En guise de compte à rebours vers la célébration du centenaire de l’Aviation royale canadienne (ARC) en avril prochain, je vous propose à chaque mois un album photo des aéronefs utilisés par cette force aérienne au fil des ans. Après ceux illustrant les avions de brousse, les aéronefs de formation, les avions de patrouille maritime, les hélicoptères, les avions de transport, l’album de février porte sur les bombardiers.
L’éloignement du Canada des continents européen et asiatique a longtemps constitué une barrière protectrice face à toute puissance étrangère potentiellement hostile. Seul le géant américain au sud de la frontière a tenté à quelques reprises de conquérir le Canada. Le plus récent conflit canado-américain remonte à la guerre de 1812-1814. Tentant d’envahir les colonies du Haut et du Bas Canada, les Américains furent repoussés par les troupes britanniques, les milices canadiennes et leurs alliés autochtones. Les Américains ont depuis abandonné l’idée d’annexer le Canada. La relation canado-américaine a plutôt évoluée vers une amitié qui culmine militairement avec la création du NORAD en 1957. N’ayant aucune velléité expansionniste ou coloniale, le Canada n’a jamais senti le besoin de se doter d’une puissance aérienne digne de ce nom avant la Deuxième Guerre mondiale.
La flotte d’avions de combat de l’ARC durant la période d’Avant-guerre (1924-38) est conséquemment assez modeste. Ayant pour la plupart combattu dans les forces aériennes britanniques durant la Première Guerre mondiale, les aviateurs de l’ARC vont garder la main avec un nombre limité de chasseurs et de bombardiers légers. Pour ce qui est des bombardiers, l’ARC aligne initialement deux douzaines de biplans Airco D.H.4 et D.H.9. Plus tard, ce sera une poignée de biplans Hawker Hart qui affronteront l’hiver canadien. Ce n’est qu’à l’approche de la Deuxième Guerre mondiale que le Canada va entamer l’acquisition de nouveaux bombardiers en nombre conséquent. En août 1939, l’ARC reçoit ses premiers bombardiers Fairey Battle. Très vulnérables face aux chasseurs ennemis et conséquemment retirés du front par les Britanniques dès le début du conflit, les Battle cédés en grand nombre au Canada sont rapidement versés au Programme d’entraînement aérien du Commonwealth (PEAC). Les premiers Lockheed Hudson de l’ARC sont livrés quelques jours seulement après l’entrée en guerre du Canada. Transitant par le Canada, les Hudson sont également les premiers avions de combat livrés par la voie des airs à la Grande-Bretagne par le Ferry Command.
Durant la Deuxième Guerre mondiale (1939-45), la préoccupation immédiate du Canada est la défense de ses côtes et de ses voies maritimes face aux marines allemandes et japonaises. Les bombardiers initialement acquis par le Canada sont conséquemment affectés en priorité à la patrouille maritime et à la chasse aux sous-marins ennemis. Aussi, un certain nombre de ces bombardiers servent à la formation dans le cadre du PEAC. Outre les Lockheed Hudson, on compte parmi les premiers bombardiers livrés à l’ARC des Douglas Digby ainsi que des Bristol Fairchild Bolingbroke de fabrication canadienne. Les Bolingbroke canadiens participèrent à la Campagne des Aléoutiennes. Ils seront toutefois davantage utilisés pour la patrouille maritime et la formation des futurs équipages de bombardiers. Le PEAC va fournir un nombre croissant d’aviateurs canadiens au Bomber Command de la RAF. Aussi, le Canada va mettre sur pied ses propres escadrons de bombardement outre-mer, soit une quinzaine, qui seront déployés en Angleterre. Plusieurs de ces escadrons de l’ARC sont initialement dotés du bombardier bimoteur Handley Page Hampden dont 180 exemplaires furent assemblés par le consortium Canadian Associated Aircraft. Suivront le Vickers Wellington, puis le bombardier lourd Handley Page Halifax. Plus tard dans le conflit, l’ARC se dote de ses premiers B-25 Mitchell et surtout des légendaires bombardiers De Havilland Mosquito et Avro Lancaster. Face à la forte demande pour ces avions plus performants, De Havilland Canada va fabriquer plus d’un millier d’appareils Mosquito. Aussi, la société d’État Victory Aircraft va assembler plus de 400 appareils Lancaster Mk.X, soit la version canadienne du célèbre bombardier. À la fin de la guerre, la société Victory Aircraft est vendue à des intérêts privés et devint Avro Canada. Suite à la capitulation de l’Allemagne, les Lancaster Mk.X de l’ARC sont rapatriés au Canada pour se joindre au Tiger Force. Regroupant des escadrons provenant de pays du Commonwealth, le Tiger Force devait déployer ses bombardiers lourds sur l’île d’Okinawa pour participer à la campagne de bombardement intensif du Japon. Deux bombes nucléaires larguées par des B-29 Superfortress américains ont toutefois mis fin à la guerre avant que le Tiger Force entre en action. Pour les amateurs de Warbirds, notons que le Canadian Warplane Heritage Museum (CWHM) possède l’un des deux seuls Lancaster au monde encore en état de vol.
