucun monoplan. Il faut savoir en outre que le concurrent de Fairey connut la production en série en Belgique sous le nom de Firefly IIM. Le Type-151 Jockey donna naissance au prototype de chasseur Type-279 Venom répondant à la Specification 5/34.
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