Vol à voile : une discipline olympique ?

Saluée par la Patrouille de France en mai dernier lors de son arrivée au port de Marseille, la flamme olympique poursuit son périple en direction de Paris afin d’enflammer la Vasque olympique lors des cérémonies d’ouverture de la XXXIIIème Olympiade. La diversité des compétitions olympiques va donner le vertige aux spectateurs qui auront l’embarras du choix. Il y a bien sûr les grands classiques de l’athlétisme, mais aussi de nouvelles disciplines telles le Breaking, le Skateboard, l’Escalade et le Surf davantage susceptibles d’intéresser une clientèle plus jeune. Chaque jeu olympique amène son lot de nouveautés, souvent sous forme de sports de démonstration. Ce phénomène n’est pas récent.

Dans les années 1930, les prouesses aéronautiques fascinaient les foules. Il était donc dans l’air du temps d’inclure le Vol à voile comme discipline de démonstration aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin. Dû aux restrictions très contraignantes imposées au secteur aéronautique allemand par le Traité de Versailles en 1919, les Allemands se tournèrent vers le vol voile qui connût un essor incroyable. À la demande du pays hôte des jeux de 1936, le Comité international olympique (CIO) avait donc accepté, mais aucune médaille ne serait décernée à l’issue des épreuves.

Hermann Schreiber (premier à droite) avec sa médaille olympique en main, 1936

Seule exception à la règle, le Suisse Hermann Schreiber se vit décerner une médaille d’or spéciale pour souligner l’exploit du premier survol des Alpes en planeur réalisé… l’année précédente ! En septembre 1935, aux commandes d’un planeur Dittmar Condor, Schreiber survole les Alpes Bernoises et Valaisannes lors d’un vol périlleux d’une durée de près de six heures.

Dittmar Condor

Lors des Jeux Olympiques de 1936, les démonstrations de vol à voile ont lieu à l’aérodrome de Berlin-Staaken. Une vingtaine de pilotes provenant de sept pays (Bulgarie, Italie, Hongrie, Yougoslavie, Suisse, Allemagne et Autriche) y prennent part, dont la déjà célèbre Allemande Hanna Reitsch. Une égalité des sexes avant son temps !

Hanna Reitchs

L’évènement fut assombri par la mort tragique de l’Autrichien Ignaz Stiefsohn lorsque qu’une aile de son planeur Austro-Sperber se brisa en plein vol lors de manoeuvres de voltige durant une séance d’entraînement. Rien toutefois pour entamer durablement l’enthousiasme des foules. Une semaine plus tard, le pilote hongrois Lajos Rotter s’envole à bord de son planeur Rotter Nemere en direction de Kiel où se tiendront les épreuves de voile. Par mauvais temps, il réussit à parcourir la distance 336,5 km, soit le plus long vol jamais enregistré. Arrivé au-dessus de Kiel, il salue le site olympique avec deux boucles avant de se poser.

Lajos Rotter à bord de son Rotter Nemere

Le Vol à voile est officiellement reconnu par le CIO en 1938 dans le cadre du groupe de sports facultatifs pour les prochains Jeux Olympiques d’été de 1940 qui devaient se tenir initialement à Tokyo au Japon. Suite au déclenchement de la Seconde Guerre sino-japonaise en 1937, ces Olympiades furent ré-octroyés à Helsinki en Finlande. Afin que tous les pilotes soient à égalité technique, les compétitions olympiques à venir doivent se disputer sur un planeur monotype. Développé pour répondre au cahier des charges du CIO, le planeur de conception allemande DFS Olympia Meise (Mésange Olympique) effectue son premier vol en 1938 et remporte le concours international de sélection en 1939. L’Allemagne doit transmettre les plans du planeur retenu à tous les pays désireux de participer à la compétition olympique.

DFS Olympia Meise

Malgré la neutralité affichée par la Finlande, l’URSS attaque ce pays scandinave à compter du 30 novembre 1939 dans ce qui deviendra la Guerre d’hiver finno-russe. Le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale en septembre 1939 avait déjà eu pour effet d’annuler les Jeux Olympiques de 1940. Loin de signifier l’arrêt de mort de l’Olympia Meise, 626 exemplaires du planeur olympique furent fabriqués en Allemagne pendant la guerre. Une petite vingtaine seront également assemblés en Suède durant le conflit. Après-guerre, la production de l’Olympia Meise fut relancée en Allemagne de l’Ouest. À compter de 1947, la France produira aussi une centaine de planeurs fidèles aux plans de l’Olympia Meise et baptisés SNCAN Nord 2000. D’autres pays feront de même, dont la Tchécoslovaquie avec son Zlin Z-25 Šohaj.

SNCAN Nord 2000

Le Vol à voile est demeuré dans le répertoire de sports olympiques optionnels jusqu’en 1956, lorsque le CIO décida d’abolir cette liste. Aucun des pays hôtes des Jeux Olympiques d’après-guerre n’avait alors choisi d’accueillir des événements de vol à voile. Une bien triste fin pour les vélivoles qui ne connaîtront probablement jamais la gloire olympique. Cela n’a toutefois pas empêché l’évolution de ce sport ô combien gracieux aux yeux des aérophiles !

 


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

5 Responses

  1. Quel dommage que la France « pays de naissance de l’aéronautique » n’ait pas inscrit le vol à voile au programme des JO de 2024.

    Nos équipes nationales en la matière sont très bonnes, il y a de superbes installations à Chartres et c’est un sport très « vert » (vu que c’est à la mode de parler de ça).

    Une occasion ratée… une de plus.

  2. Intéressant comme article. Mais je trouve que le vol à voile aurait été un peu élitiste comme sport pour être olympique. Vous me direz il y a bien le golf.

    1. De par leur nature, les Jeux Olympiques sont élitistes puisqu’ils mettent en vedette l’élite mondiale dans chacun des sports. Dans l’autre sens du mot, il y a bien la voile… En fait, le vol à voile est l’activité aéronautique la moins couteuse et donc la plus accessible au plus grand nombre.

      1. Très bon article, comme toujours.

        Effectivement, le vol à voile est ouvert à tout le monde à cause de son faible prix à l’heure de vol. Et c’est aussi par là que j’ai commencé avant de passer au vol à moteur. Le vole à voile est merveilleux. Tourner près des rochers, croiser des aigles avec seul le bruit du vent c’est quelque chose de fantastique. J’ai toujours trouvé dommage que le comité olympique ne prend en compte aucun sport aérien. Par contre l’hippisme, qui pour moi n’est pas un sport, vu que c’est un animal, le cheval, qui fait tout, là on le met en avant comme grand sport. J’aimerais aussi bien voire des disciplines olympiques tel que le parachutisme, le vol à voile, la voltige, mais j’ai peur que cela ne reste qu’un rêve.
        Il ne faut pas oublier qu’au début, les jeux olympiques n’étaient réservé qu’au sportifs amateurs. Les pros devaient abandonner leur licence professionnel pour pouvoir y participer. C’était la grande fête des sportif amateurs. Malheureusement le dieu Fric é tout changer.

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