Maverick, Bambi, Pappy, Buzz et les autres

Quiconque a visionné le film culte Top Gun sorti en 1986 se souvient encore des surnoms des principaux personnages. Que ce soit Maverick, Goose, Iceman, Viper, Jester, ou Charlie, ils ont marqué l’imaginaire des cinéphiles/aérophiles. Près de quarante ans plus tard, on passe du F-14 Tomcat au F-18 Super Hornet dans Top Gun: Maverick où l’on retrouve avec bonheur Maverick et son vieux pote Iceman, auxquels s’ajoutent des jeunes loups et louves: Rooster, Halo, Payback, Phoenix, Hangman et autres.

À voir cette pléthore de pilotes affublés de surnoms rigolos, on pourrait croire que cette tradition remonte à loin. De tels indicatifs d’appel n’ont toutefois commencé à devenir monnaie courante que durant la guerre du Viêtnam. Ce n’est que dans les années 1980 que cette pratique fut institutionnalisée aux États-Unis et dans certains autres pays, notamment au Canada.

Les premiers surnoms de pilotes remontent à la Première Guerre mondiale, tels le Baron rouge et Billy Bishop, mais cela était plutôt rare. Durant la Deuxième Guerre mondiale, davantage de pilotes portaient des surnoms tels Buzz Beurling et Gregory Pappy Boyington dû à son âge avancé pour un pilote de chasse. Il semblerait que dans l’aéronavale américaine les indicatifs d’appels alphanumériques permettant d’identifier le porte-avions, l’escadron et l’avion lui même ont graduellement fait place aux surnoms afin de confondre l’ennemi à l’écoute des communications. D’autres pilotes s’étant illustrés lors de la Guerre de Corée ont conservé un surnom qui leur a collé à la peau. On a qu’à songer à Buzz Aldrin, devenu l’un des deux premiers astronautes à poser pied sur la lune.

Depuis les années 1980, l’octroi d’un indicatif d’appel personnalisé constitue un rite d’initiation des jeunes pilotes se joignant à leur première unité opérationnelle. En aucun cas un pilote peut choisir lui-même son indicatif. Ce sont les pilotes séniors de son unité qui proposent des surnoms généralement en fonction des traits d’une personne, qu’ils soient physiques (ex. Shorty pour un grand costaud) ou de caractère (ex. Grumpy pour un grincheux), ou découle d’un jeu de mots (ex. Vodka pour un pilote nommé Smirnoff), ou de sa provenance (ex. Tex pour un Texan), ou un diminutif (ex. Fern pour Fernand Villeneuve). Une source d’inspiration rigolote vient des mésaventures des aviateurs juniors. En rafale, voici quelques exemples: Bambi pour un pilote ayant heurté un chevreuil s’étant aventuré sur la piste, Berlin pour un autre qui a frappé un mur lors du roulage de son appareil, T-Bone pour un pilote ayant tué une vache avec une bombe d’entraînement. Sans doute le plus cocasse, Gucci pour un pilote ivre dans un bar qui draguait une fille et qui a vomi dans son sac-à-main italien.

D’ailleurs, c’est sûrement lors de soirées bien arrosées que les suggestions d’indicatifs fusent. C’est toutefois le commandant de l’escadron qui a le dernier mot afin d’éviter que le jeune pilote soit affublé d’un indicatif péjoratif. En 2022, des officiers de l’Aviation royale canadienne l’on appris à leurs dépens en tolérant un indicatif tout à fait inapproprié pour un des pilotes sous leur commandement. Ils en ont été quittes pour des réprimandes et une suspension temporaire, ce qui représente tout de même une tache noire dans leur dossier.

Le but d’un indicatif est d’introduire une dose d’humour bon enfant dans une profession à haut risque. L’octroi d’un indicatif d’appel n’est toutefois pas un geste anodin, puisque comme pilote il vous suivra toute votre carrière et probablement même à la retraite. C’est un signe d’acception et de camaraderie dans le club sélect des pilotes de chasse et de bombardiers. Le pilote va donc le porter avec fierté, brodé sur sa tenue de vol ainsi que peint sur son casque et le fuselage de son avion.

En rédigeant cet article, un souvenir a fait résurgence. Entre fils d’aviateurs, nous nous amusions à se donner des surnoms lorsque nous étions gamins. Mon indicatif d’appel était alors Spock, un des personnages principaux de la série télévisée Patrouille du cosmos (Star Trek) que nous suivions religieusement. Un surnom attribué non pas pour mes oreilles, mais pour mon esprit cartésien et mon sang froid même dans les situations les plus critiques (cascades risquées et tours pendables). Traits de caractère que j’ai conservés jusqu’à ce jour. Aussi, je suis parmi ceux capables de faire le signe vulcan, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Voilà, c’est dit ! Qui sait, vous pourriez croiser Spock lors de votre prochaine sortie au Bar de l’escadrille !


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

16 Responses

  1. Au Québec vous appelez Star Trek la « patrouille du cosmos » ? J’avoue j’ai ri. Je n’ose imaginer les traductions données à Star Wars, Doctor Who, ou Fringe.
    Pour le reste cet article est hyper intéressant.

    1. Bien oui, au Québec on est plus français que les Français ! C’est nous les véritables irréductibles Gaulois !‘

    2. Je crois que le 1er épisode (enfin le IV) de StarWars était bien sorti sous le nom de la Guerre des étoiles en 1977 en France/Belgique.
      J’entends encore mon Papa appelé le film comme ça dans les années 90.
      Avec le célèbre Millenium Condor et son copilote Chique-Tabac!

  2. Merci marcel pour cet article, intéressant comme thème.
    En mode sérieux, l’indicatif servait aussi à ne pas divulguer le véritable nom du pilote, aussi bien en vol que pour le marquage sur leur appareil.
    Nous connaissons tous, je pense, ATE, un ancien pilote de la Royale, indicatif dont l’origine est teintée d’humour aussi.
    Je ne suis pas pilote mais James est aussi un alias 🙂

  3. Certains surnoms sont assez cocasse.
    En est il de meme pour l’Asie, moyen orient?

    Pour les russes, les pro trolls vont forcément nous répondre

  4. Longue vie et prospérité M. Spock
    Je pense que c’est aussi plus rapide d’appeler avec les surnoms

    1. C’est vrai, imaginez un alias comme « L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » 🙂

  5. Salut MARCEL, ARNAUD et les Passionnés,

    Merci SPOCK pour cet article qui aère l’esprit….!
    Bon, pour le mien, vous devinez POURQUOI ….? Vous voulez un indice …?

    Aéronautiquement,

  6. Merci. Cela change des habituelles « fiches avions », et c’est très instructif; tout au moins en ce qui me concerne.

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