Alors qu’un « nouveau » Président américain va prêter serment en janvier prochain, et qu’un autre s’apprête à quitter la Maison Blanche, les images d’Épinal du Commandant en chef saluant la foule alors qu’il s’apprête à embarquer à bord de Air Force One va simplement changer de visage. Certains présidents ont rempli cette fonction avec grande classe et compétence, alors que d’autres furent indignes de cet honneur. L’objectif du présent article n’est pas de louanger ou de dénigrer l’un ou l’autre. Je vise plutôt à honorer les hommes et les femmes qui protègent le Président démocratiquement élu lors de ses déplacements, peu importe leurs opinions personnelles. On pense bien sûr aux gardes du corps du Secret Service, mais on oublie trop souvent le personnel de l’US Air Force. Certains vont souligner, avec raison, qu’il ne faut pas oublier les membres de l’US Marine Corps affectés au bon fonctionnement des hélicoptères présidentiels Marine One. Rassurez-vous, nous y reviendrons dans un prochain article. L’occasion est donc belle de vous proposer, dans un premier temps, un album de famille des avions présidentiels américains qui se sont succédés au fil des ans. Ces avions, au destin particulier, participèrent parfois à de grands évènements historiques.
Le Douglas Dolphin RD-2 fut le premier aéronef spécifiquement affecté au transport du président Franklin D. Roosevelt. Livré en 1933 à l’US Navy, un RD-2 fut modifié avec l’aménagement d’une cabine de luxe pour quatre passagers, ainsi que d’un petit compartiment de couchage séparé. Le RD-2 présidentiel fut opérationnel de 1933 à 1939, bien qu’aucune preuve de son utilisation par FDR semble exister.
Le premier vol confirmé d’un président américain en fonction se déroule durant la Deuxième Guerre mondiale. En janvier 1943, Franklin D. Roosevelt s’envole à bord d’un hydravion Boeing 314 Clipper à destination de la Conférence de Casablanca où il rencontre Winston Churchill et Charles de Gaulle pour discuter des suites du conflit. Désignés Boeing C-98, les appareils Clipper de la Pan Am furent réquisitionnés par l’US Navy dès l’entrée en guerre des États-Unis compte tenu de leur intérêt stratégique. Le transport aérien était alors le moyen de transport transatlantique privilégié en raison de la menace constante des sous-marins allemands pendant la Bataille de l’Atlantique.
Vers la fin de la guerre, un Douglas VC-54 Skymaster spécialement aménagé pour transporter Franklin D. Roosevelt prit la relève. Surnommé Sacred Cow, ce C-54 était muni d’une salle de conférence, d’un espace de couchage et même d’un élévateur rétractable pour hisser FDR et son fauteuil roulant dans l’avion. Déjà très malade, FRD n’a volé qu’une seule fois à bord du Sacred Cow qui l’a transporté à la Conférence de Yalta en février 1945 où il rencontra Joseph Staline et Winston Churchill. Le Sacred Cow va demeurer en service jusqu’en 1947. C’est à bord de cet avion que le président Harry S. Truman a signé le National Security Act de 1947, qui marque la naissance de l’US Air Force en tant que branche distincte de l’armée (anciennement l’US Army Air Forces). Restauré, le Sacred Cow est maintenant exposée au National Museum of the United States Air Force à Dayton, dans l’Ohio.
Doté d’une plus grande autonomie que la Vache sacrée, c’est un avion Douglas DC-6 qui prend la relève en 1947. Spécialement aménagé, le tout nouveau Douglas VC-118 Independence dédié au président Harry S. Truman fut ainsi nommé d’après sa ville natale dans le Missouri. Cet avion a notamment transporté Truman à l’île Wake dans le Pacifique pour sa confrontation historique avec le général Douglas MacArthur en octobre 1950, pendant la Guerre de Corée. Le VC-118 est demeuré le principal avion présidentiel, jusqu’en 1953. Aujourd’hui, l’Independence est préservé aux côtés du Sacred Cow en Ohio.
