Non le Rafale Marine ne sera pas « remplacé » en Inde par le F-35C Lightning II.

Depuis une trentaine d’heures maintenant c’est la foire d’empoigne sur les réseaux sociaux et sur certains sites prétendument spécialisés «aéronautique et défense» mais surtout peu regardants quant à la véracité de leurs informations, du coup c’est fake news à volonté. D’où cet article afin de remettre les pendules à l’heure et l’église au milieu du village. Certains prétendent que la non signature cette semaine du contrat Rafale Marine par l’Inde serait le fait d’un revirement de situation de Narendra Modi en faveur d’une solution américaine. C’est totalement faux !

D’abord rappelons que l’Inde n’a nullement annoncé vouloir remettre en cause le contrat qui la lie avec Dassault Aviation. L’annonce de Narendra Modi de l’été 2023 est donc toujours d’actualité : le Rafale Marine remplacera bien le MiG-29K Fulcrum-D au sein de l’Indian Navy. Il faut être un peu patient ce n’est désormais plus qu’une question de jours. Les relations entre la France et l’Inde sont fortes et ce n’est parce que Donald Trump l’a décidé que tout cela va changer.

Car justement c’est l’ex nouveau Président des États-Unis qui comme à son habitude a jeté le trouble. Et les gogos se sont empressés de sauter à pieds joints dans ses déclarations. Le locataire du bureau ovale a annoncé après avoir rencontré le premier ministre indien que des accords et des contrats de défense allaient être ouverts. Il a également indiqué avoir donné son aval à Lockheed-Martin afin que l’avionneur puisse proposer son F-35A Lightning II à l’Indian Air Force. Rien pour l’instant ne dit que cette dernière va répondre favorablement aux sirènes américaines. Et même si c’était le cas cela ne remettrait nullement en question l’accord entre Dassault Aviation et l‘Indian Navy. On imagine mal cette dernière chercher à faire décoller et apponter des F-35A depuis son porte-avions.

Plus sérieusement quand on se remémore les difficultés que les Indiens ont eu à départager le Dassault Aviation Rafale Marine du Boeing F/A-18E/F Super Hornet américain on les voit mal repartir sur une nouvelle compétition incluant le F-35C Lightning II. Lequel n’a d’ailleurs jamais été pensé pour être vendu à l’étranger. Et de ce fait son prix unitaire est inconnu, mais sans doute supérieur à celui de l’avion français. Car c’est une constante dans les marchés d’acquisition d’avions de combat en Inde : rien ne se fait hors compétition. Tout doit passer par un examen des différents prétendants. Le F-35C Lightning II se retrouverait obligatoirement face au Rafale Marine, lequel a déjà gagné une fois le concours.

Pourquoi un tel emballement alors que les rumeurs de négociations entre l’industriel indien Tata et son homologue américain Lockheed-Martin existent depuis plusieurs mois, depuis l’ère Biden ? Peut-être à cause de la Russie. Car si Donald Trump et Vladimir Poutine semblent culs et chemises sur la question ukrainienne il en est tout autrement dès lors qu’on parle business. N’oublions pas que le Président des États-Unis est avant tout un homme d’affaire, né au milieu des affaires avec une cuillère en argent dans la bouche. Le pognon, le billet vert en fait, est sa seule et unique valeur constante. Et justement à Aero India 2025 le groupe russe United Aircraft Corporation a annoncé avoir proposé le Sukhoi Su-57E Felon à l’Indian Air Force. Ce qui est assez rigolo en soit quand on se souvient que cette même Indian Air Force l’avait rejeté à l’automne 2019 du temps du programme FGFA, pour Fifth Generation Fighter Aircraft. Les Russes ont de la suite dans les idées, et cela ne semble pas plaire aux Américains. En fait Donald Trump voit le Lockheed-Martin F-35A Lightning II comme une possibilité en cas d’échec du programme indigène Advanced Medium Combat Aircraft. Sauf que si celui ci n’avance pas vite il progresse tout de même. Mais surtout ce qui effraie la Maison Blanche c’est le SCAF. Il se dit désormais que l’avionneur indien HAL pourrait rejoindre le programme européen mené par Airbus Defence et Dassault Aviation, en raison de ses bonnes relations avec ce second avionneur. Là encore l’excellence des relations entre Emmanuel Macron et Narendra Modi pourraient servir les intérêts industriels de l’Inde et de l’Europe. Une Indian Air Force sur la voie du chasseur européen de 6e génération serait une très mauvaise nouvelle pour l’administration Trump. Ce serait même un énorme camouflet !

Donc au final oui le Président des États-Unis a bien proposé le Lockheed-Martin F-35A Lightning II au premier ministre indien et non celui-ci n’a pas décidé de mettre fin à l’accord avec la France autour du Rafale Marine pas plus qu’il n’a choisi d’acheter l’avion furtif américain. Tout ça pour ça. Ça s’appelle, en mauvais français, du fact checking !

