La France va t-elle tourner le dos au Canadair 515 ?

Acquérir une flotte d’avions bombardiers d’eau cela engage la Sécurité Civile pour au moins trente ans. La semaine dernière le ministère de l’Intérieur a validé deux lettres d’intentions autour du remplacement à la fois des Bombardier CL-415 mais aussi des Bombardier Dash 8-Q400MR tous deux de facture canadienne. Et ô surprise aucune ne concerne le Canadair 515 de l’avionneur De Havilland Canada mais plutôt deux entreprises françaises avec des projets plus ou moins avancés. L’idéologie va t-elle ici l’emporter sur le pragmatisme ?

Les Canadair comme on les appelle par métonymie existent en fait dans l’arsenal aérien de la Sécurité Civile depuis bien avant les actuels CL-415. Ils remontent en effet aux CL-215, produits à l’époque par… Canadair ! C’est donc une histoire de fidélité entre l’industrie aéronautique canadienne et les pompiers volants français. Enfin c’est ce qu’on pouvait espérer. Et jusque là c’était ce qui semblait être envoyé comme signaux depuis la place Beauvau, siège parisien du ministère de l’Intérieur. Sauf que depuis quelques jours il y a un nouveau locataire et qu’il n’est pas impossible que celui-ci ait voulu imprimer sa marque vis-à-vis de son prédécesseur. Je rappelle que messieurs Darmanin et Retailleau, l’ancien et l’actuel ministre de l’Intérieur, proviennent de la même formation de droite. Ils ne sont pas adversaires politiques et devraient donc en théorie avoir des visions assez similaires de la guerre contre les feux de forêts. Et pourtant l’affaire de ces deux lettres d’intentions montrent l’inverse.

Jusque là les signaux de Beauvau montraient une France s’alignant logiquement sur ses partenaires européens du programme rescUE et s’orientant donc vers le Canadair 515. On parlait alors d’un contrat européen groupé permettant des économies substantielles. Et ce malgré l’existence (assez relative à ce moment là) de deux projets concurrents, l’un belge et l’autre français. Désormais celui-ci n’est plus à l’ordre du jour et ce fameux projet français d’avion amphibie bombardier d’eau aurait les faveurs du nouveau ministre de l’Intérieur et de ses équipes.

L’Hynaero Frégate F-100 revient donc très fort. Sur le papier ce projet est ambitieux avec sa capacité d’emport de dix tonnes d’eau, donc bien supérieure aux sept tonnes et demi annoncées du Canadair 515. Par ailleurs l’amphibie français posséderait une capacité à être transformé en appareil de transport de personnels, comme peuvent l’être les Dash 8 de la Sécurité Civile quand ils n’emportent pas leur réservoir d’attaque du feu. Si on ignore encore la nature des turbopropulseurs employés l’industriel, implanté à Mérignac, indique que son avion sera doté d’une avionique high tech avec notamment des commandes de vol électrique ainsi qu’un HUD. La Frégate F-100 a donc sur le papier tout de l’avion bombardier d’eau du 21e siècle. Comme son concurrent canadien il n’existe pas encore physiquement mais après cette lettre d’intentions des autorités françaises il a toutes les chances de le devenir.

La deuxième lettre d’intentions justement concerne une entreprise française, sise à Paris, qui n’est pas inconnue des plus fidèles de nos lectrices et lecteurs : Keppler Évolutions. C’est celle-ci qui en 2020 proposait le système KIOS, une sorte de MAFFS à la française capable de transformer un avion de ligne Airbus A310 en bombardier d’eau gros porteur. Cette fois ci c’est un projet moins ambitieux qui intéresse le ministère de l’Intérieur : le KE72 Forrest Keeper. Il s’agit en fait d’adapter un avion de ligne court-courrier ATR-72 en avion bombardier d’eau. Selon l’industriel un tel avion est apte à l’attaque du feu avec une capacité de 7500 litres d’eau et/ou de retardant. On remarquera au passage que c’est moindre que le Dash 8-Q400MR actuellement en dotation dans les rangs de la Sécurité Civile.

