6 juin 1944 : le Débarquement de Normandie a débuté dans les airs.

Ce contenu est une partie du dossier thématique : Récits historiques et légendaires

Il y a comme ça dans l’Histoire de France des dates qui restent en tête : 1er septembre 1715 mort de Louis XIV, 14 juillet 1789 prise de la Bastille, 4 septembre 1870 proclamation de la République Française, 11 novembre 1918 Armistice de la Première Guerre mondiale. Celle du 6 juin 1944 est de celle-ci car au-delà de l’opération militaire en elle-même elle est synonyme de début de la fin pour l’occupation allemande de la France. Or ce 6 juin 1944 bien entendu ce sont avant tout des troupes alliées qui débarquèrent sur les plages de Normandie, des jeunes gens d’à peine 20 ans qui venaient souvent de très loin pour se faire tuer sous les balles et les obus de la Wermacht. C’est aussi la plus grande opération aéroportée que le monde ait vu afin de fixer des têtes de pont dans le bocage normand.
6 juin 1944 : le Débarquement de Normandie a débuté dans les airs.

Peu avant leur départ d’Angleterre Eisenhower s’entretient avec des paras américains. Nous sommes le 5 juin 1944.

Une opération aussi fabuleuse et complexe qu’Overlord ne se décide pas d’un claquement de doigts. Autour de l’Américain Dwight D. Eisenhower commandant suprême des Alliés on retrouve quelques-uns des stratèges les plus marquants du 20e siècle. Il y a d’abord ses deux véritables bras droit le Britannique Arthur Tedder et l’Américain Omar Bradley, l’un provenant de la Royal Air Force et l’autre de l’US Army. On retrouve ensuite les Britanniques Bernard Montgomery, Bertram Ramsey, et Trafford Leigh-Mallory. Puis vient l’Américain Walter Bedell-Smith. Ike doit composer avec chacun d’entre eux. Certains sont faciles à vivre d’autres beaucoup moins à l’image de Bedell-Smith et de Montgomery aux égos surdimensionnés.

Ce sont donc deux généraux britanniques qui vont devoir préparer le volet aérien de l’opération Overlord, initialement prévue pour mai 1944. Arthur Tedder et Trafford Leigh-Mallory se connaissent bien et se respectent depuis longtemps. Ils sont tous deux vétérans de la Première Guerre mondiale. Le premier est un spécialiste du bombardement le second de la chasse. Ils se complètent parfaitement. Et tous deux connaissent les erreurs à ne pas reproduire. Reproduire et non commettre. Car les officiers britanniques de haut rang les ont déjà réalisées ces erreurs : le 20 août 1942.

Les bombardiers, comme ce Douglas Boston, jouèrent un rôle essentiel dans la préparation du Jour J.

Ce jour là l’opération Jubilee tente d’établir une tête de pont alliée à Dieppe… en Normandie. Cinq milles soldats canadiens, mille cent britanniques, et cinquante américains prennent pied sur les plages de la célèbre station balnéaire de Seine Inférieure (devenue Seine-Maritime en 1955) afin de pouvoir contrôler son port. C’est un désastre. Entre la plage de galets totalement inaccessible aux fantassins et aux blindes, l’impréparation du raid, et une Royal Air Force rapidement submergée par la Flak, la DCA allemande, Jubilee tourne vite au fiasco. Et à la boucherie. À elle seule l’infanterie canadienne déplore 667 morts et 218 disparus. Ses personnels faits prisonniers par les Allemands s’élèvent à 1894 hommes. Un destroyer et une trentaine de navires de débarquement sont coulés par l’artillerie côtière allemande. Cent six avions alliés ont été abattu. De manière anecdotique le lieutenant Edwin Loustalot du 1er bataillon de l’US Rangers est le premier soldat américain tué en France durant la Seconde Guerre mondiale. Le raid de Dieppe n’aura duré que neuf heures et c’est la mine basse que les survivants regagnent tant bien que mal le sud de l’Angleterre.

En réponse les Allemands vont renforcer la fortification du Mur de l’Atlantique. Les blockhaus déjà omniprésents depuis l’été 1940 fleurissent tout le long du littoral français de l’Atlantique et surtout de la Manche et de la Mer du Nord. La Flak se déploie même dans les petits villages. La Luftwaffe va construire de nouvelles bases aériennes pour ses chasseurs Messerschmitt Bf 109 et Bf 110 ainsi que des stations radars. Ses généraux en sont persuadés, les Alliés ne referont pas deux fois la même erreur : la prochaine fois ils feront accompagner le débarquement par des avions. Ils ont vu juste.

Le mois de mai 1944 a été pourri sur le sud de l’Angleterre mais aussi sur le littoral français. Il a plu tous les jours et toutes les nuits avec des coefficients de marée très forts. Ike et son état-major suprême n’en démordent pas : ce sera la Normandie. La Wermacht les attend dans le Pas-de-Calais là où la Manche est la plus étroite, ils iront là où elle est la plus large.
Tedder et Leigh-Mallory ont tout ficelé avec leurs officiers : le débarquement sera précédé d’une formidable armada aérienne.

