Le 9 janvier 1956 le gouvernement de la République Fédérale d’Allemagne annonçait la résurrection de la Luftwaffe après une décennie d’absence. La guerre froide qui faisait alors rage entre les deux blocs, représentés militairement par le Pacte de Varsovie à l’est et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord à l’ouest, avait rendu cette naissance de l’aviation ouest-allemande plus que nécessaire. Elle était primordiale. Les Allemands de l’Ouest ne comptaient pas faire de la figuration même si le traumatisme de 1945 était omniprésent dans toutes les têtes.
À une trentaine de kilomètres de Munich se trouvait alors la base aérienne de Fürstenfeldbruck qui fut choisie en novembre de cette même année 1956 afin d’accueillir la toute nouvelle Waffenschule der Luftwaffe 30 dédiée à la formation avancée et à la transformation opérationnelle des pilotes de chasseurs Republic F-84F Thunderstreak. Elle n’exista que onze mois, avant d’être désactivée par le gouvernement de Bonn. Ses actifs, principalement ses pilotes instructeurs ainsi que ses armuriers et mécaniciens, furent transférés immédiatement sur la base aérienne de Büchel, en Rhénanie-Palatinat. Cette base proche des frontières avec la Belgique et le Luxembourg avait été choisi afin d’accueillir la nouvelle entité destinée à remplacer la Waffenschule der Luftwaffe 30. Sauf qu’il n’était plus du tout question d’une école de pilotage mais d’une unité de combat évoluant également sur Republic F-84F Thunderstreak et sur Fiat G.91R. De novembre 1957 à fin juin 1958 les personnels s’entrainèrent afin d’être parés pour le 1er juillet 1958. Le Jagdbombergeschwader 33, ou JaBoG 33, était officiellement né.
À Bonn, siège du gouvernement fédéral ouest-allemand, on était pressé de montrer aux partenaires américains et européens de quoi les pilotes de ce Jagdbombergeschwader 33 étaient capables. Ils furent donc massivement employés dans des exercices de l’OTAN, aussi bien en France qu’au Royaume-Uni ou encore en Turquie. Seulement voilà à peine treize ans après la fin la Seconde Guerre mondiale voir voler des avions frappés de la Balkenkreuz dans les cieux britanniques et français passaient parfois assez mal. Même si l’ancien ennemi était devenu un allié de nombreux officiers des trois pays s’étaient combattus. Les plaies étaient encore béantes. Petit à petit pourtant le JaBoG 33 sut s’imposer comme un acteur essentiel dans les missions air-sol. À une particularité notable cependant : il ne devait pas intervenir à l’étranger sans un strict vote préalable du Bundestag entériné ensuite par le Bundesrat. Ce garde-fou constitutionnel devait garantir que la Luftwaffe n’aille pas guerroyer pour un oui ou pour un non. Le Jagdbombergeschwader 33 était donc une unité respectée même si chacun savait pertinemment qu’elle ne sortait de République Fédérale d’Allemagne que pour participer à des exercices.
L’été 1962 fut synonyme de changement de monture pour le Jagdbombergeschwader 33. Adieu les F-84F et G91R et bonjour les Lockheed F-104G Starfighter. Bien que plutôt vu avant tout comme un chasseur pur et un intercepteur le «missile piloté» américain se révéla être un redoutable chasseur-bombardier… d’exercice. Pourtant quelques semaines seulement après l’arrivée à Büchel de ces avions supersoniques ils furent mis en alerte rouge sur ordre de l’OTAN. La crise des missiles cubains fut le premier fait d’armes des avions de l’unité allemande, et ce même s’ils ne prirent finalement jamais les cieux pour autre chose que des vols d’entraînement. Quatre F-104G Starfighter à l’empennage frappés de l’aigle et du chiffre 33 se trouvaient en permanence prêts à décoller afin d’aller frapper des cibles ennemies. Le monde était au bord de la guerre, sans doute même de la guerre atomique. Et puis la diplomatie a réussi à faire revenir tout le monde à la raison. Ainsi au sein du Jagdbombergeschwader 33 tout le monde a pu souffler un bon coup. Le reste de la carrière du F-104G dans l’unité fut un long fleuve tranquille malgré quelques accidents qui l’endeuillèrent et signa la triste réputation du chasseur américain.
