En août 1944 la Luftwaffe a t-elle vraiment essayé de bombarder Paris ?

Aujourd’hui dimanche 25 août 2024 nous célébrons le 80e anniversaire de la Libération de Paris. Que ce soit la superproduction franco-américaine «Paris brûle-t-il» de René Clément en 1966 ou l’intimiste huis clos franco-allemand «Diplomatie» de Volker Schlöndorff en 2014 les six journées d’août 1944 ont inspiré le cinéma, pas toujours malheureusement au prix d’une exactitude historique stricte. Ainsi le premier des deux films, le plus célèbre d’ailleurs, revient à un moment sur la volonté des Allemands de bombarder Paris pour lui éviter de tomber aux mains des Alliés. Mais est-ce vraiment ce qui s’est passé ?

D’abord il faut savoir qu’entre le samedi 19 et le vendredi 25 août 1944 inclus la quasi totalité des terrains d’aviation autour de Paris sont aux mains de la Luftwaffe. C’est logique. L’Allemagne hitlérienne occupe la France depuis plus de quatre ans elle dispose donc des aérodromes et aéroports. Les terrains de Seine-et-Oise, aujourd’hui de l’Essonne et des Yvelines, sont pourtant les premiers à tomber aux mains des Américains au fur et à mesure de leur progression, notamment le long de la vallée de la Seine. La seule base allemande suffisamment proche de Paris pour faire décoller des bombardiers et viser la capitale se situe dans le nord de l’Hurepoix sur la petite commune d’Orly. Là les Junkers Ju 88A du KG 30, le Kampfgeschwader 30, sont seuls depuis que ceux du Kampfgeschwader 6 ont été rapatriés vers l’Allemagne et plus précisément sur la commune de Großenkneten en Basse-Saxe.

D’ailleurs en cette mi-août 1944 le moral n’est pas bon du tout sur le terrain d’aviation d’Orly. Quatre raids de bombardements américains ont eu lieu en un mois. À chaque fois des Martin B-26 Marauder accompagnés de chasseurs North American P-51 Mustang et Republic P-47 Thunderbolt ont pilonné la base. Les équipages n’osent plus mettre le nez dehors et seuls six Ju 88A sont encore en état de vol. L’US Army Air Force a dans le ciel du département de la Seine la domination totale sur la Luftwaffe. Les équipages du KG 30 le savent bien. Ils ont aussi compris que la guerre est perdue pour eux. La seule fenêtre de tir qu’ils attendent c’est celle qui leur permettra de décoller et de décamper vers l’Allemagne. Ils en ont reçu l’ordre depuis plusieurs jours quand ils apprennent le 19 août le début de l’insurrection parisienne. Ils savent que ça ne les concerne pas. Comme leurs collègues pilotes de chasses stationnés au Bourget ils ont bien conscience que jamais la Wehrmacht ne leur demandera d’intervenir, ce serait du suicide.

Sauf que Place de l’Opéra à Paris à la Kommandantur le gouverneur militaire Dietrich von Choltitz ne l’entend pas de cette oreille là. Pour ce vieux général prussien, déjà officier en 14/18, un ordre est un ordre. Et lui les tient directement d’Adolf Hitler. Choltitz est persuadé que s’il donne l’ordre aux bombardiers de prendre les airs ils le feront et ils frapperont le cœur névralgique de Paris : sa Préfecture de Police ! Cependant pour rejoindre l’île de la Cité les Ju 88A du KG 30 vont devoir voler une dizaine de minutes en évitant… les chasseurs alliés. Et ça c’est loin d’une sinécure. Car quand ce n’est pas l’US Army Air Force avec ses P-47 et P-51 c’est la Royal Air Force et ses Hawker Typhoon et Supermarine Spitfire qui maraudent à la recherche de la Luftwaffe. N’importe lequel de ces monomoteurs est très supérieurs aux vieux Ju 88A du Kampfgeschwader 30.

Fort heureusement pour les hommes du KG 30 il y a au sein de la Kommandantur des attachés de la Luftwaffe. Des officiers qui quotidiennement expliquent au general der Infanterie Choltitz qu’envoyer les bombardiers serait non seulement suicidaire pour les équipages mais au final totalement contre-productif. Et ils vont devoir batailler en argumentation quand le mercredi 23 août l’ordre émane de Berlin de bombarder Paris. Dietrich von Choltitz hésite. Finalement il renonce à faire appel aux Junkers Ju 88A du KG 30. Ironie de l’Histoire le soir même les six avions ont une fenêtre et réussissent à décoller. Sous les ordres de leur leader, l’oberstleutnant Sigmund-Ulrich Freiherr von Gravenreuth, ils réussissent à rejoindre l’Allemagne. Deux jours plus tard le 25 août 1944 Paris est libérée, et encore deux jours de plus le 27 août et ce sont les Américains qui s’installent à Orly. Le 826th Engineer Aviation Battalion de l’US Army Air Force prend possession du terrain d’aviation qui deviendra quelques années plus tard le célèbre aéroport parisien.

Doit-on encore présenter le Junkers Ju 88 ? C’est un des plus célèbres avions allemands de 39/45

Donc en effet l’aviation allemande n’a jamais participé aux combats relatifs à la Libération de Paris. Mais cela aurait pu arriver, en tous cas à Berlin le haut état-major nazi le souhaitait.

Photos © photothèque de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 Responses

  1. Notons tout de même le bombardement de la nuit du 26 au 27 août 1944, durant lequel l’aviation allemande a bombardé Paris et sa banlieue. Opération se « représailles » amenant la mort de près de 200 franciliens.

    1. C’est vrai Penne vous faites bien de le souligner. Mais il n’est pas traité dans l’article car j’ai choisi la période 19-25 août 1944, à savoir celle de l’insurrection de Paris.
      Mais merci de rappeler ce terrible bombardement.

  2. C’est pour cela que j’aime Avions Légendaires car Arnaud est capable avec le même talent de passer de sujets graves sur l’Ukraine à des articles plus légers ou comme ici à des topics historiques. Ne changez rien vous êtes toujours au top.
    Signé un Marseillais qui aime Paris.

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