Verrons-nous bientôt des Dassault Aviation Rafale F4 voler sous la cocarde frappée de la croix de l’Ordre du Christ ? Pile-poil deux semaines après le coup de colère du ministre portugais de la défense nationale, monsieur Nuno Melo, sur le Lockheed-Martin F-35A Lightning II et sa décision d’annuler sa commande où en sommes nous ? L’avionneur américain n’est pas revenu dans les bonnes grâces de Lisbonne et clairement les Portugais regardent désormais en direction de Dassault Aviation, mais pas uniquement. Depuis le weekend dernier on sait qu’Eric Trappier, le puissant patron du groupe aéronautique français, y pense.
Dans une interview donnée à l’hebdomadaire d’opinions JDD monsieur Trappier déclarait dimanche dernier : «nous avons effectivement envie de proposer notre avion au Portugal». On comprend sa prudence quand on sait que d’ici deux mois des élections législatives doivent avoir lieu dans ce pays. Elles pourraient tout changer en faisant au passage voler le gouvernement de coalition dirigé par le premier ministre social-démocrate Luís Montenegro auquel justement appartient le conservateur Nuno Melo. Elles pourraient aussi renforcer l’un des deux camps, ou aucun. Et donc faire rediscuter d’éventuels contrats passés peu avant elles. Pourtant si Eric Trappier prend le risque d’en parler dans le Journal Du Dimanche c’est forcément qu’il a des infos allant dans le sens du Rafale F4. Avare en interview il sait ménager les suspens, et ne parle qu’avec parcimonie. Il a donc des billes. Il faut dire aussi que la presse portugaise est dithyrambique sur l’avion français, bien plus que son concurrent direct européen, l’Eurofighter EF-2000 Typhoon. Si on l’écoute et la lit le futur de la Força Aérea Portuguesa passe par Dassault Aviation.
Le Rafale F4 comme successeur des actuels General Dynamics F-16MLU Fighting Falcon cela aurait du sens. Comme cela en aurait eu avec le Lockheed-Martin F-35A Lightning II. Le Portugal déploie très peu ses avions de chasse lors de missions étrangères. Hormis occasionnellement pour Baltic Air Policing ses F-16 bougent très peu. Ce qui peut faire la différence entre le Rafale F4 et le Typhoon Tranche 4 c’est une fois encore la diplomatie. Ça et le fait que dans quasiment l’intégralité des cas l’avion français dame le pion à son concurrent européen, y compris en défense et supériorité aérienne.
Si une telle commande était passée dans l’année la Força Aérea Portuguesa deviendrait la quatrième force aérienne de l’OTAN et la cinquième en Europe à choisir le Dassault Aviation Rafale. Avec un marché annoncée tournant autour des 25 à 30 machines elle pourrait devenir la deuxième utilisatrice continentale après l’Armée de l’Air et de l’Espace. À condition que la Polemiki Aeroporia ne lui grille pas la politesse…
Pour autant ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Car si Dassault Aviation peut aussi compter sur les très bonnes relations diplomatiques entre Lisbonne et Paris, de similaires existent entre Lisbonne et Madrid et entre Lisbonne et Rome. Les groupes Airbus et Leonardo, partenaires du consortium Eurofighter, sauront forcément en jouer. Pas sûr que le Typhoon Tranche 4 veuille seulement incarner le sparring-partner de luxe pour le Rafale.
Il est à signaler un effet collatéral inattendu dans la ire portugaise contre la hausse des droits de douanes des États-Unis et contre la diplomatique trumpienne. Désormais des députés conservateurs, écologistes, et socio-démocrates appellent à renégocier le contrat signé le mois dernier avec l’avionneur américain Cirrus. Il concerne douze avions de sélection en vol et d’entraînement initial SR.22 destinés au remplacement des vieux De Havilland Canada Chipmunk T Mk-20. Les Cirrus SR.22 sont théoriquement attendus pour l’été 2027. Les parlementaires portugais pointent du doigt l’existence d’avions européens pouvant parfaitement remplir ces deux fonctions. On peut notamment penser aux Diamond DA50 autrichiens, Pipistrel Panthera slovènes, ou encore Robin DR401 français.

