L’Armée de l’Air et de l’Espace célèbre les 80 ans du « Béarn ».

C’est une unité de l’Armée de l’Air et de l’Espace qui tire donc ses origines des Forces Aériennes Françaises Libres, les prestigieuses FAFL, qui combattirent le Troisième Reich. Né Groupe de Bombardement 1/34 Béarn en octobre 1944 et devenu Groupe de Transport 1/34 Béarn pile un an plus tard il troqua ses Martin B-26B Marauder américains pour des Junkers Ju 52/3 allemands. Aujourd’hui l’Escadron de Transport 4/61 Béarn vole sur le nec plus ultra des avions de transport européens : l’Airbus Defence A400M Atlas. Son nid est la Base Aérienne 123 d’Orléans.

Une fois la menace nazie écartée le Groupe de Transport 1/34 Béarn emmena sa quinzaine de Junkers Ju 52/3, et non d’Amiot AAC-1 Toucan, tenter de sauver les meubles de l’empire coloniale français en Asie. La guerre d’Indochine prouva le côté indestructible du trimoteur allemand mais aussi la suprématie du Douglas C-47 Skytrain américain sur les aviations militaires de l’après-guerre. Le Béarn en fut doté à l’automne 1952. Comme de nombreuses autres unités de l’Armée de l’Air il participa à la bataille de Dien Bien Phu. Au cours de celle ci ses Dakota réaliseront 160 opérations aéroportées, dont 35 de nuit. Désastre pour les armées françaises la cuvette coûtera la vie à une cinquantaine d’hommes de l’unité, mécanos et pilotes confondus. À Dien Bien Phu le Béarn perdra cinq C-47 Skytrain. Trois furent détruits au sol par les tirs de la résistance locale et deux furent abattus.

Junkers Ju 52/3 du Béarn en Indochine.

On aurait pu croire que l’Armée de l’Air aurait appris de ses erreurs. C’est mal connaître les généraux français de l’époque. Ils s’étaient pris une branlée en Indochine ils allaient remettre ça en Algérie. Et là encore les équipages du Béarn allaient être sollicité pour transporter hommes et matériels, et souvent aussi pour les parachuter. Après une courte période de sommeil ses Douglas C-47 Skytrain découvraient le Maghreb. La France n’y avait plus sa place, mais à Paris les décideurs faisaient mine de ne pas s’en rendre compte. Le Groupe de Transport 1/34 Béarn avait vécu. L’Escadron de Transport 1/64 Béarn le remplaçait. Au printemps 1960 la guerre d’Algérie était loin d’être terminée, les pious-pious piaffaient d’impatience de rentrer au pays et de retrouver pour l’un Maubeuge et pour les autres Bray-Dunes, Clichy, Cahors, ou encore Le Tréport. Les appelés du contingent n’étaient pas tous aux anges d’aller se battre pour ce petit bout de France que la France maltraitait tant. Et en ce printemps 1960 le Béarn changeait de monture. Bye bye le Dakota et bonjour le Noratlas. Pour la première fois de son histoire l’unité allait voler sur un avion 100% français. Et pour la dernière par la même occasion. Ce gros bimoteur bipoutre allait devenir un des symboles de l’engagement français en Algérie.

Le Dakota, toute une époque…

Après les accords d’Évian, marquant la fin de la terrible guerre d’Algérie, l’Escadron de Transport 1/64 Béarn rentra dans l’Hexagone. Il retrouva pour un temps son nid, jusque là plus administratif que bien réel, de la Base Aérienne 104 de Dugny, alors dans le département de la Seine. En novembre 1967 cette petite ville n’était pas encore en Seine-Saint-Denis que l’Escadron de Transport 1/64 Béarn la quittait pour rejoindre la Base Aérienne 105 d’Évreux fraichement évacuée par les forces de l’OTAN. D’Île-de-France les N.2501 Noratlas allait découvrir les joies de la Normandie. Il s’agissait en fait d’un (gros) saut de puce d’une centaine de kilomètres seulement. En mai 1968 le ministère de la Défense Nationale charge discrètement le Béarn de réaliser des vols postaux afin de contrer le mouvement de grève. Ce que Paris n’a alors pas compris c’est que parmi les aviateurs de l’unité il y a un grand nombre de pious-piouis, d’appelés du contingent qui y font leur service militaire. Et ce qui devait être une opération discrète se retrouve rapidement sur les ondes de France Inter et dans les colonnes du Canard Enchaîné. Pour la discrétion on repassera. Le Béarn est accusé par les postiers de casser la grève, on pointe du doigt ses militaires en les nommant «jaunes». Ce terme infamant en période de crise sociale s’apparente à de la trahison.

