Contrairement à une idée reçue encore très répandue l’industrie aéronautique soviétique a toujours su faire preuve de pragmatisme et non de dogmatisme. Le régime marxiste du Kremlin était à fond dans le dogme communiste, tandis que sur le terrain les fonctionnaires qui appliquaient les directives pouvaient l’être beaucoup moins. L’un des aspects aéronautiques les plus flagrants fut le développement des avions d’entraînement militaire et plus particulièrement ceux dédiés à la transformation opérationnelle. Contrairement à ce qui se passait à l’Ouest un seul sous modèle d’avion pouvait parfois former les pilotes destinés à voler sur deux voire trois modèles différents. L’un des exemples les plus frappants fut le Mikoyan-Gurevich MiG-21U Mongol.
L’apparition en 1959 du chasseur Mikoyan-Gurevich MiG-21 Fishbed fut une véritable claque pour l’OTAN et ses différents états-majors. Pour la première fois l’Union Soviétique allait disposer d’un chasseur supersonique capable de rivaliser avec les meilleurs avions de l’US Air Force qu’étaient alors les Convair F-102 Delta Dagger et Lockheed F-104 Starfighter.
En URSS aussi cet appareil amena une réflexion nouvelle. Il était évident aux ingénieurs de Mikoyan-Gurevich qu’une version biplace en tandem à double commande devait être développée et construite en série. Le principal avion d’entraînement avancé et de transformation opérationnelle était alors le MiG-15UTI Midget, une machine totalement dépassée par les capacités du nouvel aéronef.
En fait le retour d’expérience de la formation avancée des pilotes de MiG-19 Farmer, pour lequel aucun biplace d’entraînement n’avait été conçu, fut essentiel. Moscou ne referait pas deux fois la même erreur. Les ingénieurs choisirent le Ye-6T, le prototype de la version MiG-21F Fishbed-B, comme base de travail. Un exemplaire fut produit sur lequel le cockpit du pilote fut légèrement avancé afin de permettre de caler le second, celui de l’instructeur.
Désigné Ye-6U ce premier appareil de présérie réalisa son vol inaugural en mars 1960. Immédiatement Moscou passa commande pour 200 exemplaires dérivés du MiG-21F-13 et baptisé MiG-21U, pour Uchebnyy ou entraînement en français. Les premiers d’entre eux entrèrent en service en décembre de la même année. L’URSS possédait pour la première fois un avion supersonique de transformation opérationnelle !
L’OTAN avait repéré son développement durant l’été 1960 et avait immédiatement compris qu’il ne s’agissait pas d’un chasseur mais bien d’un jet d’entraînement. Le MiG-21U avait reçu le nom de code de Mongol auprès des Occidentaux. Les livraisons allaient bon train et le biplace en tandem remplissait les unités soviétiques. Pourtant au début des années 1960 il s’avéra nécessaire de le faire évoluer. C’est pourquoi apparurent les MiG-21US et surtout MiG-21UM, respectivement désignés Mongol-B et Mongol-C par l’alliance Atlantique. Le premier avait été pensé afin d’être le plus aérodynamique possible et de permettre d’augmenter sensiblement la vitesse de croisière de l’avion jusqu’à frôler Mach 2. Il formait les futurs pilotes de MiG-21PF Fishbed-D. Le second répondait à une logique identique mais autour du MiG-21M Fishbed-J. À la toute fin des années 1960 le MiG-21U Mongol et ses deux sous-versions avaient formés plus de 10 000 pilotes dans le monde entier.
Car la réussite véritable de cet avion était qu’il accompagnait chaque programme d’exportation du MiG-21 Fishbed. Ainsi on retrouva des Mikoyan-Gurevich MiG-21U Mongol dans le monde entier. Ils volèrent (ou volent encore) sous les cocardes afghanes, algériennes, allemandes, angolaises, azéries, bangladaises, biélorusses, bissao-guinéennes, bulgares, burkinabées, cambodgiennes, congolaises, croates, cubaines, est-allemandes, égyptiennes, érythréennes, éthiopiennes, finlandaises, géorgiennes, guinéennes, hongroises, indiennes, indonésiennes, irakiennes, iraniennes, kirghizes, laotiennes, libyennes, malgaches, maliennes, mongoles, mozambicaines, namibiennes, nigérianes, nord-coréennes, ougandaises, polonaises, roumaines, russes, serbes, slovaques, somaliennes, soudanaises, soviétiques, syriennes, tchécoslovaques, tanzaniennes, tchèques, turkmènes, ukrainiennes, vietnamiennes, yéménites, yougoslaves, zaïroises, et enfin zambiennes.
En fait aussi bien en Afrique qu’en Asie le MiG-21U et ses dérivés furent souvent le premier avion supersonique sur lequel volèrent les pilotes locaux. Et la Chine dans tout ça ?
Comme souvent dans leur histoire commune de la guerre froide Moscou et Pékin s’entendirent afin que la première cède une licence de production à la seconde. Le Mikoyan-Gurevich MiG-21U Mongol n’y fit pas exception. Cependant ce n’est qu’en 1982 avec le réchauffement des relations sino-soviétiques que le premier Chengdu JJ-7 fut produit. Ils permit ainsi de former les pilotes de J-7 Fishcan. Son prototype vola à l’été 1984 et ne fut pas identifié immédiatement par l’OTAN. Il fallut attendre le printemps 1985 pour qu’enfin la désignation de Mongol-D fasse son apparition. À l’export cet avion était proposé sous la désignation de FT-7. Des exemplaires furent achetés par des pays aussi différents que le Bangladesh, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Myanmar, la Namibie, le Pakistan, le Sri Lanka, la Tanzanie, et le Zimbabwe. Il n’était pas rare de retrouver des FT-7 dans des pays utilisant déjà des MiG-21US ou UM. Au début des années 1990 l’avionneur chinois Chengdu sortit, pour les besoins de son pays, le JJ-7A doté d’une avionique dernier cri et notamment d’un collimateur tête haute jusque là absent sur les avions produits en Asie. Seuls le Bangladesh et le Zimbabwe firent l’acquisition chacun de deux exemplaires de cette sous-version.
En URSS le Mikoyan-Gurevich MiG-21U Mongol n’assura pas la transformation opérationnelle que des pilotes de MiG-21 Fishbed. Il le fit aussi de 1960 à 1966 aux profits des pilotes de Sukhoi Su-7 Fitter, en fait jusqu’à l’apparition du Su-7U Moujik. Les avions expérimentaux de la série Ye-152 Flipper virent aussi leurs pilotes s’entraîner sur MiG-21U. Jusqu’à l’apparition en 1976 des biplaces en tandem Su-15UM Flagon-G c’est là encore le Mongol qui fut employé afin de former les futurs pilotes de Sukhoi Su-15 Flagon.
Presqu’aussi répandu que sa version monoplace de chasse le Mikoyan-Gurevich MiG-21U Mongol demeure un des grands biplaces en tandem de transformation opérationnelle. Un de ses rares équivalents dans le monde est le Dassault Mirage IIIB français. Comme lui l’avion soviétique sut toujours remplir des missions secondaires de défense aérienne, voire d’attaque au sol. Le samedi 22 mai 1965 c’est à bord d’un des cinq Ye-6U de présérie que la pilote d’essais Natalia Abramovna Prokhanova établit son record du monde féminin d’altitude, à 24 336 mètres dans la catégorie C-1 reconnue par la Fédération Aéronautique Internationale. Son avion a été préservé à Moscou.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.