Pour ceux qui en ont marre de la froidure et de la grisaille de l’hiver, la tentation est forte de s’envoler vers une destination soleil. Jadis réservé aux plus riches, les séjours sous les palmiers se sont démocratisés avec l’avènement des vols abordables pour la classe moyenne. Ce phénomène s’est même accentué avec les transporteurs aériens low cost et la prolifération des tout-inclus à bas prix. Pour ceux qui fuient les plages bondées et les attractions envahies par des hordes de touristes, il existe heureusement des endroits plus sauvages et moins facilement accessibles. Pour les amants de nature sauvage et de culture locale pas trop dénaturée par le tourisme, il faut sortir des sentiers battus. Pour de telles destinations, un véhicule 4×4 est fort utile. Parfois même, un vol en avion de brousse est requis.
S’il y a des destinations qui font rêver, ce sont bien les îles des Antilles et celles de la Polynésie. Certaines de ces îles plus petites sont dépourvues d’aéroport, ou ne disposent que de courtes pistes parfois sommairement aménagées. Heureusement qu’il existe des hydravions et des avions adaptés à ces situations. Ce genre d’environnement est particulièrement propice au légendaire Twotter aussi à l’aise dans les régions polaires que sous les tropiques.
Les capacités ADAC exceptionnelles du DHC-6 Twin Otter sont d’ailleurs mises à profit pour desservir la plus courte piste commerciale au monde. Cette distinction revient à l’aéroport Juancho E. Yrausquin de la petite île de Saba dans les Antilles néerlandaises. Perchée sur une falaise entourée de pentes abruptes, la piste de cet aéroport n’est pas beaucoup plus longue que celle d’un porte-avions, mais elle est dépourvue de catapulte et de brins d’arrêt ! Pourtant, à chaque jour des Top Guns décollent et atterrissent sur ce mouchoir de poche qui laisse aucune place à l’erreur !
Dès que l’on entend Top Gun, les images de Maverick aux commandes de son F-14 Tomcat, ou plus récemment de son F/A-18F Super Hornet, viennent immédiatement en tête. Toutefois, Il n’y a pas que dans l’aéronavale où cette expression est utilisée. Pour preuve, les pilotes du transporteur Winair qui dessert l’île Saba reçoivent également ce qualificatif bien mérité. Seuls les pilotes les plus chevronnés de Winair prennent les commandes des avions qui effectuent les dessertes quotidiennes entre l’île franco-hollandaise de Saint-Martin/St. Maarten et Saba. D’une durée de vingt minutes à peine, ce n’est pas le vol commercial le plus court au monde, mais c’est sans doute l’un des plus spectaculaires. Avec en toile de fond les falaises et pentes escarpées de cette minuscule île volcanique, les chutes abruptes dans la mer à chaque extrémité de la piste ajoutent à l’excitation, ou à l’effroi, des passagers. Les boutiques locales de souvenirs vendent d’ailleurs des T-shirts arborant le slogan « J’ai survécu l’atterrissage à Saba ! ». Il n’y a pas qu’à Saba que les pilotes de Winair font preuve d’un grand sang froid. L’approche de l’aéroport de Saint-Barthélemy, côté collines, donne également des sueurs froides à bien des passagers.
Originaire de l’île voisine de Saint-Barthélemy, Rémy de Haenen fut le premier pilote assez téméraire pour se poser sur Saba. De nombreuses îles avoisinantes disposaient déjà de pistes d’atterrissage construites durant la Deuxième Guerre mondiale, mais la topographie de Saba posait problème. Seul le bien nommé Flat Point présentait un lieu potentiel pour l’implantation d’une courte piste. Aussitôt défrichée et sommairement aplanie, de Haenen y posa en 1959 son monomoteur Dornier D0-27. Il faudra toutefois attendre quelques années avant que Saba dispose de son propre aéroport. C’est en 1963 que Winair débuta les premiers vols commerciaux vers Saba. Réalisés initialement avec des bimoteurs Dornier Do-28 et BN-2 Islander, les liaisons de Winair vers Saba prennent véritablement leur essor avec l’acquisition des premiers appareils Twin Otter en 1965.
Malgré la nature hasardeuse de l’aérodrome de Saba, on n’y déplore aucune perte de vie, si ce n’est une chèvre tuée lors de la sortie piste incontrôlable d’un Dornier Do-28 en 1971. L’avion fut fortement endommagé, mais tous ses occupants s’en sont tirés indemnes. Rebelote en février 2023 quand un BN-2 Islander fut endommagé lors d’un brutal atterrissage. Pas de chèvre en vue cette fois-ci et tous les occupants de l’avion, y compris un chien, en furent quitte pour une bonne frousse !
Véritable Saint Graal pour les aérophiles qui n’ont pas froid aux yeux, Saba est sur mon bucket list. Malheureusement, il faudra que je me résigne à faire éventuellement ce voyage sans ma chérie. Sous aucune prétexte elle ne veut mettre les pieds dans un avion de brousse et encore moins dans un hélicoptère, même pour admirer les paysages hallucinants de Kauai ! Dommage pour les craintifs qui prennent l’avion à contre-coeur. La terre est pourtant si belle vue du ciel !
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4 Responses
Bonjour,
Impressionnant ! Merci pour cet article !
Salut ARNAUD,
Un peu de rêve et de sensation, ça fait du bien car l’actualité aéronautique peut parfois devenir routinière…! Cette piqure de rappel est intéressante car elle met en lumière des pilotes de brousse, qui n’ont rien à envier en terme de sang froid, de témérité et de dextérité à leurs homologues des aviations militaires; bon, il est vrai que ce sont parfois les mêmes, en recherche d’adrénaline, lors d’une seconde carrière professionnelle….!
L’atterrissage à St BARTH est vraiment CHAUD au raz des bagnoles, je ne sais pas qui a le plus peur, les passagers de l’avion ou ceux des véhicules….!
Aéronautiquement,
Salut Rafaletiger, si tu remarques bien l’article n’est pas de moi. C’est Marcel qui en est l’auteur. C’est donc à lui que doivent revenir ces louanges largement méritées.
Oui effectivement, c’est notre MARCEL préféré qui en est l’auteur, j’aurais du m’en douter, car les taxis-brousse, ils connaissent les Québécois…!
Aéronautiquement,