Attention une lettre d’intentions ce n’est pas une commande ferme. Il est évident que les gens de chez Hynaéro et de chez Keppler Évolutions le savent. Par pur pragmatisme, et peut être aussi un peu par réalisme industriel, il aurait été intéressant que le ministère de l’Intérieur ait la même démarche envers De Havilland Canada. La compétition aurait ainsi été plus juste. Quoiqu’il en soit, et même si cette Frégate F-100 semble très ambitieuse la France risque dans quelques années de se démarquer de ses partenaires si elle utilise un avion amphibie bombardier d’eau différent de la Croatie, de l’Italie, ou encore du Portugal.

Affaire à suivre.

Illustration © Hynaéro.


En savoir plus sur avionslegendaires.net

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

PARTAGER
ARTICLE ÉDITÉ PAR
Image de Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
articles sur les mêmes thématiques
Commentaires

8 Responses

  1. J’aime pas Retailleau il est nul comme ministre de l’intérieur il ne sait que taper sur les immigrés. Ca ne m’étonne pas qu’il fasse des trucs aussi nuls. Il aurait vraiment mieux fait de commander le DHC-515 mais non il a du vouloir faire plaisir à un de ses potes avec cette Fregate. J’ai peur que nos vieux CL-415 ne soient pas encore remplacés dans 10 ans. Retailleau est un type de droite à l’ancienne l’environnement il y connait rien.

    1. Rebecca, si on analyse les 2 projets, ils n’en sont qu’au stade de la planche à dessin?
      Donc choisir Canadair ou Hynaero, les délais avant livraison du premier appareil seront sensiblement les même !
      Par contre la proposition de Keppler est je pense plus rapidement disponible. Donc a voir si on commence par quelques kit Keppler pour patienter pour ensuite commander l’amphibie que l’on aura choisis.

    2. Retailleau réfléchit surtout à une solution française en tant qu’homme de droite. Est-ce de la démagogie politique ou est-ce bien réfléchi ? En tous les cas c’est sûr que ça doit pas être l’écologie qui motive ce genre de bonhomme en général…
      Néanmoins, sur le principe, je pense que l’industrie aéronautique française est tout à fait capable de concevoir et produire un excellent modèle de bombardier d’eau. On est pas plus bêtes que les canadiens. Et surtout, il faut bien avoir à l’esprit que ce marché va devenir de plus en plus important (malheureusement) à cause du réchauffement climatique. Donc si on se débrouille bien, un modèle français peut parfaitement tenir la route. Reste qu’on a déjà pas beaucoup de sous à investir en France…

    3. Le commentaire du dénommé Leblanc a été modéré par mes soins. Les incitations à la haine et à la violence n’ont pas leurs places sur nos pages.

  2. L’avantage d’avoir une flotte uniforme sont les économies à l’achat.

    L’avantage d’avoir des aéronefs différentes, et que lorsqu’une panne critique est identifiée, on n’immobilise pas toute la flotte.

  3. Bonjour,

    J’espère qu’on ne va pas essayer de réinventer la roue.

    L’urgence climatique est là à notre porte.

    Les canadiens savent faire et bien même.

  4. Si le pragmatisme, synonyme d’efficacité, était une vertu de nos décideurs politiques, ça se saurait.
    Ce n’est en tout cas pas leur vertu la plus évidente de ces 40 dernières années…
    Encore une fois on va avoir droit aux rodomontades bien franchouillardes sur le « produisons français et achetons français!!! »
    Et si on achète du Canadair, et bien les canadiens nous achèterons notre Cognac et notre Roquefort et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.
    Le problème n’est pas de savoir si on sait faire un tel avion, mais plutôt à quel coût, avec quels délais et sur quel marché potentiel. Le reste est de la littérature.
    Et comme de toutes façons nos poches sont vides, on va y être contraint au pragmatisme.
    Pour ma part, je considère que ce marché des bombardiers d’eau doit se considérer à l’échelon de l’Europe, et notamment des pays du sud dont nous faisons partie.
    Je sais bien que nous sommes trop « bourrins » pour concevoir et/ou accepter le concept d’une défense européenne au nom de notre pseudo indépendance nationale (qui finira bien un jour ou l’autre à se traduire en isolement national) mais qu’au moins nous ayons l’intelligence de concevoir avec nos voisins du sud une véritable force de frappe contre des méga-feux qui chaque années prennent une ampleur inégalée.
    Alors peu importe qui le fabrique, pourvu que cet avion soit le moins cher, le plus efficace, qu’il soit jaune et rouge et qu’il largue ses tonnes de flotte où c’est nécessaire.

