Alors que l’Europe cherche à se sevrer complètement des sources d’énergie en provenance de la Russie, le vieux rêve d’une interconnexion transatlantique pour le transport d’électricité refait surface tel un serpent de mer. Non, ce n’est pas un poisson d’avril en retard, mais ce n’est pas le propos du présent article non plus.
Pour le bénéfice des lecteurs peu familiers avec Hydro-Québec, il s’agit de la société d’État responsable de la production, du transport et de la distribution d’électricité au Québec. Elle est exclusivement détenue par le Gouvernement du Québec. Hydro-Québec est le principal producteur d’électricité au Canada, et l’un des plus grands producteurs mondiaux d’hydroélectricité. Environ 99% de l’électricité consommée au Québec est d’origine hydraulique. Plus de 40% des besoins énergétiques du Québec sont actuellement comblés par l’électricité et cette proportion est appelée à grimper, puisque le Québec souhaite grandement réduire ses importations de pétrole.
Avec ses 62 centrales hydroélectriques actuelles auxquels s’ajoutent plus de 680 barrages et 91 ouvrages régulateurs répartis sur le vaste territoire du Québec, Hydro-Québec est doté de sa propre flotte aérienne. Chaque année, Hydro-Québec transporte l’équivalent de 85 000 passagers, soit ses équipes de production, de maintenance et autres employés, aux quatre coins du Québec. Or, avec l’objectif de doubler son offre d’électricité d’ici 2050, tout indique que les déplacements en avion sont appelés à augmenter chez les employés d’Hydro-Québec.
Les avions actuels de la société d’État, soit trois appareils Bombardier Dash 8-400, et un Dash8-300, sont en service depuis la fin des années 1990 et montrent des signes d’essoufflement. Avec de courtes pistes non pavées sur lesquelles les avions d’Hydro-Québec doivent fréquemment se poser hors des centres urbains, la société d’État a toujours privilégié les avions Dash 8 particulièrement bien adaptés au rude climat québécois. Rappelons toutefois que Bombardier s’est départi de son programme d’avions Dash 8 en 2018 et que le dernier appareil assemblé fut livré en 2021. Le programme Dash8 est aujourd’hui détenu par De Havilland Canada qui prévoit annoncer sa décision en 2025 quant à la relance ou non de la production d’une nouvelle génération de ce légendaire avion de transport régional.

Face à cette incertitude, et des délais en résultant, Hydro-Québec s’est récemment tourné vers le constructeur franco-italien ATR pour remplacer ses vieux Dash 8. Annoncée le 2 avril dernier, l’entente comprend l’achat de trois ATR 72-600, assortis d’une option pour des appareils supplémentaires. Le contrat d’environ 100 millions de dollars, inclue la formation des pilotes et techniciens ainsi que le support technique. Un premier appareil doit être livré à l’automne 2026 et le dernier à l’été 2027. Hydro-Québec ne sera toutefois pas le client de lancement de l’ATR 72-600 au Canada, puisque cet honneur revient à Rise Air.
Déplorant n’avoir pu privilégier un avionneur canadien, Hydro-Québec insiste qu’une forte proportion des composantes de l’avion ATR choisi est produite au Canada. À la fine pointe de la technologie, les moteurs PW127XT sont notamment fabriqués par Pratt & Whitney Canada à Longueuil au Québec, alors que les systèmes de contrôle de vols sont produits en Nouvelle-Écosse par Airbus Atlantic.
Tout comme dans le cas des Dash 8 actuels, et des futurs ATR72-600, Hydro-Québec est propriétaire des avions. Toutefois, dans le cadre d’une entente de partenariat de douze ans signée en 2021, c’est Air Inuit qui est responsable de l’exploitation des appareils (pilotes et agents de bord) et de leur entretien. Sur le plan environnemental, les nouveaux avions auront une empreinte carbone réduite puisque leur consommation de carburant diminuera d’au moins 25 %. Aussi, une économie des coûts de maintenance de l’ordre de 30 % est prévue sur le cycle de vie de l’appareil, comparativement aux avions actuels de la flotte d’Hydro-Québec. Si les futurs avions ATR aux couleurs d’Hydro-Québec donnent satisfaction, nul doute que d’autres commandes suivront.

