Bon gré mal gré la Françafrique se disloque un peu plus en 2025 et cela va dans le sens de l’Histoire. Dans ses vœux pour la nouvelle année le Président de la République de Côte d’Ivoire, monsieur Alassane Ouatara, a annoncé la prochaine rétrocession par la France du camp de Port-Bouët. Resté (sans doute) volontairement flou sur les autres composantes des EFCI le mystère plane donc encore quant à l’avenir à court et moyen terme des détachements de l’ALAT et de l’Armée de l’Air et de l’Espace. À l’année ce sont trois hélicoptères français qui sont basés dans le pays.
À la différence des pouvoirs illégitimes en place au Mali et au Niger issus de coups d’état la Côte d’Ivoire est une démocratie. Alassane Ouatara est à sa tête suite à un processus électoral classique. Cela donne donc plus de portée à ses actes qu’à ceux des dictateurs maliens et nigériens. Et son discours de vœux pour 2025 le prouve. Il ne veut plus de la présence permanente des Éléments Français de Côte d’Ivoire, sous la forme du 43e Bataillon d’Infanterie de Marine. Mais surtout Alassane Ouatara parle d’un désengagement français concerté avec Paris. Grosse différence donc vis-à-vis de ses homologues dictateurs qui eux ont choisi unilatéralement d’en finir avec l’ancienne puissance coloniale avant de se vautrer dans les bottes du néocolonialisme poutinien.
Officiellement les EFCI, les Éléments Français de Côte d’Ivoire, sont en place depuis 2015 et la fin de l’opération Licorne. Ils comptent environ 950 femmes et hommes engagés en trois points différents : le camp de Port-Bouët donc, le détachement d’instruction et d’aguerrissement lagunaire de Port-Bouët, et le détachement Air de La Bourgerie. Ce dernier est en fait une emprise militaire de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny à… Port-Bouët. Vous l’aurez compris les positions françaises sont regroupées autour de cette commune de la métropole d’Abidjan. Les EFCI sont en fait absentes de Yamoussoukro, la capitale ivoirienne.
Donc il est désormais avéré que le 43e BIMa va faire ses bagages et quitter la Côte d’Ivoire dans le courant de ce mois de janvier 2025. Quid alors des unités aériennes composées du DetALAT et du DetAir. Le détachement de l’ALAT se compose de deux Aérospatiale SA.342 Gazelle qui n’ont plus vraiment de raisons d’y exister si les marsouins du 43e Bataillon d’Infanterie de Marine sont partis. Il en est assez différemment du détachement de l’Air et de l’Espace articulé autour d’un Eurocopter AS.555 Fennec et de son Détachement Air 168 de La Bourgerie.
Car celui-ci est bien plus que la base d’un hélicoptère biturbine léger c’est une véritable escale aérienne où les avions de transport tactique comme l’Airbus Military A400M Atlas ou encore le Lockheed C-130H-30 Hercules ont leurs habitudes. Pourquoi des appareils d’un tel gabarit vous demanderez vous sans doute ? Simplement parce qu’ils permettent d’accueillir des troupes aéroportées de plusieurs pays africains venus se former au parachutage depuis le Détachement Air 168. En juin dernier il a même accueilli pour une vingtaine d’heures trois avions de combat Dassault Aviation Mirage 2000D en escale. L’occasion pour les officiels ivoiriens d’approcher de près cet avion d’attaque de très grande précision. Le DetAir assure également des missions de formation aux profits des pompiers de plusieurs forces aériennes africaines. Et c’est peut-être ces fonctions «scolaires» qui pourraient permettre de sauver le Détachement Air 168, à condition que Balard soit d’accord.
Quitte à se désengager massivement de Côte d’Ivoire il n’est pas impossible que le ministère des Armées choisisse, seul ou bien avec le concours du Quai d’Orsay, de laisser également tomber les implantations aériennes de La Bourgerie. En fait bien plus que la fin de la Françafrique, initiée sous le mandat de François Hollande, c’est bel et bien vers une réarticulation de nos moyens armées qu’Emmanuel Macron nous conduit. Ciao l’Afrique, bonjour l’Asie Pacifique ainsi que l’Europe orientale et septentrionale. La stabilité africaine n’intéresse plus l’Élysée, plus de soixante ans après la fin de la période coloniale. Le menace est ailleurs, tournée vers Moscou et Pékin.
