Aéropistage et aéropisteur ?

Qui dans son entourage ne connaît pas un passionné d’ornithologie ? Ces maniaques n’hésitent pas à se lever avant l’aurore et même braver le froid mordant de l’hiver pour observer et photographier des oiseaux sauvages. Reconnaissables à leur tenue de camouflage, et à leurs caméras dotées de téléobjectifs démesurés, ils traquent patiemment leurs « proies » pour les croquer sur le vif. Les plus toqués de cette confrérie vont même parcourir des centaines de kilomètres pour aller photographier une espèce rare, qualifiée de primecoche (Lifer en anglais) dans leur jargon. Bien que je sois un amant de la nature, je n’ai heureusement pas (encore) attrapé ce virus qui affecte l’un de mes amis.

Mais attention ! Vous pourriez facilement confondre un ornithologue avec un aéropisteur qui pratique l’aéropistage. Tous deux ont les yeux tournés vers le ciel, mais l’un s’intéresse à la faune ailée et l’autre aux aéronefs. Deux indices pour les différencier: pas de tenue de camouflage pour les aéropisteurs qui se tiennent à proximité d’aéroports, plutôt que dans les milieux naturels.

La plupart d’entre-vous aurez reconnu le « Spotter » qui pratique le « Plane Spotting », termes anglophones qui désignent ces aérophiles (mot inventé par notre ami Arnaud). À mon tour, je vous propose deux néologismes pour remplacer ces mots anglais par des termes francophones. Je sais, certains préfèrent utiliser des termes anglophones croyant que cela fait plus « cool ». Mais au Québec, on aime bien inventer des mots pour enrichir le vocabulaire français !

L’origine du terme « Plane Spotters » remonte à la Seconde Guerre mondiale. Durant la Bataille d’Angleterre, le réseau de stations radar, complété par environ 30000 volontaires civils regroupé au sein de l’Observer corps, permettait de surveiller le ciel et de lancer l’alerte à l’approche des bombardiers allemands. Tout autant que les chasseurs Spitfire et Hurricane, ce dispositif de surveillance a permis de remporter la victoire sur la Luftwaffe.

Plane spotters de l’Observation Corps / Angleterre

L’aéropisteur moderne est un passionné d’aviation parcourant les terrains d’aviation pour observer, répertorier et prendre des photos d’aéronefs. Tout comme les ornithologues, ils tiennent à jour leur carnet d’observations, toujours à la recherche d’un modèle rare ou inusité pour enrichir leur collection. Selon les aéroports, les aéropisteurs sont soit interdits pour des raisons de sécurité, soit bienvenus avec des aires spécialement aménagées à cette fin. À Bruxelles, par exemple, une terrasse-restaurant leur est accessible. À Barcelone des plateformes ont été créées pour leur permettre de prendre des photos sans grillages. Au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada les « spotters » sont même intégrés dans les plans de sécurité de plusieurs aéroports. Par exemple à l’Aéroport international Trudeau (YUL) de Montréal, les aéropisteurs peuvent adhérer de façon volontaire à une formation de base à cet effet. De plus, ils disposent d’une aire spécialement aménagée à pour assouvir leur passion, soit le Parc Jacques-de-Lesseps.

Hiver comme été, Parc Jacques-de-Lesseps, YUL Montréal

Ailleurs, les aéropisteurs sont tolérés en bordure des aéroports, comme c’est le cas à Québec. Cela va toutefois changer prochainement, suite à l’annonce d’un plan de réaménagement du boulevard de l’Aéroport qui doit comprendre l’aménagement d’une aire d’observation pour leur faciliter la vie. Lorsque j’emprunte ce boulevard, j’ai bien remarqué ces aérophiles faisant le pied de grue à l’extrémité de la piste principale de l’Aéroport international Jean-Lesage (YQB). Sur un minuscule stationnement en gravier, coincés entre le boulevard et une haute clôture de sécurité, on comprend que les aéropisteurs étaient jusqu’à récemment négligés par les autorités aéroportuaires de Québec.

YQB, Québec: on se débrouille avec les moyens du bord !

Regroupés depuis 2007 au sein de l’association YQB Aviation, il semble bien que les représentations de ce groupe de passionnés va prochainement porter fruit. Par la grande diversité des aéronefs fréquentant l’aéroport de Québec, c’est pourtant un petit paradis pour les aéropisteurs. Ils peuvent aussi bien y observer des gros porteurs, des avions de transport régional, des avions de tourisme et même les bombardiers d’eau du Service aérien du Gouvernement du Québec. Aussi, nombre d’aéronefs militaires y font escale, dû à la proximité de BFC Valcartier où logent les membres de l’illustre Royal 22ème Régiment ainsi que ceux du 430ème Escadron tactique d’hélicoptères de l’Aviation royale canadienne.

Le terme aéropisteur me semble particulièrement approprié pour la très francophone ville de Québec, berceau de l’Amérique française. Les néologismes ne sont pas l’apanage des seuls linguistes. Ils émergent le plus souvent dans la langue commune, avant de se frayer un chemin vers les dictionnaires et les académiciens. Alors, il n’appartient qu’à nous de franciser davantage le domaine aéronautique, un ou deux mots à la fois. C’est le défi auquel je vous convie !


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ARTICLE ÉDITÉ PAR
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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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