Les années 1970 pour les Noratlas du Béarn seront synonymes d’opérations post-colonialistes, notamment en Afrique. Mais pas que. À l’été 1973 l’Escadron de Transport 1/64 Béarn détache deux de ses bimoteurs vers la Polynésie Française. Problème majeur : celle ci est super loin de la Normandie. Il faudra donc pas moins de quinze étapes aux deux avions pour relier Évreux à Papeete. Ainsi les Noratlas se posent à Istres, Athènes, Ankara, Téhéran, Bahreïn, Dubaï, Karachi, Calcutta, Bangkok, Singapour, Bali, Darwin, Townsville, Brisbane, Nouméa, Nandi, et enfin Pago Pago. Et évidemment rebelotte dans l’autre sens pour rentrer à la maison. Vous imaginez l’état de reins des équipages à la fin ? Car rappelons le, malgré son côté mythique le N.2501 Noratlas était tout sauf l’avion de transport militaire le plus confortable au monde. Il était rustique, et ça cela se payait ! Mais au fait pourquoi à l’été 1973 la France avait t-elle besoin de ces deux avions là-bas ? Depuis sept ans elle menait dans l’archipel des Tuamotu, et plus particulièrement sur les atolls de Fangataufa et de Mururoa des essais d’armes nucléaires. Les avions de l’Armée de l’Air y assuraient le soutien logistique.

Le 25 novembre 1977 le Noratlas numéro 182, appartenant au Béarn, s’écrase alors qu’il réalisait une liaison aérienne militaire entre Toulon et Mont-de-Marsan. L’avion heurte un relief non loin de Béziers. Il n’y a aucun survivant parmi les 28 passagers et quatre membres d’équipage. C’est le pire drame de l’histoire de l’unité depuis Dien Bien Phu. L’enquête démontrera au début de l’année 1980 que le pilote automatique de l’avion était défaillant. Ce drame va accélérer en France la mise à la retraite de la Grise !

L’entrée du Béarn dans le 21e siècle.

Et effectivement à partir d’avril 1982 l’Escadron de Transport 1/64 Béarn réceptionne ses premiers Transall C.160 d’origine franco-allemande. L’avion est un formidable bond en avant technologique. Avec lui les aviateurs passent du moteur à pistons au turbopropulseur. La monture change, pas les missions. Le Transall remplace le Noratlas sur les pistes africaines. Les années 1990 sont synonymes pour le Béarn de bouleversements géopolitiques. D’abord la guerre du Golfe contre l’Irak baasiste suite à l’invasion du Koweït puis l’effondrement de la Yougoslavie et ses guerres intestines. Le 21e siècle naissant voit apparaitre la menace terroriste. Quelques semaines seulement après les attentats du 11 septembre le Béarn est la première unité française de transport à poser ses trains d’atterrissages à Bagram en Afghanistan. Ses Transall appuient les forces spéciales françaises dans la traque des talibans et de leurs supplétifs d’Al-Qaïda. Au début des années 2010 ses Transall commencent à montrer d’évidents signes de fatigues. Et finalement en août 2017 l’Escadron de Transport 1/64 Béarn est désactivée par l’Armée de l’Air.

Sa monture actuelle.

Quand elle renait le 9 septembre 2021 sur la Base aérienne 123 d’Orléans l’Armée de l’Air et de l’Espace a remplacé l’Armée de l’Air. Mais surtout on parle désormais d’Escadron de Transport 4/61 Béarn et non plus 1/64. Elle forme avec l’Escadron de Transport 1/61 Touraine la composante A400M Atlas française. Et en ce mois d’octobre 2024 le Béarn souffle ses 80 bougies. Une vie bien remplie pour l’unité aux multiples facettes toujours au service du transport militaire de la République Française, pour le meilleur et parfois pour le moins meilleur. Pas de doute que pour son centenaire elle volera encore sur le fameux quadrimoteur turbopropulsé européen.

Photos © Armée de l’Air et de l’Espace & Service Historique de la Défense.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 Responses

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