Ilyushin Il-12 ‘Coach’

Avec une superficie à son apogée de 22 402 000 kilomètres carrés l’URSS était un géant… aux pieds d’argiles. En effet son gigantisme en faisait un pays difficile à gérer malgré une centralisation totale de la part du Kremlin. Plus sans doute que pour n’importe quel autre pays l’aviation civile joua un rôle majeur dans le développement économique et sociologique de la nation soviétique. La compagnie Aeroflot permit de relier les villes entre elles mais aussi à la capitale et celle-ci au monde entier. L’un des premiers avions qui réussit ce tour de force fut l’Ilyushin Il-12.

C’est au cours du second semestre 1943 que le pouvoir central soviétique demanda à plusieurs avionneurs de développer un nouvel avion de transport moyen capable de remplacer à terme le Lisunov Li-2. Il s’agissait là de la version locale du Douglas DC-3 américain, construit sous licence. Trois constructeurs seulement y répondirent, principalement en raison de l’effort de guerre chez les autres : Bartini, Ilyushin, et Yermolaïev. Chacun des avant projets était ambitieux mais c’est celui d’Ilyushin qui se révéla rapidement le plus sûr d’arriver à son terme.

Malgré le fait que l’avionneur était alors engagé dans le développement des bombardiers Il-2 et Il-4 ainsi que de leurs dérivés il put dégager une petite équipe d’ingénieurs afin de travailler sur le programme baptisé Il-12. Pour des raisons purement économiques ceux-ci travaillèrent à partir de plans de DC-3 fournis par les Américains tout en redessinant l’essentiel. D’ailleurs la motorisation retenue tournait autour du moteur à 14 cylindres en étoile Shvetsov ASh-82, lequel équipait alors le Lisunov Li-2 mais également certaines versions de l’avion d’attaque Sukhoi Su-2. Ce moteur était alors considéré comme un des plus sûrs en URSS.

Dans son ensemble l’Ilyushin Il-12 était un avion ultramoderne. Ce bimoteur disposait d’une cabine pensée pour accueillir 27 passagers en classe unique pour les vols interieurs et 21 pour les vols internationaux. Il était assemblé entièrement en métal avec un fuselage de section circulaire et un train d’atterrissage tricycle escamotable. Sur les gouvernes des entoilages avaient été rajoutés par dessus le métal. Une arête dorsale avait été installée sur l’avion afin d’augmenter sa stabilité latérale. Une béquille de fixation au sol fut ajoutée durant les essais de roulage à l’automne 1945 car l’avion avait tendance à être instable à vide au sol. Finalement le prototype réalisa son premier vol le 9 janvier 1946 entre les mains des frères Konstantin et Vassili Kokkinaki, les deux principaux pilotes d’essais d’Ilyushin à cette époque. Dès le départ l’Il-12 montra de bonnes qualités en vol.

C’est en août 1947 que l’avion débuta sa carrière commerciale au sein de l’Aeroflot. À l’usage les pilotes se rendirent pourtant compte que l’aménagement pensé initialement pour lui était impossible à tenir. Finalement les vols intérieurs se faisaient avec 21 passagers et 18 seulement sur les vols internationaux. Très rapidement l’Ilyushin Il-12 permit d’ouvrir de nouvelles lignes aériennes à l’intérieur de l’immensité soviétique. Sa robustesse et sa rusticité lui permettait de décoller des aéroports en dur de Leningrad et de Moscou pour rejoindre de simples pistes en herbes voire parfois en boue. Dans le même temps l’avion commença en 1948 à rejoindre les grands aéroports d’Europe occidentale. À Londres, Paris, ou encore Rome il n’était pas rare de voir un Il-12 frappé des marquages d’Aeroflot.

Logiquement la jeune OTAN s’intéressa à lui et lui octroya le nom de code de Coach. Dans le même temps Ilyushin développa deux versions spécifiques. La première était l’Il-16D de transport militaire à même de recevoir 26 fantassins avec armes et équipements ou 20 parachutistes. L’avion pouvait même accueillir jusqu’à 16 civières et de la place pour six soignants. La seconde était l’Il-16T de transport de fret à vocation civile et militaire. Celui-ci pouvait transporter jusqu’à 3600 kilogrammes de fret, dont des automobiles et des moteurs d’avions. Les forces aériennes soviétiques commencèrent à utiliser l’Il-12D en mars 1948.
En parallèle des exemplaires commerciaux furent livrés aux compagnies aériennes bulgares, chinoises, polonaises, roumaines, et tchécoslovaques.

En dépit de sa rusticité l’Ilyushin Il-12 Coach connut une carrière chaotique. Celle-ci fut émaillée de cinquante-six accidents majeurs ayant au total causé la mort de 465 passagers et membres d’équipage. Dans le même temps un Il-12D appartenant à l’AVMF, l’aéronavale soviétique, fut le dernier avion abattu durant la guerre de Corée. Il fut descendu le 27 juillet 1953 par un chasseur North American F-86 Sabre appartenant à l’US Air Force. Il n’y eut aucun survivant parmi les vingt-et-un passagers et membres d’équipage du bimoteur. Ironie de l’Histoire l’acte de cessez-le-feu du conflit intervint le jour même, quelques heures plus tard.

Outre les force aériennes et aéronavales soviétiques des Ilyushin Il-12 Coach ont volé sous les cocardes chinoises et nord-coréennes. Lors de l’invasion chinoise du Tibet en octobre 1950 une vingtaine d’Il-12D fut engagée dans des opérations de parachutages de troupes. Par ailleurs ces avions de transport permirent d’établir un pont aérien entre la Chine et le territoire désormais sous son occupation. En URSS la carrière militaire de l’Il-12 se termina en 1966, l’avion ayant notamment été également utilisé pour le transport personnel de trois secrétaires généraux du parti : Josep Staline, Gueorgui Malenkov, et enfin Nikita Khrouchtchev. La Corée du Nord de son côté se sépara de ses derniers exemplaires en 1982 et la Chine en 1986. Inutile de préciser qu’à cette époque ces bimoteurs étaient totalement obsolètes.

Au total près de 1500 de l’Ilyushin Il-12 Coach ont été produits, dont 663 pour les seuls besoins de l’Aeroflot. Contemporain des Convair CV-240 et Martin 4-0-4 américains il marqua l’essor de son constructeur comme avionneur spécialisé dans la conception et le développement d’avions de ligne totalement adaptés aux besoins soviétiques. Il a donné naissance à l’Il-14 Crate ayant connu une vaste carrière militaire.
De nos jours on retrouve plusieurs Il-12 dans des musées, parmi lesquels un au mythique musée central de l’aviation de Monino en Russie, un autre au célèbre Auto & Technik Museum de Sinsheim en Allemagne, et enfin un au musée aéronautique de Xiaotangshan en Chine.