C’est un des avions militaires préférés de nombreux passionnés d’aviation. Malgré cela le Fairchild-Republic A-10 Thunderbolt II est un appareil qui se trouve désormais sur une pente fatale pour lui, celle de son déclin auprès de l’US Air Force. La cause de celui-ci est à chercher dans son inaptitude supposée à être engagé dans une guerre de haute intensité alors que justement il fut pensé pour celle-ci. Et ce n’est pas là le seul paradoxe de ce biréacteur hors-norme.
On passera sur le fait que l’A-10 Thunderbolt II est un avion d’attaque mis en œuvre dans l’US Air Force par des «fighter squadrons» c’est à dire des unités de chasse. C’est propre à l’aviation militaire américaine et cela ne représente pas vraiment un paradoxe, plutôt une anomalie dans la nomenclature du Pentagone. Par contre ce qui en est un clair et concret c’est que l’avion soit prochainement retiré du service alors que plusieurs officiers de haut rang de la même US Air Force ne cessent de clamer à qui veut l’entendre que le Warthog est un avion toujours très utile aux engagements américains. Il l’a prouvé à deux reprises en Syrie depuis la chute du régime El-Assad.
En fait la carrière même du Fairchild-Republic A-10 Thunderbolt II est une énorme paradoxe. Il a été pensée pour bousiller du char soviétique dans les plaines d’Europe centrale lors d’un affrontement est/ouest entre le forces du Pacte de Varsovie et celles de l’OTAN durant les années 1980 et 1990. Ses concepteurs n’avaient juste pas anticipé la glasnost et la perestroïka mises en place justement pendant les années 1980 par Moscou afin de commencer à mettre fin à la guerre froide. Deux politiques qui ont conduit à sa fin ainsi qu’à celle de l’URSS au tout début des années 1990. Comme on dit dans ce cas là l’A-10 Thunderbolt II a dû se réarticuler. Et cela s’est fait très vite puisque dès 1991 il tapait les colonnes de chars de l’Irak baasiste de Saddam Hussein. Par la suite il a participé tous les conflits asymétriques où l’Amérique avait besoin de lui. À tel point que les stratèges du Pentagone en ont fait un avion destinés à ces guerres. Quand l’A-10A avec ses paniers lance-roquettes et ses missiles AGM-65 Maverick était un pur avion de la guerre froide son petit frère l’A-10C gavé de bombes à guidage laser se révéla surtout adapté à l guerre asymétrique. Et ça c’est un vrai paradoxe auquel vint s’en greffer un second en février 2022 quand la Russie de Vladimir Poutine décida d’attaquer et d’envahir l’Ukraine souveraine. D’un coup d’un seul la guerre asymétrique s’effaçait laissant entrevoir un retour de la guerre de haute intensité, celle du format guerre froide hérité de 39/45. Sauf que l’A-10C n’y est plus vraiment adapté. En voilà un beau paradoxe : le Warthog pensé pour la guerre de haute intensité ne peut en fait pas y participer à cause de son évolution lente au fil des années.
L’autre paradoxe de l’A-10 Thunderbolt II est temporel. L’époque est à l’hyper polyvalence des avions de combat. Ne se vante t-on pas en France de l’aspect omnirôle de notre Dassault Aviation Rafale ? Les Américains sont dans un cas de figure très similaire avec leur Lockheed-Martin F-35 Lightning II qui se veut le plus multi-rôle possible. Et en face le pauvre Fairchild-Republic A-10 Thunderbolt II n’est bon qu’à frapper l’ennemi au sol. Même à la reconnaissance tactique il est mauvais. En fait c’est un boulet. Un superbe et très impressionnant avion, mais un boulet. Et l’US Air Force ne compte pas se le traîner très longtemps comme ça. Alors elle fait ce qu’elle fait de mieux dans ces cas là : elle le retire progressivement du service. C’est presque en catimini, sur la pointe des pieds que le Warthog quitte les unités d’active et de réserve pour rejoindre le tristement célèbre 309th Aerospace Maintenance and Regeneration Group, le «cimetière des éléphants» de Davis Monthan AFB. On y ressence actuellement 157 exemplaires de l’avion d’attaque en plus ou moins mauvais état. Cinquante sont des A-10A/OA-10A de première génération et le reste des A-10C plus récents. Trente-neuf y sont arrivés l’an dernier. Pour cette nouvelle année 2025 on estime que c’est une soixantaine d’exemplaires qui viendront y mordre la poussière. Oui le Warthog est vraiment sur une pente fatale.
