Alors que le géant russe United Aircraft Corporation subit de plein fouet les restrictions économiques votées par les Alliés suite à l’invasion de l’Ukraine souveraine sa branche aviation commerciale est au plus mal. À ce niveau là le biréacteur court courrier Superjet 100 développé par Sukhoi fait figure véritablement de péril mortel. Afin de lui éviter de disparaitre il a été décidé de le confier à Yakovlev, un avionneur réputé depuis la guerre froide pour son savoir-faire en matière de jets régionaux. Pour cela une version totalement non occidentalisée a été réalisée et pourrait être certifiée dès l’année prochaine.
C’est un peu le sauvetage de la dernière chance pour le concurrent russe de l’Airbus A220. Car déjà avant la guerre russo-ukrainienne, la fameuse «opération militaire spéciale» selon la novlangue moscovite, le Sukhoi Superjet 100 était un véritable boulet pour UAC. Et cela remonte au drame du 5 mai 2019 quand un exemplaire exploité par Aeroflot s’est embrasé au décollage, puis à l’incident de réacteur en janvier suivant. Des compagnies aériennes russes le boudaient et celles qui l’opéraient cherchaient même à s’en débarrasser.
Pourtant le Superjet 100 continue de faire rêver l’industrie aéronautique russe. Car il est son avion du renouveau, bien avant le très ambitieux MC-21. Et c’est pourquoi dans le cadre de son remaniement interne le groupe UAC a choisi de placer l’intégralité de sa production aviation commerciale sous l’égide de Yakovlev. Le Superjet 100 devrait d’ailleurs très prochainement recevoir une désignation en Yak. «Désoccidentaliser» ce biréacteur court courrier n’est pourtant pas une chose aussi simple à faire qu’à dire. Car il faut revoir aussi bien l’avionique, que les équipements de sécurité, ou encore la motorisation.
En effet si sur le papier le réacteur SaM146 est bien produit en Russie il est cependant franco-russe. Autant dire que c’est la crème des réacteurs*. Le consortium Power Jet qui le produit réunit NPO Saturn et Safran, ou plutôt les réunissait avant que le motoriste français soit obligé de lâcher son partenaire russe suite aux décisions diplomatiques de Paris. Dès lors le SaM146 devenait impossible à produire, ou tout le moins beaucoup plus difficile. Afin de palier le savoir-faire français Yakovlev a décidé que NPO Saturn allait désormais travailler avec Aviadvigatel. Ce partenariat a du sens quand on sait que les deux motoristes appartiennent au même conglomérat, le groupe UEC. Cependant Safran n’est ni la seule société française ni la seule entreprise d’un pays allié à participer au programme du Sukhoi Superjet 100. Une partie de l’avionique est fournie par l’entreprise française Thales et par les groupes américains Honeywell et Raytheon. Enfin la société allemande Liebherr participe activement aux équipements de sécurité et à l’hydraulique de l’avion russe. En fait ces partenariats avec des grands noms allemands, américains, et français étaient justement la raison d’être du Superjet 100, sa carte de visite pour tenter de le vendre sur le marché international.
Sous le commandement de Yakovlev le Superjet 100 devient ce qu’il n’aurait normalement jamais dû être : un avion russe. De ce fait les possibilités d’exportation partout dans le monde s’évaporent, fondent comme neige au soleil. Fini les marchés asiatiques, et notamment celui de la Chine, et européens et bonjour celui de la stricte fédération de Russie et de quelques pays africains fort peu regardants sur les questions de sécurité aérienne. Car avec une avionique 100% russe ne pouvant s’appuyer sur des composants américains ou taïwanais les soucis techniques risquent d’à nouveau s’accumuler. Surtout le mal de jeunesse du Superjet 100, à savoir les graves retards dans les livraisons de pièces détachées, risque bien d’être accru.
Plus on se penche sur ce chantier et plus on se dit que Yakovlev n’a pas fait une affaire en récupérant ce Sukhoi Superjet 100. Officiellement l’avionneur espère une certification de type pour 2024 après le nouveau premier vol de l’avion réalisé en cette fin août 2023. Celle ci ne sera cependant pas délivrée par les États-Unis ou l’Union Européenne mais par la seule fédération de Russie. De quoi suffire pour des vols intérieurs ou la vente à des pays placés sur listes noires de l’OACI.
Affaire donc à suivre.
Photo © United Aircraft Corporation.
* Navré je n’ai pas pu m’en empêcher.
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Une réponse
Haaalala, quel dommage pour la grande Russie poutiniene de dépendre autant du savoir faire et de la haute technologie du si décadent occident… c’est ballot !