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7 réponses
Avec une telle activité on comprend largement qu’Hydro-Québec ait besoin d’avions mêlant capacité d’accueil, rusticité, et sécurité. Le choix de l’ATR-72-600 est donc logique. Pas de doute que si d’autres opérateurs canadiens se tournent vers le constructeur franco-italien les responsables de De Havilland of Canada pourrait vouloir relancer sa production de Dash 8.
En tous cas belle découverte que cette société publique, proche de notre EDF française. Merci Marcel.
Au-delà des prouesses technologiques des ingénieurs, techniciens et ouvriers (surnommés les castors), la nationalisation de l’électricité et l’essor d’Hydro-Québec furent des symboles forts de la Révolution tranquille durant laquelle les francophones sont devenus « Maîtres chez-nous » comme le disait le slogan de l’époque. À la même période, une petite entreprise purement québécoise, qui a inventé la moto-neige, a débuté une croissance incroyable: Bombardier. La perte d’un client aussi prestigieux qu’Hydro-Québec est un signal fort pour De Havilland Canada. Des centaines de vieux Dash8 devront être remplacés au cours des prochaines années, ce qui fait évidemment saliver ATR. De Havilland Canada se concentre actuellement sur la remise à neuf de vieux Dash8 qui ont encore la cote, mais devra tôt ou tard en relancer la production pour ne pas laisser le champ libre à ATR. Comme tu le dis si bien… à suivre !
Oui, merci Marcel pour cet excellent article, sur un sujet bien intéressant. Je rejoins Arnaud a 100% sur son commentaire final, une belle découverte.
Et où l’on constate que les avions ne sont pas là que pour promener les touristes (ou hélas larguer des bombes) mais bien pour assurer la réussite d’un formidable travail collectif. Franchement, 99% d’hydro dans la prod’ d’électricité, chapeau les Cousins!
PS: et quelle photo du Dash8-400 dans la neige…
(il doit y falloir aussi de sacrés pilotes)
Hydro-Québec est une société quasi mythique pour certains professionnels dans le domaine de la production d’électricité et de l’ingénierie hydraulique. Elle connue notamment pour ses sites d’exploitation isolés de tout, accessibles uniquement par les airs, dans des conditions climatiques extrêmes. Et donc des besoins particuliers en matière de besoins aériens.
Si je peux me permettre un petit hors sujet, elle avait aussi une excellente réputation à la fois en tant qu’entreprise efficace et bien gérée, et en tant qu’employeur.
Merci Marcel pour cet article qui sort de l’ordinaire.
C’est la qu’on voit les conséquences désastreuses de la vente à la découpe des programmes aéronautiques de Bombardier. Il y avait un marché domestique et une rente de situation énorme.
Salut Marcel et les Passionnés,
Je suppose que Hydro-Québec exporte son électricité aux USA; qu’en est-il de la situation (hausse des tarifs, arrêt des exportations ?) suite à aux délires de l’Agent Orange vis à vis du Canada et du Québec ?
Passionnément,
Hydro-Québec exporte une partie de son électricité vers les USA et d’autres provinces canadiennes. Grâce à la capacité de stockage de ses réservoirs, Hydro-Québec vend de l’électricité sur le marché « spot » lorsque le prix est le plus élevé et en achète en retour de ses voisins à très bas prix hors des heures de pointe de la demande. Hydro-Québec a également quelques contrats pour fournir de la puissance ferme à quelques États américains. La folie des tarifs ne semble pas avoir affecté ces marchés pour l’instant, mais la possibilité de couper le courant aux Américains a été évoqué si la situation se dégrade. Hydro-Québec peut accumuler de l’eau derrière ses barrages et constituer une réserve stratégique.