Le premier avion de transport présidentiel de Dwight D. Eisenhower (surnommé Ike) fut un Lockheed VC-121A Constellation entré en service en 1953. Il fut baptisé Columbine II, l’Ancolie (Columbine) étant la fleur officielle du Colorado, l’État préféré de son épouse. Rappelons que le Columbine I fut le premier appareil VC-121A utilisé par Ike alors qu’il était encore Général dans l’armée. L’indicatif d’appel Air Force One fut utilisé pour la première fois en 1953 par le pilote du Columbine II lors d’un vol vers la Floride. Il craignait que les contrôleurs aériens ne confondent l’indicatif d’appel de l’avion présidentiel, Air Force 610, avec l’indicatif du vol commercial 8610 d’Eastern Airlines volant dans le même secteur. Le Columbine III, un VC-121E Super Constellation va s’ajouter à la flotte présidentielle à compter de 1954 et sera en service jusqu’à la fin du mandat de Ike en 1961. Magnifiquement restauré, le Columbine III est la vedette du National Museum of the United States Air Force dans l’Ohio. Considéré pendant plusieurs années comme le « Air Force One perdu », le Columbine II, fut abandonné dans le désert pendant plusieurs années avant d’être racheté, en 1970, avec un lot de quatre autres appareils Constellation destinés à la récupération de pièces détachées. En 1980, le Smithsonian contacta le propriétaire pour l’informer qu’un de ces avions était en fait le premier Air Force One. Il comprit qu’il ne pouvait pas le mettre à la casse et, pendant plus d’une décennie, il essaya de trouver un moyen de le restaurer. Karl Stoltzfus, Sr., le fondateur de Dynamic Aviation en Virginie, fit l’acquisition du Columbine II en 2014 et s’emploie depuis à restaurer l’appareil. Sous les auspices de l’organisme First Air Force One, cette cure de jouvence pratiquement complétée a permis de faire voler à nouveau cet avion historique.
Durant le deuxième mandat du président Eisenhower, Air Force One entre dans l’ère des avions à réaction. En août 1959, Ike vola pour la première fois à bord du Boeing VC-137A. La vitesse, l’autonomie, le confort et l’élégance de ce jet en faisaient l’appareil idéal pour le dirigeant d’une puissance mondiale. En décembre 1959, il transporta Eisenhower lors d’un voyage de courtoisie sans précédent de trois semaines dans onze pays d’Europe, d’Asie et d’Afrique du Nord.
Désigné Boeing VC-137C, un nouvel avion entre en service au cours de l’année 1961 et assure notamment le transport du président John Fitzgerald Kennedy nouvellement élu. En 1962, la livrée de l’avion présidentiel va prendre une nouvelle apparence. Raymond Loewy, célèbre designer industriel d’origine française, va proposer une élégante livrée bleu et blanche. Aussi, le United States of America affiché en grandes lettres sur les deux côtés du fuselage apparaît, complété d’un large drapeau américain sur la dérive verticale de l’avion. Ce design sera repris sur tous les avions Air Force One suivants. En juin 1963, le VC-137C a transporté Kennedy dans un Berlin divisé, où il a prononcé sa célèbre déclaration « Ich bin ein Berliner ». Tristement, en novembre 1963, il a ramené le président Kennedy assassiné de Dallas à Washington pour les funérailles nationales. C’est à bord du même avion que le vice-président Lyndon B. Johnson a prêté serment en tant que nouveau président des États-Unis. En 1972, cet appareil fut rejoint par un avion jumeau qui a ramené le président Richard Nixon à la vie privée après sa démission soudaine en août 1974. Ces deux avions ont subi plusieurs chantiers de modernisation avant d’être remplacés en 1990-1991. Un Boeing VC-137C est préservé par le National Museum of the United States Air Force, mais il est actuellement exposé au Museum of Flight de Seattle dans le cadre d’un prêt.
