La Russie va t-elle « récompenser » la Corée du Nord en avions de combat ?

La Russie n’a pas beaucoup d’alliés militaires fiables, c’est normal donc qu’elle les chouchoute. Depuis le mois dernier des pilotes nord-coréens volent dans la région de Vladivostok, sur divers modèles de chasseurs. Une présence qui coïncide avec l’annonce par les Alliés de l’arrivée progressive de 12000 à 15000 soldats nord-coréens sur le théâtre d’opérations de l’Ukraine. Plusieurs experts y voient une manière pour Moscou de payer Pyongyang de sa participation à cette guerre.

La Corée du Nord alignerait selon les différentes sources la 4e ou la 5e armée du monde, et la 2e en tenant compte du nombre de réservistes disponibles. Numériquement parlant c’est un géant. Qualitativement parlant c’est une autre histoire. Disposant majoritairement de matériels chinois, ex-soviétiques, ou encore indigènes les armées nord-coréennes ne sont pas réputées des plus modernes. Pourtant la Corée du Sud, le Japon, et les États-Unis s’en méfient. Par contre l’aviation nord-coréenne, et notamment la chasse, n’impressionnent pas grand monde.

Il faut dire qu’elle repose principalement sur des chasseurs Shenyang F-5 Fresco-F et F-6 Farmer-D ainsi que des Chengdu F-7 Fishcan. Niveau chasseur soviétique elle aligne encore de vieux Mikoyan-Gurevich MiG-21 Fishbed et MiG-23 Flogger ainsi que des Sukhoi Su-7 Fitter, trois modèles totalement hors d’âge ! La Russie, à l’époque la CEI, lui a fourni dans les années 1990, un lot de Mikoyan MiG-29 Fulcrum et un second de Sukhoi Su-25 Frogfoot. Ils sont tous deux communément considérés comme les seules avions de combat nord-coréens ayant une réelle capacité opérationnelle. Certains sont entretenus en Biélorussie. Elle aligne également quelques dizaines de bombardiers légers Harbin H-5 Beagle-C eux aussi totalement dépassés.

Or on sait depuis de nombreuses années que la Corée du Nord cherche à acquérir auprès de la Chine et de la Russie des avions de combat dignes de ce nom. Il semblerait qu’elle ait récemment échoué à acheter le chasseur sino-pakistanais Chengdu / PAC JF-17 Thunder tout comme le chasseur strictement chinois Chengdu J-10 Vigorous Dragon. Il y a quelques années déjà elle avait essuyé un refus autour du Shenyang J-11 Flanker-B+. Pékin semble accepter de fournir des blindés et des tanks mais pas des avions de combat à son voisin. D’où la démarche vers la Russie.

De ce fait on comprend mieux les contours de l’accord entre Moscou et Pyongyang : des avions de combat contre de la chair à canons. Pardon contre des fantassins et tankistes que l’on peut sacrifier sans trop se poser de questions. Car fondamentalement envoyer au front, face à des troupes ukrainiennes qui défendent bec et ongle leur territoire, des troupes qui n’ont jamais réellement combattu c’est les envoyer à l’abattoir. Ça va être une boucherie. Et ce même si les troupes nord-coréennes sont ultra endoctrinées par leur régime marxiste elles n’en sont pas moins des forces isolées n’ayant que des contacts sporadiques avec les armées chinoises lors d’exercices assez rares. Froncer les sourcils et grimacer face aux forces américaines et sud-coréennes n’a jamais fait d’elles des unités redoutables. Mais bon le nombre est là : 12000 à 15000 femmes et hommes qui n’ont rien demandé et vont aller se faire tuer à des milliers de kilomètres de leurs familles sans grandes chances de voir leurs dépouilles rapatriées. Les Russes ne le font déjà pas pour leurs propres soldats ce n’est pas pour le faire pour ceux de leurs supplétifs.

Et les pilotes nord-coréens qui s’entraînent depuis septembre 2024 sur des avions de combat comme le MiG-29SMT Fulcrum-C, le Su-30 Flanker-C, et le Su-35 Flanker-E démontrent bien que la Russie se prépare à livrer de tels appareils à son fidèle allié. Il se pourrait même que la Corée du Nord récupère les Su-35 initialement prévus pour l’Iran et que cette dernière ne désire désormais plus… ou tout le moins plus de la manière avec laquelle Moscou comptait lui vendre. Selon plusieurs experts américains et sud-coréens la Corée du Nord chercherait aussi à acquérir des avions d’attaque au sol Sukhoi Su-34 Fullback et Yakovlev Yak-130 Mitten.

Moscou marche cependant sur des œufs. Fournir la Corée du Nord pourrait la couper de l’Inde. Les dirigeants de ce pays n’ont en effet jamais caché une certaine méfiance vis-à-vis des velléités expansionnistes de Pyongyang. Le Kremlin doit donc satisfaire son allié sans gêner ses partenaires. La majorité des spécialistes sud-coréens indiquent que dans cette opération la Corée du Nord pourrait récupérer jusqu’à 80 avions, dont deux à trois douzaines de Su-35 Flanker-E.

Affaire à suivre.

Photo © AFP