Avions de remorquages et planeurs d’assaut attendent le feu vert pour décoller vers la France occupée.

Le 1er juin les météorologues les informent d’une possible éclaircie entre le 5 et le 6 juin. Les préparatifs sont engagés. Sur ordre direct d’Arthur Tedder un raid aérien est lancé dans la nuit du 3 au 4 juin par un total de 259 bombardiers de la Royal Air Force. Des Avro Lancaster et des Handley Page Halifax principalement mais aussi quelques Boeing Fortress. Leurs cibles ? Quatre batteries côtières allemandes, trois dans le Pas-de-Calais et une autre en Normandie. Il faut continuer de faire croire aux Allemands qu’ils sont dans le vrai. En parallèle la BBC inonde les ondes de messages radios, la majorité à destination de la Résistance française afin de lui indiquer le Débarquement mais aussi quelques-uns pour les services de renseignement allemands, les fameux SD de la Sicherheitsdienst.

À Porthsmouth où il a installé son état-major Eisenhower décide le 5 juin 1944 à 16 heures de lancer l’invasion de l’Europe, l’opération Overlord. Immédiatement une trentaine de bimoteurs Douglas Dakota Mk-II décollent de leurs bases avec à leurs bords des balises goniométriques appelées Eureka. Elles émettent sur des fréquences allant de 214 à 234 mégahertz et sont réceptionnées par les balises Rebecca qui elles se trouvent dans les avions de l’opération Neptune, nom de code de toutes les actions de guerre menées ces 5 et 6 juin 1944 en Normandie. La Résistance doit mettre en œuvre ces balises en attendant les premiers effectifs alliés.

Douglas C-47 Skytrain de l’USAAF larguant ses paras américains sur le bocage normand.

Peu après 20 heures de tout le sud de l’Angleterre un millier d’avions cargos bimoteurs décollent. Les Douglas Dakota (ou C-47 Skytrain dans l’US Army Air Force) représentent 90% d’entre eux. Certains embarquent des troupes aéroportées, les fameux paras des 82e et 101e divisions aéroportées américaines, d’autres tractent des planeurs d’assaut Airspeed Horsa et des Waco CG-4 Hadrian. Enfin les 10% restant sont globalement des Armstrong Whitworth Albemarle ainsi que quelques obsolètes bombardiers Whitley (du même avionneur) et Short Stirling spécialement modifiés pour l’occasion. Une fois en vol cette impressionnante armada aérienne représente 425 kilomètres de long sur seulement 400 mètres de large ! Certains planeurs sont déjà détachés de leurs avions tracteurs que d’autres n’ont même pas encore quitté le plancher des vaches en Angleterre.

Bien moins connu que le Dakota l’Albemarle fut un excellent remorqueur de planeurs d’assaut. Remarquez ses bandes d’invasion blanches et noires.

Il est 00 heure 16 le 6 juin 1944 quand six planeurs Horsa britanniques atterrissent (tant bien que mal) dans le bocage normand. Leur objectif ? Le pont de Bénouville enjambant le canal de Caen qui relit la cité normande au port de Ouistreham sur seulement quatorze kilomètres. L’Histoire le retiendra sous son nom de code de Pegasus Bridge. Au même moment des troupes aéroportées américaines ont été parachutées sur le sud du Cotentin.
À Caen justement à 1 heure 45 du matin le général allemand Werner Marcks décide de son propre chef de déclencher l’alerte d’invasion et de mobiliser l’intégralité des troupes sous ses ordres. Cinquante-cinq minutes plus tard il est désavoué par son supérieur direct Gerd von Rundstedt qui estime depuis Paris qu’il ne s’agit que de raids de diversions. Pour lui l’objectif allié reste le Pas-de-Calais. Les forces allemandes peuvent aller se rendormir. Prudent cependant von Rundstedt en informe le maréchal Jodl à Berchtesgaden, lequel refuse de réveiller Adolf Hitler pensant lui aussi qu’il n’y là que des actions de diversions.

À 5 heures 13 la façade orientale du Cotentin est survolée par des avions de la Royal Air Force. Appartenant au N°342 Squadron ces bombardiers moyens Douglas Boston Mk-IIIa sont chargés de larguer des pots fumigènes entre Saint-Marcouf-de-l’Isle et la pointe de Barfleur. Ils doivent préparer l’arrivée des troupes américaines. En ce 6 juin 1944 au matin le N°342 Squadron est également connu comme Groupe de Bombardement 1/20 Lorraine. Les hommes à bord de ces bombardiers sont français et appartiennent aux FAFL, les Forces Aériennes Françaises Libres. Ils seront les premiers combattants tricolores à participer au Débarquement. Leur mission est un succès, un très épais nuage blanchâtre recouvre toute la région, les Allemands sont aveugles. Ils ne vont pas le rester si longtemps que ça. À 5 heures 50 du matin les premiers navires de guerre alliés ouvrent le feu sur les plages de Normandie. Le Débarquement vient de commencer.

GI’s embarqués à bord d’un planeur d’assaut Waco CG-4 Hadrian en route vers la Normandie.

