Une force aérienne centenaire tournée vers l’avenir

Alors que l’année du centenaire de l’Aviation royale canadienne (ARC) tire à sa fin, c’est le temps de se tourner vers l’avenir. Pour clore cette année spéciale, je vous propose une prospective à court terme de l’évolution de la flotte d’aéronefs de l’ARC. Voici donc un court portrait des vieux aéronefs qui quitteront et ceux qui joindront les rangs de l’ARC, dans l’horizon des cinq prochaines années.

Durant cette période, l’aviation de chasse de l’ARC va connaître tout un bond technologique, en débutant la transition du CF-188 Hornet vers le CF-135 LightningII. Les quatre premiers CF-135 arborant la cocarde canadienne seront livrés en 2026, à Luke Air Force Base (AFB) en Arizona. C’est là que les pilotes canadiens vont prochainement débuter leur formation. Suivront six autres appareils en 2027, et six additionnels en 2028. La pleine capacité opérationnelle pour l’ensemble de la flotte des 88 exemplaires du CF-135 est prévue entre 2032 et 2034.

CF-188 Hornet et CF-135 Lightning II (vue d’artiste)

Dès leur entrée en service opérationnel, les CF-135 pourront compter sur une nouvelle flotte d’avions ravitailleurs. En effet, l’ARC sera dotée d’une dizaine d’appareils Airbus A330 MRTT. Le premier de ces avions ravitailleurs de nouvelle génération doit être livré à l’ARC en 2025, alors que les derniers CC-150 Polaris prendront leur retraite en 2028. Des CC-330 Husky volent déjà aux couleurs de l’ARC, en attendant leur conversion en MRTT, dont un aménagé en configuration VIP avec son élégante livrée.

Airbus CC-330 Husky / livrée basse visibilité
Airbus CC-330 Husky / livrée CanForce One
Airbus CC-330 MRTT Husky (vue d’artiste)

La devise du Canada « A Mari Usque Ad Mare » rappelle que le pays est entouré de trois océans: Atlantique, Pacifique et Arctique. Patrouiller une zone maritime nordique aussi vaste présente tout un défi. Heureusement, l’ARC a pu compter sur l’un des meilleurs avions de patrouille maritime au cours des dernières décennies, soit le CP-140 Aurora. Toute bonne chose ayant une fin, l’ARC a choisi le Boeing P-8A Poseidon comme successeur de l’increvable (mais pas éternel) Aurora. La quinzaine d’appareils commandés doivent être livrés en 2026 et 2027. On attend encore la désignation officielle de l’ARC pour cette recrue.

Boeing P-8A Poseidon (vue d’artiste)

Du côté des Anges jaunes, la flotte des CC-295 Kingfisher poursuit sa montée en puissance. Initialement prévue en 2024, la pleine capacité opérationnelle de cette flotte ne sera atteinte qu’en 2029-2030. Une certaine pandémie ayant retardé les livraisons, puis divers problèmes techniques devant être résolus par Airbus, font en sorte que la transition entre les biens aimés CC-115 Buffalo et les CC-295 Kingfisher est laborieuse. Conséquemment, la carrière des bons vieux CC-130H Hercules affectés aux missions de recherche et sauvetage est prolongée. En parallèle, la modernisation et l’augmentation de la flotte d’hélicoptères CH-149 Cormorant annoncée en 2022 se poursuit, le dernier devant être livré en 2029.

Airbus CC-295 Kingfisher

En avril dernier, le Canada annonçait son intention d’investir 18,4 milliards de dollars, sur un horizon de 20 ans, pour acquérir une flotte de nouveaux hélicoptères destinés à remplacer ses Bell CH-146 Griffon. En 2024, le Canada joignait les rangs des pays partenaires du programme NGRC (Next Generation Rotorcraft Capability) de l’OTAN, dans le cadre duquel un contrat a été attribué en juillet dernier à Airbus pour mener une étude conceptuelle.  En parallèle, le Canada suit de près l’évolution du programme militaire américain FVL (Future Vertical Lift). Bien malin celui qui pourrait prédire quel sera le successeur du CH-146 Griffon. Toujours est-il que les increvables CH-146 font actuellement l’objet d’un programme de modernisation qui devrait permettre d’étirer leur carrière jusqu’en 2035, et peut être même au-delà.