  5. Salut Arnaud et les Passionnés,
    Bon, je vais tout de suite mettre les Pieds dans le Plat ou sur les Palonniers, mais en ce qui me concerne je n’ai aucun scrupule, au contraire, à ce que la Sécurité Civile s’équipe avec du matériel « français », quitte à « piquer » le marché à De Havilland Canada, qui pensait disposer d’une rente de situation ad vitam aeternam. Et justement, c’est peut-être ce qui va causer la perte du marché de renouvellement des CL-415 français, et européens, voir mondial. Je ne parle pas ici du marché Rescue de l’UE déjà paraphé (12 appareils DHC CANADAIR -515), et auquel sont déjà venus ou vont venir se rajouter des commandes nationales, pour un total d’environ 25 appareils. C’est le minimum que demandait DHC pour relancer la chaine de production à l’arrêt dépuis 2015. Constatant cet arrêt prolongé de la production, l’inévitable besoin de renouvellement des bombardiers d’eau et une société DHC qui fait trainer en longueur les négociations afin de remplir son carnet de commandes, des concurrents notamment français en ont profiter pour proposer 2 projets plus ou moins ambitieux mais réalistes. L’un concerne donc le renouvellement des Bombardier Dash 8-Q400MR et l’autre les CL-415, avion écopeur. En ce qui concerne ce dernier, le projet Hynaero Frégate F-100, est non seulement de proposer un avion supérieur au futur DHC-515, tant en terme de capacités qu’en polyvalence, mais aussi d’assurer une souveraineté à la France et à l’Europe dans ce domaine. En effet les flottes européennes sont composées essentiellement d’avions nord-américains, d’où évidemment une dépendance extra-européenne source non seulement de potentiels mais réels retards, incertitudes et tractations longues et coûteuses…..Une solution européenne qui plus est française faciliterait la maitrise de la production, de la filière spécifique à ce type d’appareils et assurerait des emplois nationaux, des rentrées fiscales, une amélioration de la balance commerciale et des rentrées de devises hors zone euro. Evidemment ce projet n’a d’existence que sur la base de débouchés européens et mondiaux, ce qui en soit est tout fait réaliste au regard du nombre d’appareils non seulement à remplacer mais surtout à accroitre étant donné les conséquences désastreuses du dérèglement climatique en terme d’incendies sur la planète. Rien qu’en Europe, la flotte de Canadair atteint environ 80 appareils et plus de 160 au niveau mondial. Si vous estimez que la flotte devrait augmenter de 30% minimum pour faire face à l’accroissement des incendies sur la planète, on atteint une flotte de 210 appareils ! A 60 millions d’euros l’exemplaire, le marché global commence à faire réfléchir DHC et les…..concurrents de DHC…..Par ailleurs, je ne peux me résoudre à constater que ce sont des subventions européennes et des deniers nationaux qui vont permettre à DHC de financer la reconstruction de ses chaines de production (DHC -515 mais aussi Q400) et leur permettre ainsi de venir concurrencer les projets européens….Pas très vertueux et politiquement correct, surtout dans le contexte actuel de réduction budgétaire et de probable progression du chômage dans les prochains mois et années.
    La réussite d’un projet, c’est d’abord la volonté d’une communauté de décideurs politiques, financiers, techniques de converger vers le même objectif et ceux malgré les obstacles…J’espère que ces derniers iront jusqu’au bout comme l’ont fait de nombreuses fois leurs prédécesseurs lors de grands projets aéronautiques français ou européens.
    Aéronautiquement,

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Sondage

25ème anniversaire, à quelle époque remonte votre première visite d'avionslegendaires ?

Voir les résultats

Chargement ... Chargement ...
Dernier appareil publié

Hawker P.1052 / P.1081

S’il est surtout connu pour ses chasseurs biplans et monoplans à moteurs à pistons l’avionneur Hawker marqua également l’histoire aéronautique avec deux chasseurs à réaction.

Lire la suite...