Après un tout petit peu moins de vingt-trois années de service le Lockheed F-104G Starfighter tira sa révérence au sein du JaBoG 33. Mai 1985 marqua le début du Panavia Tornado IDS en son sein. Pour la première fois les pilotes allemands avaient entre leurs mains un avion véritablement européen et réellement pensé en réponse à leurs attentes. Dans les rangs du Jagdbombergeschwader 33 on ne tarda pas à trouver cet avion formidable, d’autant qu’il permit à de nouvelles missions d’intégrer son éventail. Avec cet avion à géométrie variable les pilotes et navigateurs allemands pouvaient désormais réaliser des missions d’interdiction, de pénétration à basse altitude, et même les très risquées attaques d’aérodromes. Cette dernière spécificité devint un des particularisme du JaBoG 33. Le soir du 9 novembre 1989 l’officier supérieur en charge de l’unité reçut à son tour l’ordre de la placer en alerte maximale, exactement comme durant la crise des missiles cubain. À Berlin le mur était tombé. Les «Allemands de l’est» traversaient. Personne ne savait comment la République Démocratique d’Allemagne allait réagir. Et finalement trois jours plus tard l’alerte fut levée. La réunification des deux Allemagne apporta son lot d’avions exotiques hérités de la Luftstreitkräfte der Nationalen Volksarmee. On pensa un temps verser au Jagdbombergeschwader 33 des Sukhoi Su-22M Fitter-K avant finalement de se raviser. Le Tornado IDS allait demeurer sa monture attitrée.
Les années 1990 virent la paix revenir en Europe et la Luftwaffe ouvrir son aviation de combat à un nouveau concept : les opérations de rétablissement de la paix sous bannière internationale. Dans le même temps le JaBoG 33 devint une unité à vocation de frappe nucléaire, grâce à la bombe B61 de facture américaine. Elle conserva cependant l’intégralité de ses missions conventionnelles. Si le Jagdbombergeschwader 32 marqua durablement les esprits en 1995 en tirant contre les forces serbes des missiles antiradars depuis ses Tornado ECR c’est bien le Jagdbombergeschwader 33 qui assurait leur couverture aérienne à l’aide de leurs bombes à guidage laser et de leurs paniers à roquettes. Cependant aucune ne fut tirée, les chasses américaines, britanniques, et françaises avaient fait le boulot avant. Il fallut encore attendre quatre ans pour qu’enfin le JaBoG 33 participe réellement à des combats. En mars 1999 l’unité tira les premières bombes allemandes en opération depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au Kosovo elle venait d’entrer dans l’histoire militaire de l’Allemagne.
Le début du 21e siècle ne fut pourtant pas synonyme pour lui de franches réussites militaires. Car si la Luftwaffe a bien déployé des Tornado IDS en Afghanistan ils n’appartenaient pas au Jagdbombergeschwader 33. En 2013 l’unité connut un changement majeur en devenant le Taktisches Luftwaffengeschwader 33 ou TaktLwG 33. Malgré l’aspect tactique de sa désignation l’unité conservait la capacité de frappes nucléaires, renforcée l’année suivante par la décision russe d’envahir et d’annexer la péninsule ukrainienne de Crimée. Dès lors ses Tornado IDS furent engagés dans le plus grand nombre possible d’exercice de l’OTAN tout en laissant à son nid de Rhénanie-Palatinat des avions en alerte nucléaire. En 2024 au salon aéronautique ILA de Berlin un chasseur furtif Lockheed-Martin F-35A Lightning II a été présenté par son constructeur et par la Luftwaffe avec les marquages du TaktLwG 33. On connait donc le nom du remplaçant du Tornado IDS, l’avion qui sera resté à ce jour la monture la plus importante de l’unité.
Avec l’avion américain de 5e génération le Taktisches Luftwaffengeschwader 33 entre vraiment dans le 21 siècle et va sans doute gagner en nouvelles missions. Peu de doutes sur le fait que cette unité existera encore longtemps dans le paysage défensif allemand.
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