À l’est, au plus près de la baie de Seine le secteur de Sword Beach revient aux Britanniques. Sur environ huit kilomètres, de Ouistreham à Saint-Aubin-sur-Mer en passant par les stations balnéaires de Luc-sur-Mer et de Lion-sur-Mer les troupes prennent pied. Les forces d’occupation allemandes offrent une âpre résistance mais de la mer les canons tonnent et du ciel les Supermarine Spitfire et les Hawker Typhoon de la Royal Air Force tirent roquettes et bombes sur l’ennemi. Les Britanniques se sont aussi vu confié par Ike le secteur de Gold Beach entre Asnelles et Ver-sur-Mer. Sur cette zone les Alliés doivent y établir le port artificiel d’Arromanches où devront arriver toutes les troupes et le matériel anglo-américain qui n’aura pas pris part à l’opération Neptune. Entre ces deux zones les Britanniques ont réservé Juno Beach à leurs plus fidèles alliés : les fantassins de la 3e division canadienne. L’occasion pour eux également de venger la mort de leurs camarades près de deux ans plus tôt à Dieppe. De Courseulles-sur-Mer à Ver-sur-Mer et Saint-Aubin-sur-Mer les Canadiens sont parmi les derniers à débarquer, en raison d’une marée montante qui leur est opposée. Ils se retrouvent à terre nez à nez avec des troupes mécanisées allemandes lourdement équipées. Et là encore le salut leur vient du ciel. Des équipages de Bristol Blenheim et de Martin B-26 Marauder ainsi que des pilotes de Hawker Typhoon leur apportent l’appui aérien nécessaire à leur avancée.

Au-dessus de la Manche trois unités vont sortir du lot dans des missions rarement mises en avant : la traque de la Kriegsmarine. Le Groupe de Bombardement 1/7 Picardie des Forces Aériennes Françaises Libres sur monomoteur Vultee A-35A Vengeance et les N°404 et N°455 Squadrons de respectivement la Royal Canadian Air Force et la Royal Australian Air Force qui opèrent tous deux sur bimoteurs Bristol Beaufighter TF Mk-X. Leur mission première est de traquer et de couler les S-Boot, les vedettes rapides lance-torpilles de la marine allemande. Ces petites embarcations pourraient causer de lourds dommages à l’opération Neptune. Faute de tels navires en nombre suffisant les avions australiens, canadiens, et français n’hésitent pas durant la journée du 6 juin 1944 à frapper des positions défensives allemandes.

Même le petit Piper L-4 Grasshopper a su ce jour là tenir sa place.

Si Gold, Juno, et Sword sont des secteurs affectés aux forces du Commonwealth Utah Beach et Omaha Beach, les plus à l’ouest, sont dédiées à l’US Army. GIs et Rangers vont y prendre pied et souvent y mourir. Qui n’a jamais entendu parler de Bloody Omaha ? Là encore sans l’aide des aviations américaines et britanniques il aurait été impossible de prendre les territoires allant de Sainte-Marie-du-Mont à Quinéville et de Sainte-Honorine-des-Pertes à Vierville-sur-Mer. Utah Beach permettra pourtant au soir du 6 juin d’avoir transporter sur les plages normandes un total de 1700 véhicules de tous types dont de nombreux tanks.
Pour protéger leurs troupes les North American P-51 Mustang et les Republic P-47 Thunderbolt ont harcelé les forces allemandes. Bombes et roquettes pleuvent sur les blockhaus et les casernements.

À 9 heures du matin Adolf Hitler est réveillé par son état-major et informé du Débarquement de Normandie. Le dictateur allemand ordonne quelques heures plus tard au maréchal Rommel d’anéantir cette tête de pont avant la nuit. Sur le terrain huit garnisons allemandes sont déjà tombées aux mains des Alliés. Le Führer refuse catégoriquement de déplacer la 5e armée allemande situé au nord de la Seine. Il persiste dans l’idée qu’il s’agit là d’un simple raid de diversion. Depuis Paris Gerd von Rundstedt tente par tous les moyens de lui faire retrouver raison. Hitler ne l’écoute pas.

Sans doute une des photos les plus célèbres du 6 juin 1944. Prise par un membre de l’US Coast Guard aux commandes de la barge de débarquement.

Au soir du 6 juin 1944 à la BBC Charles de Gaulle, l’homme de l’appel du 18 juin, l’âme de la France Libre, déclare dans un style bien à lui : « C’est la bataille de France, et c’est, bien évidemment, la bataille de la France« . Le 10 juin les troupes américaines font la jonction avec leurs homologues britanniques et canadiens. Le même jours à 500 kilomètres de là les Waffen-SS de la division Das Reich assassinent lâchement 643 civils innocents dont de nombreux enfants à Oradour-sur-Glane. Le Débarquement de Normandie n’a pas encore libéré la France.

Ce mini-dossier historique est dédié aux milliers de soldats, d’aviateurs, de soignants, et de marins américains, australiens, belges, britanniques, canadiens, français, et néo-zélandais qui donnèrent leur jeunesse et parfois même leurs vies pour permettre à la France de redevenir la France. Nous sommes à jamais leurs débiteurs.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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