L’avènement de la bombe atomique a totalement rabattu les cartes pour ce qui est du bombardement stratégique. Bien qu’ayant participé au Projet Manhattan, le Canada n’a jamais souhaité se doter de l’arme nucléaire. Conséquemment, l’évolution de la flotte de bombardiers de l’ARC durant la Guerre froide (1946-91) va refléter cette décision. Disposant d’un grand nombre de Lancaster Mk.X, dont plusieurs fraîchement sortis d’usine, l’ARC les adapte à divers usages. Ainsi certains Lancaster Mk.X deviennent des avions de patrouille maritime et d’autres accomplissent des missions de recherche et sauvetage. Le grand rayon d’action des Lancaster Mk.X en font également des avions idéaux pour opérer dans le Grand Nord canadien. Certains seront convertis en avion cargo et d’autres en avions de reconnaissance et de photographie aérienne. Certains agiront même comme avions espions aux limites nordiques de l’URSS. Les derniers Lancaster de l’ARC quitteront le service actif en 1965. Fort appréciés par les aviateurs canadiens ayant combattu en Afrique du Nord, des bombardiers B-25 Mitchell vont également arborer la cocarde canadienne après-guerre. Ils seront surtout utilisés pour la formation et des tâches de transport. Au départ de ces vétérans, le Canada n’alignera plus jamais d’avions spécifiquement dédiés au bombardement. Les missions de bombardement incomberont uniquement aux chasseurs-bombardiers, comme les Canadair CF-104 Starfighter déployés en Europe dans le cadre de l’OTAN. Basés en France et en Allemagne, les CF-104 canadiens furent initialement équipés pour effectuer des frappes nucléaires tactiques. Ces bombes étaient de propriété américaine afin de respecter le souhait du Canada de ne pas posséder d’armes nucléaires.
Avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, la Période moderne (1991 à aujourd’hui) ne marque pas de changement dans la doctrine de bombardement de l’ARC, si ce n’est l’emploi de munitions de plus en plus précises. Que ce soit dans le cadre d’interventions passées de l’OTAN au Kosovo, ou lors de la traque des groupes terroristes au Moyen-Orient, les avions multi-rôles McDonnell Douglas CF-188 Hornet réalisent encore aujourd’hui les missions de bombardement de l’ARC. Étonnamment, un CF-188 peut emporter une charge offensive équivalente à celle du légendaire Lancaster, ce qui en dit long sur l’évolution des chasseurs-bombardiers. Prochainement remplacés par le furtif Lockheed Martin F-35 Lightning II, les missions de bombardement deviendront davantage sécuritaires pour les pilotes de l’ARC. En complément, l’ARC pourra aussi utiliser ses futurs drones General Atomics MQ-9B SkyGuardian pour des missions de bombardement.
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3 Responses
Bravo Marcel pour cet article. Et j’inclurais les avions bombardier d’eau, le Canso PBY 5A et la famille des Canadair CL-215-415 et autres aéronefs quoique ceux-ci ne font pas partie de l’ARC.
Très chouette article encore une fois et découverte (pour ma part) de l’existence de North American B-25 Mitchell dans l’arsenal aérien canadien. J’apprécie particulièrement la photo du Fairey Battle car j’a toujours adoré ces avions d’armes transformés dans ton pays Marcel en avions d’entraînement avancé et de remorquage de cibles volantes.
Encore bravo et merci.
Voilà un article passionnant. Bravo à vous Marcel on apprend plus sur l’histoire de l’aviation au Canada.