Kaman bientôt aux mains d’un fond de pensions.

C’était un des derniers constructeurs aéronautiques américains réellement indépendant ! Treize ans après la mort de son fondateur Charles Kaman l’hélicoptériste éponyme se prépare à passer sous le contrôle du groupe Arcline Investment Management, un petit fond de pension d’à peine une soixantaine d’employés dont le siège se trouve dans le Tennessee. La somme injectée dans les finances de Kaman devrait permettre de maintenir à flot le constructeur et de garantir la future production en série de son très ambitieux drone de transport appelé Kargo et qui intéresse vivement l’US Department of Defense. Le chèque signé s’élève à 1.3 milliards de dollars US.

Pour les aérophiles Kaman est synonyme d’hélicoptères légendaires comme le HH-43 Huskie qui fit les belles heures des recherches-sauvetages dans l’US Air Force ou le SH-2 Seasprite qui connut son heure de gloire comme tueur de sous-marins au sein de l’US Navy. La version Super Seasprite a eu un succès d’estime à l’export, c’est cette version qui est représentée en couverture d’article. Kaman a également développé divers prototypes d’hélicoptères dont le très intéressant XHTK testé à la fin des années 1940 par l’US Coast Guard et par l’US Navy.

Depuis quelques années le constructeur s’était aussi fait une spécialité dans l’étude et le développement de systèmes télépilotés. Son K-Max a été un des tous premiers hélicoptères pouvant être «dronisé» à la demande. Il a d’ailleurs porté la désignation de Kaman CQ-24A K-Max au sein de l’US Marines Corps. Depuis des hélicoptéristes comme Bell, Boeing, ou encore Sikorsky ont fait mieux. Ou plutôt ont amélioré ce que Kaman avait développé. Et c’est justement cette expérience dans les systèmes télépilotes et autonomes qui a permis de lancer le programme Kargo. Il s’agit d’un quadricoptère dédié aux missions vertrep à partir de navires de petit tonnage voire à partir des navires autonomes désormais en phase finale de développement dans l’US Navy. Kaman est donc définitivement ancré dans le 21e siècle et dans les évolutions futures du monde des voilures tournantes. Cependant il se dit de plus en plus que le constructeur veut revenir à son cœur de métier : l’hélicoptère. Cumuler donc la production et la commercialisation de machines pilotées et télépilotées voire autonomes.

Mais depuis quelques années Kaman allait mal. Au printemps 2022 le constructeur a racheté le sous-traitant aéronautique Parker Hannifin pour 440 millions de dollars US. Une opération qui l’a un peu mis dans le rouge. Disons dans l’orange… sanguine !!!  La fin de la production du K-Max a été mal vécu par les ingénieurs et techniciens de l’entreprise. D’où l’injection du milliard trois cent millions de dollars du fond de pensions Arcline Investment Management. Cela a rassuré les marchés. L’hélicoptériste est côté au NYSE, autrement dit à Wall Street. Kaman va y perdre en indépendance ce qu’il pourrait y gagner en stabilité économique. Car si les experts de cette société de «capital investissement» n’y connaissent pas forcément grand-chose en aéronautique ce sont des hyper spécialistes des rouages de la finance internationale.

Si en France, et plus largement en Europe, le rachat de Kaman par Arcline Investment Management passe totalement inaperçu ce n’est pas le cas aux États-Unis. Jusque là ce constructeur faisait figure de survivant de l’âge d’or aéronautique, de l’époque où un constructeur pouvait se suffire à lui-même. Ce rachat est cependant suspendu à l’approbation qui doit être émise par la Federal Trade Commission. Il s’agit de l’autorité américaine de régulation des pratiques concurrentielles.

Pour la petite histoire Kaman a même fabriqué des guitares électriques, son fondateur étant un passionné de rock.

Affaire donc à suivre.

Photo © US Department of Defense.