Une lueur d’espoir existe cependant pour lui. Il devra pour cela troquer l’étoile pour la désormais mythique cocarde jaune et bleue. L’Ukraine le veut. Mais a t-elle les moyens de mettre en œuvre un avion aussi spécifique ? Pas sûr que la réponse soit négative quand on sait que ses pilotes volent déjà sur avions d’attaque Sukhoi Su-24 Fencer et Su-25 Frogfoot. Alors et seulement alors l’A-10 Thunderbolt II pourrait faire ce pourquoi il a été conçu : taper les chars envoyés par Moscou pour envahir l’Europe. Il annulerait alors un de ses principaux paradoxes.
Quoiqu’il en soit dans le pays des Dassault Aviation Mirage 2000D et SEPECAT Jaguar A je verrais bien un Fairchild-Republic A-10 Thunerbolt II trôner sur le tarmac du musée de l’Air et de l’Espace du Bourget. Et là il n’aurait rien de paradoxal !
Photos © US Air Force
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
18 réponses
Deux excellentes idées : en donner aux Ukrainiens, qui sauront en faire bon usage et à des musées. Problème toutefois, les Américains donnent des munitions, mais pas de matériel…
Pour les musées, une bête pareille en exposition, c’est impressionnant et ça fait venir le public.
Il y a d’autres sources d’approvisionnement, peut-être en Syrie. Au musée de la chasse de Montélimar, un Mig 25, ça prendrait certes de la place, mais question prestige et réputation, ce serait rentable.
Le A10 n’a pas été conçu pour être invincible. S’il a été fabriqué à plus de 700 exemplaires c’est justement pour compenser les pertes élevés prévus en cas de conflit. Je ne pense pas que l’Ukraine ait autant de pilotes à sacrifier à mettre dans cet avion de 50 ans.
Bonjour Olivier. Peut être connaissez vous un excellent jeu qui se nomme Dcs Word. Si ce n est pas le cas je vous le conseille. Le wartog est jouable. S agissant d une simulation au sens le plus pur du terme (jeu utilisé par l armée de l air sur les mirages 2000) il est bluffant de réalisme.
Bref le protocole de démarrage du wartog est complet. C est un jeu où chaque bouton du cockpit est fonctionnel. Le guide de l appareil fait 661 pages) d ailleurs, cher rédacteurs, c est une mine d information sur les appareils. C est assez bluffant.
Tout ca pour dire, comme disait les soldats irakiens, la mort venu du ciel, ça coupe un t 72 en deux et ça transforme l équipage en tartine. Mais la haute intensité des années 70 80 n a plus rien à voir aujourd’hui. Les bulles de défenses en sont là preuve. C est un avion ultra efficace mais lent. Difficile à entretenir, mono mission. Le comparer au f35 est aussi intelligent que de faire cuir un glaçon mais bon.
C est ce qu avait dit le général Brown a son sujet.
Aujourd’hui son retrait pousse à l irrationnel, au syndrome de diogene, le au cas où. Par contre le donner à un musée. Je suis certains que le musée de l air force en aura un. Il est LE symbole de Tempête du Désert… et de Transformers. Dsl on m’a forcé à sortir cette référence
Encore une fois (décidément…) vous mettez, Arnaud, le doigt sur LA question. Laquelle ? Celle du généraliste (économique en temps de paix) et celle des spécialistes (utiles quand c’est nécessaire). Bien sûr que le Spitfire est dépassé mais il n’empêche que le Super Tucano est intéressant. Toute menace a sa réponse. Encore faut-il avoir la masse pour répondre à la menace (éventuellement massive). Qui a cette capacité ? Il faut choisir entre l’échantillon (inutile) de tout et la spécialisation dans une alliance.
