Combien les Alliés ont-ils ordonné de vols au-dessus d’Auschwitz ?

C’est une question qui a longtemps divisé les historiens et qui a permit d’alimenter les négationnistes et révisionnistes en faux arguments : les Alliés savaient t-ils pour l’extermination des juifs et juives d’Europe ? Ce qui est sûr c’est qu’à partir de fin 1942 ils savent pour le système concentrationnaire grâce au rapport Zarembina, du nom d’une journaliste polonaise. Dès lors des vols de reconnaissance vont bien avoir lieu au-dessus d’Auschwitz, principalement par des équipages de la South African Air Force. Moscou de son côté a toujours refusé d’envoyer ses avions de reconnaissance au-dessus des camps de la mort.

En novembre 1942 la journaliste polonaise Natalia Zarembina recueille et publie les témoignages d’Edward Bugajski, d’Eryk Lipinski, et de Henryk Swiatkowski. Ces trois hommes ont réussi à s’évadé du complexe concentrationnaire d’Auschwitz. Complexe et non camp, car parler du camp d’Auschwitz est un raccourci trop souvent fait. On y trouve trois camps : Auschwitz I, Auschwitz II, et Auschwitz III. Le total représente un peu plus de 203 hectares. C’est gigantesque.

Très rapidement le rapport Zarembina fait l’effet d’une bombe auprès des Alliés. Ils savaient bien entendu que ce qui se tramait dans la plaine d’Auschwitz n’avait rien à voir avec des camps de travailleurs. Américains et Britanniques s’entendent pour ordonner des missions de reconnaissance aérienne, les Soviétiques s’y opposent. Pour ces derniers le sort des juifs d’Europe n’est en rien une priorité. Staline ne cache à l’époque pas son antisémitisme. Les Britanniques proposent alors, afin de noyer le poisson vis-à-vis des espions nazis, de faire appel au NAPRW. Il s’agit là du Northwest African Photographic Reconnaissance Wing en charge des missions autour du Maghreb. On est donc loin du sud de la Pologne. Reste alors à trouver l’unité dédiée à ses vols et à lui octroyer des créneaux adaptés. Ce sera le N°60 Squadron de la South African Air Force évoluant alors sur bimoteurs De Havilland Mosquito PR Mk-IV.

Les services alliés de renseignement se donnent alors tout le printemps 1943 pour en savoir plus, par les airs, sur les camps d’Auschwitz. Une première mission connue sous la désignation PR288 (PR pour Photographic Reconnaissance) les survole le 4 avril 1943. Les Mosquito PR Mk-IV sud-africains évoluent à 26 000 pieds d’altitude et essuient des tirs de la Flak. Les premières images analysées permettent aux Américains et aux Britanniques de comprendre l’étendu d’Auschwitz mais aussi l’industrialisation de la mort sur place. La solution finale c’est à dire l’extermination du peuple juif est déjà en marche depuis janvier 1942.

Le 27 avril 1943 l’agent secret polonais Witold Pilecki, qui s’était fait raflé volontairement par les nazis afin d’en savoir plus sur les camps d’extermination, réussit à s’évader avec deux autres internés : Edward Ciesielski et Jan Redzej. Il expliquera aux Alliés la stupeur des Waffen SS après le passage des avions de reconnaissance… qu’ils ont pris pour des bombardiers. Pilecki indique également à la Royal Air Force où les Mosquito PR MK-IV doivent désormais focaliser leur mission : les chambres à gaz et les fours crématoires. La mission PR462 du 31 mai 1943 est réalisée dans ce sens. Au retour des avions les Alliés découvrent la monstruosité nazie : de la fumée s’élève des cheminées au passage des avions.

Une pose sera alors observée car les Britanniques pensent que les Allemands ont percé le secret des vols au-dessus d’Auschwitz. Pendant plus d’un an aucun n’aura lieu avant que la mission PR522 ne soit ordonnée par les Britanniques à leurs alliés sud-africains le 26 juin 1944. À 30 000 pieds d’altitude les Mosquito de reconnaissance photographient les évolutions d’Auschwitz. Mais désormais ces missions sont devenues trop difficiles, la Flak étant désormais omniprésente. Pourtant le 25 août 1944 une ultime mission a lieu. Les Britanniques ne sont pas à son origine, ce sont les Américains qui la demandent. PR694 verra les bimoteurs sud-africains évoluer là encore à 30 000 pieds mais cette fois se focaliser sur des parties de soutien logistique comme la raffinerie ou encore des usines d’assemblages dans lesquels certains déportés étaient rendus en esclavage. En fait PR694 ne cherchait pas à renseigner sur la barbarie hitlérienne mais bien à préparer des raids aériens futurs.

Auschwitz vu lors du vol PR522.

Et ceux là seront conduits bien plus tard par l’US Army Air Force, entre l’été et l’automne 1944. Le 20 août, le 13 septembre, et les 18 et 26 décembre de cette année là Boeing B-17 Flying Fortress et Consolidated B-24 Liberator vont déverser des centaines de tonnes de bombes sur les parties annexes d’Auschwitz. Aujourd’hui encore on ignore le nombre de déportés tués lors de ces raids. Lors du dernier bombardement, celui du 26 décembre, un F-7 Liberator assurera des prises de vues après frappes. On y découvrira alors que les chambres à gaz et les fours crématoires d’Auschwitz II et III n’ont pas bougé.

Plusieurs questions restent en suspend après ces missions de reconnaissance sud-africaines comme par exemple de savoir si les équipages de Mosquito PR Mk-IV savaient réellement ce qu’ils survolaient à Auschwitz ? Tous les renseignements glanés à la demande des Américains et des Britanniques étaient t-ils confié à l’URSS, elle qui refusa d’apporter son aide à ces missions ?

Ce qui est sûr c’est que c’est par la connaissance historique des faits que nous permettrons de maintenir la mémoire des victimes et celle des survivants. C’est aussi avec elle que nous ferons reculer la bêtise crasse des négationnistes de la Shoah et des révisionnistes. Nous le devons à celles et ceux qui ont laissé la vie dans ces camps de la mort.

Photos © UK Ministry of Defence


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

2 réponses

  1. Un salutaire rappel sur ce que la haine a pu permettre.

    L’Humanité avait espéré ne plus jamais revivre ces horreurs. Hélas, il y aura toujours des personnes prêtent à recommencer. Il faut combattre ceux qui propagent la haine de l’autre où qu’ils se manifestent.

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