Bell CH-146 Griffon

Côté avions de transport, l’arrivée des CC-330 Husky va accroître significativement les capacités logistiques de l’ARC. Les CC-130J Super Hercules vont demeurer la cheville ouvrière du transport tactique, mais pour le transport stratégique la question de la succession des CC-177 Globemaster III va commencer à se poser, bien qu’un programme de modernisation des CC-177 a permis d’allonger leur carrière jusqu’en 2040. À moins que Boeing décide de produire un éventuel Globemaster IV, l’Airbus A400M Atlas pourrait constituer la solution par défaut. Dans un autre ordre de grandeur, la flotte actuelle de CC-144 Challenger est constituée d’appareils Bombardier Challenger 650 récents et de vieux Challenger 604.  Ces derniers devront être remplacés très prochainement, soit par de plus modernes Challenger, ou par des Bombardier Global de plus grande autonomie. Là où il y a davantage urgence, c’est le remplacement de la flotte des vieux avions de brousse CC-138 Twin Otter, qui devait initialement être complété en 2024. Inexplicablement mis sur la glace, la solution était pourtant simple. Il n’y a qu’un seul avion aux capacités similaires qui existe, soit le Twin Otter de nouvelle génération. Espérons que ce dossier va enfin débloquer en 2025, car cet avion ADAC tout-terrain est indispensable dans le Grand Nord canadien !

Bombardier CC-144D Challenger (650)

Le nouveau programme de formation des pilotes de l’ARC doit débuter en 2027. À cette fin, une nouvelle flotte d’aéronefs prendra la relève des actuels Grob CT-102, Beechcraft CT-156 Harvard II et Bell CH-139 Jet Ranger. Les successeurs désignés sont les avions Grob 120TP et Pilatus PC-21, ainsi que l’hélicoptère Airbus H135. L’année 2024 fut celle du retrait de service du CT-155 Hawk, causé par l’arrivée prochaine des CF-135 Lightning II. Les pilotes de chasse canadiens vont initialement poursuivre leur formation dans des pays déjà utilisateurs du chasseur de cinquième génération. La course au successeur éventuel du CT-155 n’est pas encore officiellement lancée, mais déjà les constructeurs du FA-50 Fighting Eagle, du T-7A Red Hawk et du M-346 FT (Fighter Trainer) ont débuté leur opération charme. Du même souffle, Leonardo a même proposé une solution non sollicitée pour le remplacement des CT-114 Tutor de l’équipe des Snowbirds. Le remplacement des vénérables Tutor commence sérieusement à presser, malgré la modernisation récente de leur avionique.

Pilatus PC-21 (vue d’artiste)

Pour ce qui est des aéronefs de surveillance, l’année 2024 fut marquée par l’arrivée du premier Beechcraft  CE-145C Vigilance, dont les livraisons seront complétées en 2025. Au cours des années suivantes , l’entrée en service des Boeing P-8A Poseidon, qui sont des plateformes multi-missions qui vont bien au-delà de la patrouille maritime, va renforcer les moyens de surveillance de l’ARC. Il en sera de même avec les drones MQ-9B SkyGuardian dont les premiers sont attendus en 2028. Pour compléter le futur système aéroporté de détection et de contrôle de l’ARC, ne manque que des avions AWACS. Jusqu’à l’élection récente de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le choix logique du Canada semblait être le Boeing E-7A Wedgetail. Les inepties récentes de Trump quant à ses lubies d’annexion du Groënland et du Canada, sans compter ses menaces d’impositions de barrières tarifaires de 25% sur les importations en provenance du Canada et du Mexique (l’Europe ne perd rien pour attendre…), mettent à mal la longue amitié canado-américaine. Dans ce contexte, il serait très mal vu par la population canadienne d’acquérir de nouveaux avions militaires américains. La branche défense de Bombardier espère tirer profit de ce flottement, en proposant une alternative basé sur son Global 6500. Tout comme la France, le Canada peut aussi considérer le Saab GlobalEye comme alternative.