Simple: envoyons le en nombre en Ukraine, avec les pièces détachées, les munitions en nombre et le personnel ad hoc, et nous verrons s’il est obsolète le warthog?
Je mets une pièce sur le « NON »!
Un coup d’entretien de plus en plus élevé, trop spécialisé à l’air du multirôle, trop vulnérable dans une guerre de haute intensité du 21e siècle alors que les drones armés et munitions téléopérées existent, il y a beaucoup d’arguments qui plaident en faveur de son retrait. Il semble aujourd’hui certain que le warthog sera totalement retiré du service avant 2030. Il ne faudra pas oublier qu’il aura alors près de 55 ans de service.
Je me demande pourquoi les USA , ne les recyclerais pas en drones antichars / antipersonnel avec une bonne liaison satellite et l’électronique du global hawk , bref du matériel amorti.
Il est normal qu’un pays qui a des moyens comme les USA possède des avions spécialisés, pour moi, c’est une grave erreur de le remplacer par un avion polyvalent, le F-35 pour ne pas le nommer qui fait nettement moins bien l’attaque au sol et le soutien aux troupes. Vues les distances d’engagement dans ces « exercices », le F-35 n’est pas si invisible des radars adverses.
Tant que son armement n’est pas emporté en interne sa furtivité en demeure dégradée.
» en Syrie depuis la chute du régime El-Assad », est ce que vous pourriez développer ?
Salutations.
Que ne comprenez-vous pas dans la phrase Philippe13?
la question est:
les Us ont mis en oeuvre le A-10 en Syrie après la chute du régime El-Assad?
Bonjour Arnaud et les adeptes du site. Bonne année à toutes et à tous! J’ai lu dans un texte historique que Hans-Ulrich Rudel l’As des Stuka et notamment des Kanonenvogel a participé au développement de l’A10 à la manière de Werner non Braun et APOLLO mais plusieurs km plus bas. C’est vrai? Quelqu’un connaît les détails ?
« je verrais bien un Fairchild-Republic A-10 Thunerbolt II trôner sur le tarmac du musée de l’Air et de l’Espace du Bourget. Et là il n’aurait rien de paradoxal ! »
D’autant moins paradoxal qu’un ingénieur franco-américain, Pierre Sprey a contribué à son développement, tout comme celui du F-16, au sein de la « fighter mafia ».
Excellent article bien fouillé et très bien écrit.
Au risque de ne pas me faire des amis, j’ai toujours détester cet avion. Je le trouve laid et assez limité en effet. Je serais bien contente quand il aura quitté le service actif. On en parlera moins.
C’est vrai qu’il est franchement laid et actuellement dépassé. Par contre, quand on l’a vu à l’œuvre… Terrible !!!
Une remarque très pertinente, Jean-Luc, un plaisir à lire. The fighter mafia de par sa composition et de par son mode de fonctionnement était assez unique. Résultat: F15, F16, A10 et les soviétiques étaient KO…et le sont toujours.
J’ai lu un interview avec Pierre Sprey dans lequel il explique l’extrême redondance de tous les systèmes de l’A10. Est-ce que ça suffit contre les missiles sol-air modernes? Je le doute…
Vous avez raison de douter. Les missiles sol-air constituent une menace extrême non seulement pour l’A-10 mais également pour les avions gunship et plus largement encore pour les hélicoptères. L’US Army a d’ailleurs renoncé à son programme de nouvel hélicoptère d’attaque alors qu’il était entré dans la phase finale. Il n’est pas étonnant que les missiles lancés à une distance de sécurité soient privilégiés et le Spike NLos qui peut être tiré par hélicoptère à une distance de 50 kms soit un succès commercial. Quant aux troupes au sol, elles devront compter sur les tirs de mortiers de grande précision.