Dans l’UE petit à petit le Blackhawk fait son nid.

On a longtemps cru le Vieux Continent à l’abri de l’ogre de Sikorsky grâce notamment aux productions d’Eurocopter (aujourd’hui Airbus Helicopters) et d’AgustaWestland. Sauf qu’en ce printemps 2024 il faut se rendre à l’évidence : l’UH-60 Blackhawk a trouvé son marché auprès des pays de l’Union Européenne. Alors certes l’OTAN l’a sans doute un peu aidé mais ce n’est pas là la seule raison de cette réussite désormais avérée. Et les indicateurs montrent que celle-ci n’est pas prête de s’arrêter.

Si on excepte le damier sur l’arrière ce Blackhawk croate pourrait parfaitement avoir l’air d’appartenir à l’US Army.

Il y a quelques jours la Grèce annonçait sa commande pour trente-cinq exemplaires de la version UH-60M tandis que la Lituanie attend désormais de pied ferme la livraison de ses deux premiers exemplaires, sur un total de quatre acquis. Celle-ci doit intervenir à l’automne. En effet plus que jamais l’hélicoptère biturbine américain se sent chez lui dans les pays de l’Union Européenne. Et pour cause l’offre continental en matière de transport d’assaut n’est finalement pas si importante que cela.

Bien sûr celle-ci s’articule entre les groupes Airbus et Leonardo mais elle n’est pas exactement à même de couvrir tout le spectre du marché des hélicoptères d’assaut. Car si l’Airbus Helicopters H215M est bien à même de concurrencer directement le Sikorsky UH-60 Blackhawk on peut considérer que les Airbus Helicopters H225M et AgustaWestland AW.101 Merlin sont légèrement plus gros, trop sans doute pour lui faire de l’ombre. Qui dit trop gros dit aussi dans leur cas trop onéreux face à un hélicoptère américain largement amorti et qui demeure le best seller de son constructeur. Amorti donc sur lequel Lockheed-Martin, maison mère de Sikorsky, peut réduire les prix. D’autant plus que désormais il fabrique le Blackhawk directement en Europe, dans les usines polonaises de Mielec. On parle ici de la version appelée S-70I. Et les AgustaWestland AW.169M et AW.189 dans tout ça ? Force est de constater qu’ils sont eux ou trop petits pour le premier ou inadaptés au transport d’assaut pour le second. Un espoir (assez mince) subsiste en Europe avec le futur Airbus Helicopters H160M, même si celui-ci s’annonce lui aussi sans doute plus cher à l’achat que le Blackhawk.

Avec lui Sikorsky surfe aussi sur le Vieux Continent sur un phénomène bien palpable : le vieillissement des flottes. Aérospatiale SA.330 Puma et Bell UH-1D/H Iroquois sont en voie d’obsolescence tandis que les Bell 212 Twin Two-Twelve / UH-1N Twin Huey et Eurocopter AS.332 Super Puma vieillissent également. Sans compter les Mil Mi-8 Hip et Mi-17 Hip-H d’origine soviétique qu’il faut retirer du service afin de satisfaire l’alliance Atlantique et ses fameuses normes. Le fait que l’UH-60M Blackhawk et le S-70I soient des hélicoptères d’assaut moderne et finalement bon marché séduit plusieurs pays, et en intéresse même certains qui jusque là ne possédaient pas de machines de ce gabarit. C’est ainsi qu’il semble que désormais Chypre, l’Estonie, et Malte lui tournent autour.

Outre donc la Grèce qui vient de le commander et la Lituanie qui attend les siens, où trouvez des Sikorsky UH-60 Blackhawk (ou des S-70I) au sein de l’Union Européenne ? En fait un peu à ses quatre coins. Il y a d’abord l’utilisateur «historique», celui qui a véritablement fait entrer le loup américain dans la bergerie européenne : l’Autriche et son Bundesheer. Ils emploient cette machine aussi bien pour le transport d’assaut que pour la dépose de commandos ou encore le soutien aux missions parapubliques. En fait c’est simple ce pays alpin est un peu la vitrine du Blackhawk sur le Vieux Continent. Autre force aérienne importante dans l’UE pour lui : la Flygvapnet. Et le fait que la Suède achète le Blackhawk avait à l’époque suscité beaucoup de débats dans ce pays l’opinion publique préférant le recours à un appareil plus consensuel, entendez par là plus européen, pour assurer le gros des missions de transport héliporté. Finalement il est aujourd’hui parfaitement accepté par tous les acteurs de la vie publique suédoise.

Le triangle inversé blanc sur fond rouge et les marquages Bundesheer ne laissent aucun doute sur l’origine de Blackhawk : l’Autriche.

Cependant il ne faut pas nier que le Sikorsky UH-60 Blackhawk a su s’implanter auprès des pays de l’Union Européenne jadis membres du Pacte de Varsovie et donc placés sous le joug de Moscou. En fait pour remplacer du Mil Mi-8 Hip il semble bien qu’il n’y ait rien de mieux qu’un Blackhawk, au grand dam d’Airbus Helicopters et de Leonardo. Ainsi on en trouve sous les marquages de la Croatie, de la Lettonie, de la Pologne, et de la Slovaquie.

Un des derniers utilisateurs européens en date est sans doute aussi le plus étonnant : la Força Aérea Portuguesa. D’abord parce que celle-ci a toujours privilégié les solutions européennes pour acheter ses hélicoptères militaires et ensuite parce qu’elle a choisi des UH-60A… de seconde main. En fait au Portugal le Blackhawk n’est absolument pas dédié au transport d’assaut ou à la dépose et la récupération de forces spéciales. Ce sont des HBE, c’est à dire des hélicoptères bombardiers d’eau. Ils emploient pour cela un Bambi bucket. Ils peuvent également assurer des missions de liaisons et de transport au profit des unités anti incendies comme les célèbres commandos de feux. C’est ce qui explique leur livrée haute visibilité très inhabituelle sur Blackhawk militaires.

La preuve qu’en Europe le Blackhawk peut aussi servir à faire la guerre… du feu.

Alors pour autant il existe en Europe des foyers de résistance à l’invasion du Blackhawk. On pense forcément en premier lieu à la France qui de toutes manières ne vole que sur des hélicoptères de production locale, ou au pis construits en Allemagne. Cette dernière d’ailleurs tout comme la Belgique ou encore l’Espagne et l’Italie ne cède toujours pas aux sirènes de Sikorsky. Dans les pays d’Europe centrale et orientale il faut signaler la Roumanie qui continue de faire confiance à ses propres machines, avec l’aide technologique de la France et de l’Italie.

Parmi les plus récents utilisateurs du Blackhawk en Europe on retrouve la Lettonie.

Vous l’aurez compris l’aventure européenne du Blackhawk est loin d’être terminé, d’autant qu’il séduit hors UE. L’Albanie et l’Ukraine en possèdent et il se dit que la Norvège pourrait l’acquérir. Il est intéressant de voir qu’au début des années 1980 la Grande Bretagne a failli l’acheter pour remplacer ses Westland Puma HC Mk-1 mais qu’elle y a renoncé. On parlait même alors d’un Westland WS-70, un Blackhawk à l’accent anglais.

Photos © Bundesheer, Força Aeréa Portuguesa, Latvian Air Force, et ministère croate de la défense.


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ARTICLE ÉDITÉ PAR
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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

Une réponse

  1. Étonnant que le NH90 ne soit pas mentionné.
    C’est pourtant un appareil européen parfaitement équivalent en taille, existant en versions de transport terrestre et naval comme le UH60/SH60.

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