Pas sûr que cette décision de la puissante Defense Security Cooperation Agency ne vienne éclaircir un dossier particulièrement complexe à comprendre où s’entremêlent des intérêts stratégiques et une politique extérieure dégradée. Pour autant ce mercredi 31 juillet 2024 elle a autorisé l’US Department of Defense à procéder à la vente de douze hélicoptères de combat Bell AH-1Z Viper à la Vzdušné sily Ozbrojených Síl Slovenskej Republiky. Gros hic dans l’histoire la Slovaquie est aujourd’hui beaucoup moins motivé à l’acquisition de tels appareils qu’elle ne l’était il y a encore quelques mois, créant localement un schisme entre décideurs institutionnels et officiers supérieurs. Le contrat est par ailleurs annoncé aux alentours de 550 millions d’euros.
Pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce contrat il faut revenir en arrière de deux ans et demi. Le 22 février 2024 la fédération de Russie décide d’attaquer et d’envahir l’Ukraine sous un prétexte fallacieux. Inquiet d’un rapprochement de plus en plus prégnant de Kyïv avec l’OTAN et l’Union Européenne le dictateur Vladimir Poutine décide de recourir à une «opération militaire spéciale» dont le but serait selon lui la «dénazification de l’Ukraine». Levée de bouclier, au sens propre comme au sens figuré, dans pratiquement toute l’Europe à l’époque. La Slovaquie, frontalière de l’Ukraine à hauteur de 98 kilomètres, n’y fait alors évidemment pas exception. La progressiste et très européenne Zuzana Čaputová dirige alors le pays. Par solidarité avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky elle lui cède très rapidement un lot de cinq hélicoptères de transport, puis après des négociations en fait de même avec ses treize seuls chasseurs MiG-29 Fulcrum d’origine soviétique. Le geste est unanimement reconnu par la communauté internationale comme très fort. À l’international Zuzana Čaputová est alors une super star. C’est loin d’en être de même sur le plan intérieur où le populisme monte en flèche.
C’est là que l’administration Biden intervient. Soucieuse de montrer son soutien à la présidente slovaque elle lui propose alors une vente à un tarif préférentiel pour douze hélicoptères de combat Bell AH-1Z Viper de seconde main. Washington DC entend alors chouchouter Bratislava à qui elle a déjà vendu le chasseur Lockheed-Martin F-16V Viper ou encore l’hélicoptère de transport d’assaut Sikorsky UH-60M Blackhawk. Évidemment le gouvernement Čaputová accepte.
Tout aurait pu être idyllique entre les États-Unis et la Slovaquie si en juin dernier, il y un gros mois et demi en fait, Zuzana Čaputová n’avait pas perdu la présidence du pays au profit de Peter Pellegrini. Or ce dernier, élu avec le soutien de l’extrême droite, est à peu près tout l’inverse de sa prédécesseuse. Russophile, eurosceptique, et populiste il entend freiner des quatre fers toute occidentalisation des moyens de défense de son pays. Reconnaissons qu’à ce niveau là il arrive 20 ans trop tard !
Mais au fait qu’est-ce que les Américains proposent aux Slovaques pour ces 550 millions d’euros ? Evidemment pas seulement douze Bell AH-1Z Viper. Les négociations ont également porté sur vingt-six turbines General Electric T700-GE-401C de rechange ainsi que sur l’armement de ces hélicoptères. Outre les munitions de calibre 20 millimètres du canon gatling M197 il est question de plus de 1500 roquettes AGR-20 Advanced Precision Kill Weapon System et d’une centaine de missiles air-sol léger AGM-114 Hellfire. Il est à noter que le missile de dernière génération AGM-179 JAGM n’entrait pas dans le cadre des pourparlers, pour de logiques questions de coûts.
Pour Peter Pellegrini les négociations autour de ce contrat d’environ 550 millions d’euros sont une gabegie. Il estime que son pays n’a nullement besoin d’hélicoptères de combat, n’ayant selon lui rien à craindre des forces terrestres russes. Il appuie, à raison, sa logique sur le retour d’expérience des combats en Ukraine où les drones de combat et les munitions rodeuses sont bien plus efficaces que les voilures tournantes. On pourrait alors penser que la décision de la DSCA n’aura aucune incidence et que Peter Pellegrini va abandonner là les négociations. Sauf que comme tout bon populiste qui espère se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible il doit absolument faire plaisir à tout le monde et non au plus grand nombre. C’est ténu comme différence mais bien réelle. Or les généraux slovaques sont d’ores et déjà en désaccord avec leur nouveau président. En effet eux les veulent ces douze Bell AH-1Z Viper. Il faut dire qu’ils ont perdu toute capacité offensive par hélicoptères depuis 2017 et le retrait du service de leurs derniers Mil Mi-24 Hind. Surtout les officiers supérieurs slovaques ont été formé depuis un quart de siècle aux doctrines et tactiques de l’OTAN. Pour eux l’aéromobilité est une logique qu’on ne peut pas remettre en cause, même aux regards des enseignements de la guerre en Ukraine.
Vous l’aurez compris les négociations autour de cette vente de douze Bell AH-1Z Viper entre Bratislava et Washington DC vont être tout sauf un long fleuve tranquille. Et le nouveau président slovaque va devoir apprendre à composer avec ses militaires. Comme disait Adolphe Thiers : «Gouverner c’est prévoir !». Visiblement Peter Pelegrini ne connait pas cette maxime.
Photo © US Marines Corps.
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