Photo © Marine Nationale


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

13 réponses

  1. Merci Arnaud d’avoir recadré le débat et corrigé ces sottises qui volent de conserve (je vous cite car j’aime bien l’expression) sur internet.
    Par ailleurs, intégrer l’Inde dans le programme SCAF ne serait pas inintéressant industriellement parlant et au regard de nos finances publiques, même si les négociateurs indiens sont féroces et que les discussions pourraient prendre des années… Voire faire un avion à deux seulement si jamais nos voisins germains sont trop gourmands, le fameux plan B d’Eric Trappier…

  2. Bonjour
    Au sujet des Rafale Marine indiens, je voudrais bien partager votre optimiste mais . . .
    En ce qui concerne les contrats d’armement il faut tout de même se rappeler qu’il n’y à pas d’amis où d’alliers qui comptent .
    Depuis une certaine affaire Aukus (2023) alors que le contrat était signé . . . on connait la suite . . .
    Une pensée particulière pour nos amis/alliers australiens anglais et américains . . .

    1. Il y a quand même des contraintes physiques. Les F-35C ne peuvent pas décoller d’un STOBAR de 260 mètres de long. C’est impossible sauf à vivre dans une monde parallèle. Quant au F-35B, je ne suis pas spécialiste des porte-avions indiens mais je les vois mal accueillir les bestiaux sans gros changements préalables. C’est probablement possible s’ ils retournent au chantier naval pour 2 ou 3 ans mais comme le programme Vikrant a déjà 10 ans de retard, ça ferait mauvais genre.

  3. Article très intéressant, bien écrit, argumenté, clair et honnête, merci pour votre prise de position ! Petit bémol : vous semblez évoquer un rapprochement euro-indien côté SCAF. Ce que j’ai lu jusqu’à présent (source GIFAS), c’était que tout au plus la France et l’Inde discutaient du développement conjoint d’un « système de combat aérien ». Toutefois, rien ne démontre qu’il s’agisse bel et bien du SCAF, dont les tâches de développement et de production sont déjà bien arrêtées côté France, Espagne et Allemagne. Sachant que la Suède a quitté le GCAP, il y a fort à parier que dans l’hypothèse d’un départ de l’Allemagne du projet, Stockholm cherche à prendre la place de Berlin (pas totalement improbable vu la dégradation des relations franco-allemandes, les espagnols semblant en revanche très fermes). Dans ce cas, je vois mal les pays SCAF accepter l’introduction d’un partenaire non européen dans le projet, d’autant que la Suède a déjà largement contribué et ce avec succès au démonstrateur nEUROn. En conclusion, intégrer l’Inde dans la « Core Team FCAS » (pour faire un anglicisme) je n’y crois pas trop, par contre, participer au développement au mieux d’une variante export du SCAF, avec une expertise sur les méthodes d’industrialisation et d’externalisation, why not. Toutefois, je pense plus, (c’est mon avis sur la question), à un partenariat sur le projet AMCA (conforme à la politique du make in India chère au Président Modi). Espérons dans ce cas que cela se finira mieux que la proposition de Safran au final rejetée par l’Inde pour des raisons a priori financières de finir la mise au point délicate du moteur GTX-35VS Kaveri, d’ailleurs en partie dédié au projet AMCA ainsi qu’au drone de combat Ghatak.

  4. Pour info voir sur zone bourse

    L’Inde lance un appel d’offres international cette année pour 114 avions de combat
    Le 14 février 2025 à 12:12

    1. Bonjour Dardev,
      Je ne compte plus le nombre d’appels d’offres indiens pour des avions militaires qui n’ont pas abouti.
      Avant la fin de ce nouvel appel d’offres pour 114 avions de combat le Baidi B-Type de l’Aviation Industry Corporation de Chine sera déjà devenu obsolète après une longue et honorable carrière.
      Traduit avec Google.

  5. Bonjour,
    Merci pour ces précisions.
    Je dois avouer que j’avais été très surpris quand j’ai entendu à la radio que l’Inde allait acheter des F-35.

    1. Ce n’est pas ce qui a été annoncé. Monsieur Trump a annoncé qu’ils se préparaient pour à terme, fournir des F-35 à l’Inde. Voici le phrasé officiel : «À partir de cette année, nous allons augmenter nos ventes militaires à l’Inde de plusieurs milliards de dollars. Nous nous préparons aussi à fournir à terme à l’Inde des avions de combat F35». Comme on le sait, en Inde, les processus d’achats et de décisions sont longs et complexes, et entre une annonce de monsieur Trump et une commande indienne, 10 ans peuvent s’écouler, et beaucoup d’aléas géopolitiques.

  6. Bravo pour ce courage Arnaud, c’était tellement loufoque ce qu’on pouvait lire depuis quelques jours… On retrouve le très faible niveau de culture aéronautique des « journalistes » lambdas. Enfin plus rien ne m’étonne après les années de Rafale « bashing » et surtout le revirement Suisse quelques jours avant la sélection de leur futur avion: le Rafale clairement en tête puis tout à coup la victoire surprise du F35 (avec bien entendu la « disparition » pure et simple des dossiers d’évaluation, normal c’est la Suisse ultra renommée pour son intégrité et sa droiture).
    Tant que ce n’est pas signé (et encore, cf Aukus)…

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