Pourtant Alassane Ouatara continue de parler de la France comme d’un partenaire de premier plan. Car le président ivoirien ne veut pas couper les ponts avec l’ancienne puissance coloniale. Sans doute a t-il compris les erreurs de ses voisins dictateurs qui ont tout simplement isolé leurs populations du reste du monde en virant les forces françaises. Ouatara sait qu’entre Abidjan et Paris les vols commerciaux Air France sont bien plus que des liaisons aériennes quotidiennes, elles sont l’accès pour les Ivoiriens à un hub planétaire : Roissy Charles de Gaulle.
Du coup que va t-il rester en Afrique des forces prépositionnées de la France ? Évidemment Djibouti mais aussi les EFG et EFS, respectivement Éléments Français au Gabon et Éléments Français au Sénégal. Si les EFG sont particulièrement stables actuellement les EFS font l’objet de critiques plus fortes de la part de la rue sénégalaise. Des influences extérieures ne sont pas impossibles d’ailleurs sur ce dossier.
Ce premier semestre 2025 sera donc essentiel à la bonne compréhension des relations diplomatiques et militaires entre Paris et Yamoussoukro. Un peu plus de vingt ans après le bombardement de Bouaké dans lequel neuf de nos soldats avaient été tués par l’aviation ivoirienne, ainsi qu’un civil de nationalité américaine, et qui avait fait quarante blessés il se peut qu’une page se tourne. À l’époque la Côte d’Ivoire en avait payé le prix fort militairement parlant. Il faut savoir avancer.
Affaire à suivre.
Photos © Éléments Français de Côte d’Ivoire.
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8 Responses
Et bientôt du Sénégal. Vraiment, du grand Macron, en sept ans on aura perdu quasiment toute l’Afrique…
On a rien perdu. Ce sont des États souverains. Vous accepteriez une base us qui s occupe de la défense française et accessoirement met son nez dans les affaires interne.
Ils veulent de l autonomie,et une indépendance stratégique, il faut la leur donner.
U
Les vieux vendeurs de photocopieurs quand ils se faisaient rembarrer disaient « avec ce que vous avez acheter on est amener à se revoir » et parfois débranchant les prises pour faire planter les engins. Bref la France Afrique est aussi inutile que de maintenir des bases à grand frais dans des zones qui n ont pas de risques stratégiques immédiat.
Il vaut mieux faire profil bas et garder des liens économiques.
Macron n est pas plus responsable que les derniers président qui ont envoyés des valises de billets la bas payés par nos impôts tout ca pour maintenir une influence. Ca ressemblait plus a du chantage. Arrêt buffet monsieur.
Ne pensez vous pas Bernard que soixante ans après leur indépendance les pays africains ont enfin l’occasion de se prendre en main par eux même, quitte à faire l’erreur de tomber dans les bras de la Russie ?
Bah alors papy Bernard tu te crois encore dans les années 50? C’est fini la France colonialiste, c’est fini le gaullisme, réveille toi pépé.
C’est leur droit le plus strict de vouloir que seul leur armée soir sur le sol du pays.
Que fera la France (l’Europe ou les USA) quand un de ces pays, sera confronté aux djihadistes et appellera pour obtenir de l’aide que ces voisins ne pourront lui offrir ?
N’y-a-t-il pas un risque de voir le virus de la souveraineté gagner la Polynésie, la Guyane, etc ? Je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi la France n’avait pas de puissantes bases aéronavales et terrestres dans ces régions.
Que l’on déplace cet argent et ces forces armées vers l’Outre-mer français qui lui risque d’en avoir vraiment besoin surtout en Indo-Pacifique !
Chacun aura son avis, même si en finalité seuls comptent les avis des militaires et des responsables politiques. Je n’ai jamais trouvé l’explication officielle à la question « Pourquoi la France ne renforce-t-elle pas sa présence militaire dans l’Indo-Pacifique ? » Il n’y a pas d’explication officielle ou c’est un secret défense ??? Mystère…