Depuis mercredi soir la France vit au rythme des Jeux Paralympiques de Paris 2024. Or ceux ci tirent leurs origines de compétitions sportives organisées entre la fin des années 1940 et le début des années 1950 à l’hôpital de Stoke Mandeville en Angleterre. Les premiers participants étaient pour leur très grande majorité d’anciens pilotes de la Royal Air Force et de la Fleet Air Arm blessés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils posèrent ainsi les bases de ce qu’on appelle le mouvement paralympique à une époque où ailleurs on cachait les personnes en situation de handicap.
Ouf je peux enfin vous proposer cet article sur l’histoire conjointe de l’aviation et du sport. J’y pense depuis que j’ai su il y a sept ans que la France allait organiser les Jeux Paralympiques de 2024. Et désormais pour celles et ceux qui le méconnaissent ou même ne savent rien de ce sujet c’est la découverte de l’extraordinaire neurologue que fut sir Ludwig Guttman. Comme son nom l’indique ce Britannique est né allemand et a fui son pays d’origine car juif et donc menacé de mort par le régime nazi. C’est au Royaume-Uni qu’il a trouvé refuge et c’est à Stoke Mandeville que l’homme allait révolutionner les soins apportés aux victimes de la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement aux pilotes de chasse de Sa Majesté.
Entre les combats de la Bataille de France puis de la Bataille d’Angleterre entre le printemps et l’été 1940 puis ensuite lors des opérations durant toute la guerre que ce soit en Europe, en Méditerranée, ou même dans le Pacifique les pilotes de chasse britanniques payèrent un lourd tribut. Tous ceux qui furent abattus ne furent heureusement pas tous tués. Ils pouvaient s’en sortir depuis leurs Gloster Gladiator, Hawker Hurricane, North American Mustang, Supermarine Spitfire, et autres Vought Corsair. Beaucoup des survivants étaient cependant condamnés à ne jamais remarcher. Dans une société britannique d’après-guerre ultra conservatrice ils étaient donc appelés à l’anonymat. Il fallait les cacher ! Ce qui était insupportable au docteur Guttman. Il en fit venir des dizaines dans son service de neurologie à Stoke Mandeville. L’homme était un humaniste en plus d’un grand médecin.
Lui et ses infirmières comprirent bien vite que les soins ne suffisaient pas. Il fallait occuper l’esprit et le corps de ces hommes d’action aujourd’hui réduits à l’inaction. C’est pourquoi il décida d’utiliser le sport. D’anciens pilotes de chasse, des arcs, des flèches, des cibles, et un terrain dégagé derrière l’hôpital : sir Ludwig Guttman venait d’inventer le handisport. Nous étions en 1948 et la compétition qu’il organisa fut baptisée les «Stoke Mandeville Games for the Paralyzed». L’année suivante il ôta la spécificité de paralysie même si chacun savait que c’était la norme. En 1949 le docteur Guttman ajouta l’idée de jouer au basket-ball depuis un fauteuil roulant. Les Jeux Paralympiques n’étaient pas encore nés mais son concept était là. Les pilotes furent les premiers à proposer à leur médecin d’ouvrir la compétition à d’autres personnes en situation de handicap. Il accepta tout en choisissant d’inviter des compétiteurs et des soignants d’autres pays. Ainsi l’année 1952 vit l’apparition des «International Stoke Mandeville Games». Plus les années passaient et plus le médecin et ses infirmières ajoutaient des sports, parfois avec réussite et d’autre fois sans. Mais le neurologue venait d’entrer dans l’histoire de la médecine, du sport, et de l’aviation. Il avait rendu la fierté à des hommes brisés.
En 1960 à Rome vingt-trois pays représentant 400 sportifs inauguraient les premiers Jeux Paralympiques de l’Histoire. Soixante-quatre ans plus tard à Paris il y a huit fois plus de nations et plus de onze fois plus de sportifs de haut niveau. Et chaque jour ils nous démontrent que les parathlètes ne sont pas des sportifs à part ce sont des sportifs d’excellence. Ils ne sont pas très différents finalement de celles et ceux qui ont enflammé Paris il y a trois semaines. Et tout ça est partie en 1948 d’un médecin britannique d’origine allemande qui voulut occuper ses patients, d’anciens pilotes de chasse de la Fleet Air Arm et de la Royal Air Force.
Sir Ludwig Guttman est mort à l’âge de 80 ans le 18 mars 1980. Il laisse un héritage fort puisque si traditionnellement c’est de Grèce que partent les flambeaux olympiques d’été et d’hiver c’est de la petite ville de Stoke Mandeville que s’élancent les flammes paralympiques. L’homme a fait de sa petite ville d’adoption un des plus hauts lieux du sport mondial.
Photos © Comité Nationale Paralympique France & Paralympic Heritage Foundation.
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2 Responses
Merci Arnaud pour ce bel article qui permet de découvrir les origines des Jeux Paralympiques.
Merci à vous et à toute la rédaction pour vos articles toujours fouillés et souvent sur des thémes méconnus.
Un article qui me fait dire que dans tellement de cas, les valides ont tellement à apprendre des personnes en situation de handicaps. Rien que pour le regard qu ils ont sur eux même et sur le mental qui les poussent à tout dépasser y compris leur handicaps. Ça fait relativer et franchement on se sent un peu c** quand on se morfond pour des choses banal es qu une paire de chaussures trop petites ou un un lacet qui pète ou même un ciel tout gris alors que certains de ces athlètes ne l ont jamais vu.
Bref, merci Arnaud pour la page d histoire, au nazi d avoir permis à ce docteur de montrer qu ils n ont jamais été que des monstres (quand on sait la place qu ils réservaient aux handicapés) et d avoir permis à ce docteur de marquer le monde de son imagination, et à tout ces athlètes ou pas en situation de handicap pour la leçon d humilité.