Nos jeunes lecteurs sont sans doute plus familiers avec les actuels Boeing VC-25A qui ont effectué leur premier vol en 1987. Le design intérieur des deux appareils, de style Sud-Ouest américain, fut conçu par l’épouse du président Ronald Reagan. Des problèmes de câblage intérieur ont toutefois retardé la livraison des deux avions jusqu’en 1990, soit sous l’administration du président George W. Bush L’électronique de bord est connectée par environ 380 km de câblage, soit deux fois plus que celui d’un Boeing 747 ordinaire. Tout le câblage est recouvert d’un blindage spécial pour la protection contre une impulsion électromagnétique nucléaire. L’avion peut donc être utilisé comme centre de commandement militaire en cas d’attaque nucléaire. Les modifications opérationnelles comprennent également une capacité de ravitaillement en vol ainsi que et des contre-mesures contre les missiles anti-aériens. L’avion dispose notamment de contre-mesures électroniques pour brouiller le radar ennemi, de fusées éclairantes pour éviter les missiles à tête chercheuse et de paillettes pour éviter les missiles guidés par radar. De nombreuses autres capacités du VC-25 sont classifiées top secret. Au risque de décevoir les cinéphiles qui ont visionné l’iconique film Air Force One sorti en 1997, il n’y aurait toutefois pas de capsule d’évacuation d’urgence du président dans le véritable VC-25A.
Notons que les VC-25A sont également utilisés pour transporter d’anciens présidents décédés. Les corps de Ronald Reagan, Gerald Ford et George HW Bush ont été transportés vers Washington pour des funérailles nationales, puis vers leurs lieux de repos final. La tradition de placer les cercueils dans la cabine des passagers remonte à l’assassinat de John F. Kennedy, lorsque l’équipage refusa que le corps du président soit placé dans la soute.
Les deux VC-25A actuellement en service devraient être remplacés, le premier en 2027 et le second en 2028. Deux nouveaux avions, basés sur le Boeing 747-8I et désignés VC-25B, ont été commandés à cette fin. Ce sera donc sous la présidence de Donald Trump que ces nouveaux avions prendront la relève des VC-25A. Ironiquement, la livrée des futurs VC-25B fut décidée par Joe Biden, au détriment d’une livrée rompant avec la tradition et privilégiée par Donald Trump.
Le présent article traite évidemment des principaux avions dédiés au transport du Président des États-Unis. Moins connus du grand public, de petits avions plus discrets, et pouvant utiliser des pistes plus courtes, ont également l’honneur de devenir momentanément des Air Force One.
Acquis par l’US Air Force, une petite flotte de bimoteurs Aero Commander U-4B dédiés au transport du Président et autres dignitaires entra en service en 1956. L’U-4B fut fréquemment utilisé par le président Dwight D. Eisenhower, principalement pour de courts voyages entre Washington et sa ferme de Gettysburg en Pennsylvanie. Lui-même pilote, Eisenhower prenait souvent les commandes. Fait peu connu, entre 1935 et 1939, Eisenhower fut conseiller militaire auprès du gouvernement des Philippines et a contribué à créer la première force aérienne de ce pays. Durant cette période, il obtint sa licence de pilote privé. Un exemplaire du U-4B piloté par Eisenhower est conservé au National Museum of the United States Air Force en Ohio.
Toujours au même musée, on peut admirer un des six Lockheed VC-140B JetStar acquis en 1961 par l’US Air Force pour le transport du président et autres dirigeants. Lyndon B. Johnson a beaucoup utilisé les JetStar pendant ses mandats de vice-président et de président, notamment pour se rendre à son ranch dans le Texas. Un exemplaire du VC-140B est conservé au National Museum of the United States Air Force, et un autre est exposé au Ranch LBJ transformé en parc historique national. Ces Jet Star furent graduellement retirés du service au milieu des années 1980 et remplacés par des Gulfstream C-20B. À compter de 2020, ce fut au tour d’appareils Gulfstream C-37B de prendre la relève.