General Atomics MQ-9B SkyGuardian (vue d’artiste)
Boeing E-7A Wedgetail (vue d’artiste)

Bien que le Canada jouit d’une balance commerciale largement positive face aux États-Unis, avec ses mesures protectionnistes Trump risque de se tirer une balle dans le pied puisque 60% du pétrole importé provient du Canada, sans compter les importations de gaz naturel, d’électricité et de minéraux critiques. Pour les exportateurs américains, le marché canadien représente à lui seul le total des exportations vers la Chine, le Japon et l’Europe réunis ! Une guerre commerciale serait donc toute aussi néfaste pour les États-Unis, que pour le Canada. La situation actuelle est d’autant plus délicate que le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau est en pleine crise et risque de tomber à tout moment. Des élections auront lieu inévitablement en 2025, possiblement dans les premiers mois de l’année. Si l’on en croit les sondages, le Parti Conservateur du Canada est largement en avance dans les intentions de vote et le Parti Libéral de Trudeau va subir une sévère raclée. Indépendamment des convictions politiques de chacun, le chef du Parti Conservateur, Pierre Poilievre, s’est engagé à hausser substantiellement les dépenses militaires du Canada. Aussi, il veut simplifier et accélérer le processus d’acquisition de matériel militaire. Les alliés de l’OTAN vont sûrement s’en réjouir et cela augure bien pour l’évolution de la flotte de l’ARC. Les prochaines années risquent donc d’être fertiles en rebondissements !


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

6 Responses

  1. Salut Marcel, et les Passionnés,
    Encore un bon article, qui nous apporte des infos intéressantes pour la connaissance de l’évolution de l’ARC. D’ailleurs, il est à remarquer que cette dernière englobe aussi les moyens aéroportés maritimes contrairement à la France, et à son futur envahissant voisin…!
    Passionnément,

    1. Au Canada tous ce qui vole et est du domaine militaire relève de l’ARC y compris les avions et hélicoptères que ce soit pour épauler la marine ou les forces terrestres. Contrairement à la France les avions et hélicoptères sont placés sous la responsabilité de l’Armée de l’air et de l’espace la marine française commende son matériel volant via l’aéronavale et l’ALAT commende les hélicoptères qui épaule l’ armée française. Il faut noter qu’au Canada la marine et l’armée canadienne ont des drones qui sont sous leur responsabilité respectives ces drones n’ont cependant rien à voir avec ceux que l’ARC à commander et qu’elle recevra a partir de 2028. Cordialement.

  2. Merci Marcel pour ce superbe travail
    Par hasard, j’ai revu hier le film « Arrow », je commençais à oublier certains détails, notamment le fait que la France voulait équiper ses Mirage III et/ou IV de réacteurs Iroquois, quel gâchis tous ces cerveaux qui ont quitté le canada pour la plupart.

  3. Merci,Marcel pour le reportage vraiment intéressant pour les drones ,les mrtt,les F-35,les Poséidon ainsi que les avions et hélicoptères d’entraînement je savais de même pour les Kingfisher et les Cormoran je ne savais pas pour les programmes visant le remplacement des Griffon (je savais pour le programme de modernisation) je ne savais pas pour la modernisation des C-17 (vrai qu’ils ont 10 ans) il est par contre malheureux de voire le remplacement des Tutors des Snowbirds et des Twin Otter traîné. Quand tu dis que si il y a une guerre commerciale avec les USA que le Canada risque d’acheter ailleurs que chez l’ oncle Sam celà reste a voire si les conservateurs forme le prochain gouvernement et s’il est fortement majoritaire l’opinion publique risque de ne pas pesé très lourd vu le caractère particulier du chef de ce partie mais ce n’ait que mon opinion personnelle. Cordialement. Bonne année à toute l’équipe d’Avions légendaires.

  4. Effectivement Marcel je suis curieux de savoir quel hélicoptère, voir pourquoi pas le convertiplane Bell V-280 Valor, va remplacer le CH-146 Griffon. Aux vues des liens très étroits entre le Canada et Bell Helicopters je parierais tout de même sur ce constructeur. Et pourquoi pas sur une militarisation du Bell 525 Relentless ?

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