Vous l’aurez compris le coup de gueule du ministre portugais de la défense n’est pas retombé. Et clairement Dassault Aviation a les clefs en main pour sortir grandi de cette affaire. Un contrat avec ce pays, déjà client des jets d’affaires de l’avionneur, serait un vrai plus. À quelques semaines du Bourget 2025 il n’est pas interdit d’y penser.
Affaire à suivre.
Photos © Armée de l’Air et de l’Espace et Força Aérea Portuguesa.
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8 réponses
Tout évolue avec une vitesse… On a du mal à suivre. Avec des nouvelles aussi fraîches qui se succèdent sans faiblir, on se croirait presque en salle de rédac. En tout cas ça fait toujours (immensément) plaisir. Il faut dire qu’avec les positions de plus en plus hostiles (et je pèse mes mots) du gang trumpiste vis à vis de l’Europe, les tables sont carrément renversées. Notre pays avec sa BITD unique a de sacrées cartes à jouer. Cela doit bien phosphorer en 3×8 au sein des directoires des industriels de la défense…
Et la très fameuse « punchline » (répartie en bon français) de feu Marcel Dassault lors de la première présentation du Rafale A résonne avec une sacrée puissance: le Rafale « sera un avion mondial ». On a dit visionnaire? C’était il y a près de 40 ans! Lui savait déjà à quel point cet avion était bien né, et défendu bec et ongles par son propre fils Serge car le « Rafale bashing » a été tellement violent.
On attend la suite.
Et Serge Dassault avait parlé de drones accompagnant des Rafale dans les années 1995, il me semble.
De toute façon, le Gripen est hors-course, puisque son moteur F414 de facture américaine peut faire l’objet d’une interdiction de ré-exportation comme les USA viennent de le faire concernant la Colombie.
Il ne reste donc que le Rafale et le Typhoon, mais autant que je sache ce dernier est très dépendant de munitions américaines, en particulier en ce qui concerne l’attaque au sol.
Donc si un client européen veut s’affranchir de la « laisse » qu’est le F-35, il ne lui reste que le Rafale. Même le KF-21 Coréen utilise des moteurs F414…
On compte sur les doigts d’une seule main les pays en capacité de concevoir un moteur d’avion de chasse de premier plan: c’est un concentré absolu de savoir-faire et de technologie…
Malheureusement, je dirais qu’il y a surtout toutes les chances qu’il ne se passe rien. Cf Allemagne, Danemark.
Oui, ou comme au Canada… On prend des F-35, et puis non, puis en fait si, et puis… On ne sait plus !
Bah, un célèbre proverbe dit « Tout arrive à point à qui sait attendre ». Bon, pour le Rafale, on a attendu longtemps…
Sinon en 2 mois de gouvernance américaine à la sauce « Trump business corp », les relations internationales sont bien chamboulées. Et il n’y a pas l’ombre d’une amorce d’inflexion politique, bien au contraire. Il semble raisonnable d’espérer que quelques pays européens finiront par « percuter », et que certaines choses changent sensiblement.
Vu la confirmation des vues nord-américaines sur le Groenland et la faible considération (voire des qualificatifs que d’aucuns auraient considéré à juste titre comme insultants) réïtérée pour le Danemark, celle-ci serait bien inspirée de revoir ses positions outre-atlantistes.
« Rafale’s for all », quoi d’autre en fait? Peter Collins l’avait déjà si bien écrit en novembre 2009: « The classic definitions of aircraft combat roles really do not do justice to this aircraft; the Rafale is Europe’s force-multiplying « war-fighter » par excellence. It is simply the best and most complete combat aircraft that I have ever flown. Its operational deployments speak for themselves. If I had to go into combat, on any mission, against anyone, I would, without question, choose the Rafale. »