Ces jets d’affaires ne sont pas les seuls avions utilisés par les Vice-Présidents. Ils bénéficient aussi d’avions qui leur sont dédiés qui reçoivent l’indicatif d’appel Air Force Two lorsqu’ils sont à bord. Actuellement, l’avion principalement utilisé à cette fin est le Boeing C-32A. À l’occasion, le Président peut utiliser ces avions qui se transforment alors en Air Force One. Vous l’aurez compris, tout avion qui accueille le Président devient automatiquement un Air Force One. À l’inverse, l’énorme Boeing VC-25A devient Air Force Two lorsque seul le Vice-Président est à bord. Exception à la règle, pour des raisons évidentes de sécurité, cet indicatif est à l’occasion omis lorsque le Président voyage en secret dans un avion militaire vers des zones de combat. Ce fut notamment le cas lorsque les présidents George W. Bush et Barak Obama empruntèrent à l’occasion des avions Lockheed C-5 Galaxy et Boeing C-17 Globemaster III pour visiter les soldats américains combattant en Irak et en Afghanistan. Ce fut également le cas en 2023, lorsque Joe Biden effectua une visite surprise en Ukraine à bord d’un Boeing C-32A.
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11 réponses
Très chouette article, superbe récapitulatif de tous les avions présidentiels américains. J’adore.
Merci Marcel
Super boulot!
Il ne manque pas un C-130 qui était Air Force One pendant un vol? 🙂
C’est bien possible car la liste des avions non dédiés à bord desquels le Président est monté pourrait sans doute s’allonger. Je ne donnais que quelques exemples.
Marcel
C’était une boutade
Réponse dans les dernières minute du film éponyme
Subtil ! J’avais oublié cette partie du film… ça fait bien longtemps que je l’ai visionné.
Voilà un article fort bien documenté. Bravo pour cette synthèse !
Super article Marcel je vous félicite. J’avais vu en allant au Ronald Reagan Center un Boeing 707 présidentiel américain. Maintenant grâce à vous je sais qu’il s’appelle VC-137. Et sa fiche est très intéressante.
Merci Marcel pour cet article complet, bien illustré et fort enrichissant !
Salut Marcel et les Passionnés,
Article original et bienvenu dans cette actualité américaine trépidante, avec l’élection dernière de l’imprévisible Trump. Et ce dernier, avec « sa tête de Métèque »….., heu non de « Bulldog » enragé, a bien l’intention d’imposer sa nouvelle empreinte dès son arrivée au pouvoir en Janvier, sauf éventuelle nouvelle invasion du Capitol par….. les Démocrates…..! Trump veut du rouge, du blanc et du bleu foncé, les couleurs déjà présentes sur son avion personnel. Etant donné l’égo surdimensionné du Gugus, il va certainement le faire…..! Je suis à peu près sûr que les études et les commandes de peinture sont en cours de réévaluation (il suffira de reprendre celles de 2019 sous mandat Trump…) . A voir prochainement,
Passionnément,
Bonjour Marcel et merci pour votre érudition impeccable, Arnaud brille de la même façon et les AL est un endroit très agréable à visiter. La moitié de ces avions je ne les connaissais même pas.
Toute généralisation sera approximative, mais je me demande: pourquoi ces avions (FDR, DE, JFK, etc.) ont porté sur leurs ailes de l’espoir pour de millions de personnes pendant les années sombres de la guerre et celles d’extrême pauvreté après?
Dans l’UNION SOVIÉTIQUE de l’époque il y avait des avionneurs de talent et des pilotes courraguex, mais leurs prouesses sont – et restent – associées à des actes de ménace et de tueries?
Avis (très) personnel et je ne suis pas contre qu’il sera censuré, mais historiquement, quel gâchis! La nation russe est en train de se couper du reste du monde pour des générations à venir à cause de la folie d’une bande de criminels.
Merci pour vos commentaires. Je suis bien d’accord avec vous, il ne faut pas confondre peuple russe et dictateurs russes. Un beau gâchis en effet. Un pays au grand potentiel qui s’enfonce dans la déchéance. C’est ce qui guette aussi les USA , si le peuple américain ne se réveille pas.